Il y a quelques années, ANZ créait un département exclusivement dédié à sa transformation « digitale », dont un aboutissement est, depuis peu, le lancement d'une offre bancaire de nouvelle génération. Sa mission considérée plus ou moins remplie, la division va réintégrer le giron maternel… et probablement perdre son ambition et son âme.
La démarche initiale, pourtant suivie par bien peu d'entreprises, est assurément la meilleure manière d'appréhender une évolution radicale, que les « anciens » ne parviennent que très rarement à envisager, comme l'illustre un ex-DSI d'ANZ qui, en 2017, affirmait que ses systèmes existants (âgés pour certains de plusieurs décennies) fonctionnaient parfaitement et n'avaient nullement besoin d'être remplacés. Mieux vaut, dans ce cas, confier la vision d'avenir à une équipe indépendante et autonome.
En deux ans, le programme mis sur pied dans un tel cadre a atteint une dimension conséquente, avec 850 personnes, qui, déjà, laisse entrevoir une possible dérive bureaucratique. Et la solution livrée confirme effectivement que les efforts sont loin d'avoir abouti à la mutation souhaitée. Certes, il s'appuie sur une infrastructure technique à l'état de l'art, mais sa proposition de valeur paraît décalée à la fois par rapport au marché et à l'aune de sa promesse d'œuvrer au bien-être financier de ses clients.
En synthèse, ANZ Plus est une plate-forme résolument classique (pour 2022). Compte courant et carte de paiement sont pilotés par une application mobile, qui embarque des fonctions banales de suivi des dépenses, catégorisées, auxquelles elle ajoute une faculté d'anticipation des charges récurrentes (à 30 jours) et des pots d'épargne par objectif. Elle n'a guère à rougir face à la concurrence, mais elle devra compléter sa panoplie, comme elle en signale d'ailleurs l'intention, si elle veut réellement marquer sa différence.
C'est donc dans ce contexte que le rapprochement avec la banque de détail traditionnelle est organisé, sous la houlette générale de la responsable de l'entité consacrée à l'innovation, Maile Carnegie, ancienne de Google. Le prétexte invoqué est parfaitement cohérent : la stratégie consistait, dès l'origine, à permettre le développement d'une approche modernisée des métiers dans le but ultime de décliner ensuite l'ensemble des avancées réalisées sur les services historiques, pour tous les clients actuels.
Cependant, au vu des progrès accomplis, encore modestes, et du (très long) chemin qui reste à parcourir, le mouvement me semble prématuré. Les quelques briques technologiques déployées et les premiers pas d'une conception centrée sur le client (et ses besoins) nécessitent visiblement une sérieuse consolidation avant d'envisager de faire de cet embryon de banque « digitale » un modèle prêt à propager au reste de l'organisation. Une fusion hâtive risque de faire échouer les deux volets.
En arrière-plan, ce n'est pas seulement la précipitation des dirigeants, désireux de démontrer la valeur dégagée, qui s'exprime. Se joue également la confusion habituelle entre, d'une part, une perception des enjeux de la transformation réduite à quelques composants techniques et à la migration sur les canaux numériques des fonctions essentielles et, d'autre part, la réalité d'une transition indispensable vers un nouveau paradigme, qui n'est aujourd'hui qu'esquissé et exigera bien d'autres changements.
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