Si l'emballement généralisé pour la blockchain et ses pseudo-miracles s'est fait plus discret depuis plusieurs mois, il s'avère que les projets – toujours aussi absurdes – n'en continuent pas moins de s'épanouir, comme en témoigne la dernière expérimentation en date de DBS, organisée dans le cadre du projet Orchid du régulateur singapourien.
Comme aux plus grandes heures de la mythologie des origines, l'initiative de la banque recycle un cas d'usage maintes fois abordé – sous différents angles – et ses supposés bénéfices… dont on imaginerait que, après plus de dix ans de promesses non tenues et de démonstrations de leur vacuité, ils aient enfin été abandonnés. En l'occurrence, le test portait cette fois sur le versement « automatique » de subventions gouvernementales à 27 jeunes pousses locales de la FinTech.
En résumé, ce sont donc une poignée de virements dont la banque a – « grâce à la blockchain » et ses capacités de « contrats intelligents » – orchestré le déclenchement à partir d'un certain nombre d'événements externes (tels que la validation de dossier, l'accord de paiement, la disponibilité des fonds…) sans aucune intervention humaine, autorisant de la sorte une réactivité inédite, dans une transparence totale, l'ensemble du processus étant documenté (et, apparemment, accessible aux intéressés).
Présenté comme une véritable rupture majeure, le scénario proposé paraît pourtant ridicule. En effet, le premier outil de robotisation de processus (RPA) venu, de ceux qui prolifèrent aujourd'hui dans toutes les entreprises, voire une simple macro Excel ou un logiciel du genre d'IFTTT, est en mesure de l'exécuter avec la même efficacité, sans nécessiter la mise en œuvre de technologies coûteuses (à l'installation comme à l'utilisation) ni de quelconques compétences spécialisées. Quant à la visibilité des actions, elle relève évidemment d'une décision politique, pas d'un outil.
Naturellement, on peut se contenter de sourire face à ces farces, en se disant qu'il n'est pas bien grave pour de grands groupes aux moyens considérables de s'égarer parfois dans des opérations sans avenir. Malheureusement, dans un contexte de resserrement des budgets de l'innovation et de repli massif vis-à-vis de concepts émergents, leurs conséquences peuvent se révéler plus importantes et durables qu'il n'y paraît a priori. Et le constat est d'autant plus amer s'agissant d'un établissement tel que DBS.
Historiquement en pointe de l'industrie, la banque s'est assagie depuis quelque temps et – qu'il existe ou non une corrélation entre les deux phénomènes – doit aujourd'hui affronter un indispensable effort de modernisation sur son cœur de métier. Dans ses conditions, ses errements autour de la blockchain sont particulièrement délétères, mobilisant des ressources qui seraient mieux employées à de vraies transformations, au service de ses clients (et de leur bien-être financier, par exemple).
Dans un autre registre, l'entêtement marqué à rechercher de la valeur dans une tendance qui n'en recèle finalement aucune – alors que deux des premières règles à respecter dans des aventures incertaines, que, manifestement, DBS oublie, consistent, d'une part, à définir des critères de succès objectifs et, d'autre part, à savoir s'arrêter « à temps » – risque également de constituer un facteur de régression supplémentaire dans les stratégies d'innovation, en renforçant le scepticisme et le conservatisme.
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