Quand les banques françaises lançaient leur solution de paiement en ligne Paylib, en 2013, je m'amusais de leur lenteur à réagir à la menace des trublions tels que PayPal. Je peux désormais relativiser mes sarcasmes puisque, selon le Wall Street Journal, l'industrie américaine s'éveillerait tout juste aux mêmes enjeux… avec 20 ans de retard.
Ceux qui croiraient naïvement que ce délai d'incubation – de l'idée, la réalisation n'ayant vraisemblablement pas encore débuté – ait abouti à une solution révolutionnaire en seront pour leurs frais. Les informations disponibles à ce stade laissent entrevoir un module d'encaissement tout à fait classique du côté des marchands et un parcours de règlement banal basé sur la saisie d'une adresse de courriel ou d'un numéro de téléphone, reliés en arrière-boutique à une carte de débit ou de crédit standard.
La mise en œuvre du projet paraît tout aussi rocambolesque. Ainsi, la première option envisagée – qui consistait, à l'inverse de la démarche adoptée dans l'hexagone, à étendre les capacités du service d'échanges d'argent entre pairs, Zelle – a été abandonnée en raison des polémiques jamais éteintes sur la fraude incontrôlable qui affecte son fonctionnement et sa réputation. Le nouveau dispositif serait confié au même prestataire – Early Warning, appartenant aux principales banques – mais en resterait indépendant.
Le résultat serait donc, en résumé, un système de paiement rigoureusement identique à ceux qui ont fait leurs preuves, parfois depuis plus de deux décennies, et ont déjà conquis des millions d'adeptes fidèles, surtout sur leur marché domestique, aux États-Unis, sans même espérer profiter d'une synergie étroite avec l'outil déployé précédemment pour un autre besoin, qui, en dépit de ses défauts, a réussi à capter une large audience grâce à sa promotion par les institutions financières auprès de leurs détenteurs de comptes.
Je ne sais pas comment raisonnent les stratèges dans ces entreprises mais il ne faut pas être grand clerc pour imaginer qu'une telle proposition de valeur est irrémédiablement vouée à l'échec. L'exemple de Paylib, dont on ne peut hélas penser qu'ils ont connaissance, pourrait pourtant les éclairer : son aventure dans le paiement en ligne a fait long feu et laissé place à une plate-forme de transferts entre amis… assez étrangement assortie de paiement de proximité (pour les appareils équipés du système Android).
Apparemment, la réaction des acteurs historiques serait due à la soudaine prise de conscience du risque que représentent pour eux les « nouveaux » entrants, en particulier par leur capacité à s'emparer de la relation avec leurs clients. Bien sûr, l'irruption d'Apple constitue en la matière une alerte bien plus puissante que celle de PayPal auparavant, mais la tendance, perceptible depuis des années, a été trop longtemps ignorée… et les tentatives de corriger le tir aujourd'hui, dans la panique, sont risibles et désespérées.
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