Dans le sillage des alertes au réchauffement climatique et au développement des inégalités, le secteur financier s'emballe depuis quelques mois pour l'« investissement socialement responsable » (ISR). Mais les produits étiquetés de la sorte sont-ils porteurs d'une réalité ou ne sont-ils que le reflet d'un détournement marketing ?
Alors que se multiplient les incitations à épargner à long terme avec des instruments relativement standardisés, à base de fonds indiciels (ETF), aux niveaux de risque ajustables à tous les profils, l'ajout dans les solutions d'une dimension vertueuse – environnementale, sociale et de gouvernance – devient incontournable, répondant aux préoccupations des citoyens. Tous les acteurs intègrent désormais une dose d'ISR dans leur communication et dans une partie, sinon la totalité, de leur catalogue.
Malheureusement, quand on tente d'éplucher ces offres dans leurs menus détails, il faut se rendre à l'évidence : au mieux, elles se contentent d'éviter d'encourager les pires dérives de l'économie capitaliste, au pire, elles abusent éhontément d'une mode potentiellement lucrative et trompent manifestement leurs clients. Surtout, la plupart n'appuient leurs affirmations de responsabilité sociétale d'aucune information factuelle précise, qui seule permettrait de se faire une idée concrète de leur sincérité.
Ce défaut de transparence constitue la première cause de doute légitime. Ainsi, la majorité des produits présentés, par des grands groupes comme par des startups, affichent fièrement un logo certifiant, souvent associé à une sorte de profession de foi des gérants. Mais que sont ces labels plus ou moins officiels ? Entre, par exemple, celui du gouvernement français, dont les critères sont pour le moins obscurs (ses exigences semblent essentiellement ressortir de la documentation), et ceux du MCSI, qui mesurent une exposition de l'entreprise aux risques financiers liés à sa responsabilité sociale (?), il est difficile de croire que les fonds qualifiés ont vraiment un impact positif.
Quand le fournisseur est plus disert quant à sa stratégie, le soupçon se transforme rapidement en certitude. Que les fonds distribués se tiennent à l'écart des plus mauvais élèves tels que Bayer-Monsanto, ExxonMobil, MacDonald…, tandis qu'ils englobent des actions de Microsoft, Siemens, Unilever…, suffit-il à en faire des modèles idéaux pour l'investisseur concerné ? Tout au plus pourra-t-il considérer qu'une approche passive de ce genre représente une première étape vers un engagement plus substantiel.
Et puis, plus profondément, l'achat de titres en bourse peut-il être authentiquement responsable ? Puisque l'argent versé ne va pas à une entreprise (et à ses éventuels efforts sociétaux) mais à un détenteur antérieur (qui l'utilisera peut-être pour soutenir les pires pollueurs de la terre), jamais ces supports ne pourront faire partie d'une démarche active, orientée vers l'amélioration des pratiques et le bien de la planète. Se pose alors la question : les qualifier de « socialement responsable » n'est-il pas obscène ?
En synthèse, mon message aux épargnants est simple : si vous souhaitez uniquement vous donner bonne conscience, n'hésitez pas et laissez-vous séduire par les promesses creuses de l'ISR ; en revanche, si vous désirez que votre action ait une véritable portée, aussi modeste soit-elle, au bénéfice de l'humanité, choisissez plutôt de mettre vos économies directement au service des projets qui font une différence sur le terrain ! Bien sûr, vous devrez vous impliquer sérieusement dans votre stratégie d'investissement…
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