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mercredi 8 mai 2024

FIS, de la tech à la banque

Atelio by FIS
Voilà (peut-être) une tendance émergente, qui surprend. Tandis que la FinTech dérive progressivement vers la fourniture de technologies aux acteurs traditionnels de la finance, l'éditeur de logiciels sectoriels FIS – qui se réclame donc logiquement de cette étiquette – se met, comme plusieurs de ses confrères, à distribuer des solutions bancaires.

D'une certaine manière, la démarche représente un retour aux sources, à savoir la prise de conscience de l'emprise de l'informatique sur l'industrie, aboutissant rapidement à l'idée que, grâce aux technologies les plus modernes (que les entreprises historiques peinent à adopter et à adapter à leurs environnements complexes), il est possible de créer de nouveaux entrants attractifs et compétitifs. Quoi de plus normal qu'un spécialiste du logiciel pour les métiers bancaires s'emparent du modèle ?

Pour FIS, le raisonnement s'applique particulièrement bien à la notion de services enfouis, dont l'essentiel de la valeur réside effectivement dans la capacité à proposer une expérience optimale à des développeurs et ressort donc d'une expertise technique. C'est une filiale dédiée qui sera consacrée à ce segment d'activité et elle s'adresse aussi bien aux firmes de tous domaines désireuses d'insérer des fonctions financières au cœur de leurs parcours qu'aux banques qui souhaiteraient compléter leur catalogue.

Tous les produits de base sont couverts, autant pour le grand public que pour les professionnels : comptes de dépôt, paiements, cartes de débit ou crédit… et la liste devrait s'allonger au fil du temps. Naturellement, chacun d'eux est exposé sous forme d'API, prenant en charge toutes les étapes des processus (par exemple la gestion d'identité et la connaissance client lors de l'entrée en relation ainsi que le suivi du solde et des transactions, les relevés d'opérations… au cours de la vie du compte).

Atelio by FIS

Atelio (c'est le nom de l'entité) ne détient aucune licence et s'appuie sur les offres de partenaires réglementés pour propulser ses propres solutions. C'est là où l'approche prend un relief original, puisqu'il y a tout lieu de penser que ces établissements sont eux-mêmes utilisateurs du socle informatique de FIS. De cette manière, la publication des interfaces mises à disposition de tiers est facilitée, dans la mesure où elles font partie intégrante de la plate-forme. L'éditeur se positionne de la sorte en opérateur d'un canal de commercialisation supplémentaire pour ses clients qui ne se sentent pas prêts à s'engager directement dans les spécificités de la banque enfouie.

L'évolution des fondamentaux de la FinTech crée désormais de nouvelles opportunités d'intermédiation entre les acteurs en place et les startups. Les premières rencontrent souvent des difficultés à répondre aux attentes suscitées par la « digitalisation » du monde et les secondes souffrent de leur manque de visibilité. Les fournisseurs des technologies qui sont au cœur des systèmes d'information de l'industrie ont alors tous les atouts en main pour, d'un côté, catalyser la transformation (comme dans le cas de FIS) ou, de l'autre, diffuser des produits innovants (sur leurs places de marché).

mardi 7 mai 2024

Chase aide les PME à prospérer

Chase
Parmi une série de nouveautés sans grand intérêt destinées à sa clientèle de PME, dont un socle de paiement rafraîchi et un module de gestion de factures, Chase annonce le lancement d'une plate-forme analytique qui remet au goût du jour une ancienne opportunité encore rarement exploitée et l'enrichit de capacités supplémentaires.

Le principe d'origine est trivial, à tel point qu'il paraît incompréhensible qu'il n'ait pas été généralisé de longue date dans les grands groupes qui possèdent toutes les ressources nécessaires – données, technologies, compétences – pour le déployer : il s'agit d'offrir aux petites entreprises un tableau de bord qui leur donne accès à une connaissance profonde et étendue de leurs opérations et de leur performance, élaborée grâce aux informations collectées par l'intermédiaire de leurs encaissements.

Statistiques de vente (évidemment) et de fréquentation (heures de pointe…), profil des clients (lieu de résidence, catégorie d'âge, niveau de revenus…), modes de consommation… fournissent la base d'une meilleure perception du fonctionnement d'un commerce ou d'une échoppe d'artisan, à laquelle s'ajoute ici des éléments de comparaison avec les pairs et/ou concurrents permettant de contextualiser les résultats bruts. Toutes les données partagées sont naturellement anonymisées et agrégées.

Jusque-là, rien d'exceptionnel à la proposition de Chase. Bien que les banques soient peu nombreuses dans le monde à avoir implémenté ce genre de solution (à l'instar de RBC, pour n'en citer qu'une), les pionnières ont franchi le pas depuis des années. Mais la filiale de J.P.Morgan va beaucoup plus loin en adoptant une approche proactive qui, simultanément, correspond à une demande latente largement insatisfaite et capitalise sur l'émergence de moyens techniques qui en facilite la mise en œuvre.

Chase Customer Insights

À partir des analyses personnalisées produites, « Customer Insights » va en effet émettre des recommandations pratiques à l'utilisateur en vue de l'aider concrètement à optimiser son activité. Touchant à des domaines variés, elles portent par exemple sur les recrutements à envisager afin de faire face à une période d'affluence anticipée, la suggestion de mise en place de campagnes marketing et/ou d'un programme de fidélité soigneusement calibrés pour stimuler les ventes, les localisations à privilégier dans l'hypothèse de l'ouverture d'une nouvelle implantation…

Rompant avec l'habitude des banques de fournir à leurs clients, professionnels comme particuliers, des outils qui se contentent de leur délivrer des informations certes très utiles, potentiellement, mais dont il ne savent souvent pas que faire, Chase opte pour une démarche d'accompagnement authentique… qui n'est pas totalement dénuée d'arrières-pensées mercantiles (absolument légitimes, surtout avec un service gratuit), puisque ses conseils s'articulent à l'occasion avec son catalogue de produits…

lundi 6 mai 2024

CommBank se penche sur l'usurpation d'identité

Truyu
À travers sa structure d'incubation et de capital-risque, CommBank propose depuis peu une nouvelle solution destinée à lutter contre l'usurpation d'identité, un fléau qui a affecté près de 200 000 australiens au cours de l'année écoulée, en hausse de 25% par rapport à la période précédente, et menace constamment chacun de nous.

À défaut de prévenir les attaques, ce qui serait idéal mais paraît illusoire, Truyu est conçue pour détecter les tentatives de fraude et alerter immédiatement la victime, via une application mobile dédiée. En pratique, il suffit de fournir ses informations personnelles (protégées, bien sûr !) et une notification sera alors émise chaque fois qu'un des services de vérification d'identité est interrogé avec ces données (nom et prénom, date de naissance, numéro de permis de conduire ou de passeport…).

Dans le cas où il n'est pas à l'origine de l'événement, l'utilisateur, qui pourrait sinon se sentir démuni et céder à la panique, est pris par la main et guidé dans les mesures concrètes à engager (rapidement) afin de se prémunir contre les conséquences de l'abus et éviter tout dommage supplémentaire. Le même outil est également capable de prendre en charge, dans les mêmes conditions (y compris les conseils), les cas d'apparition des adresses de courriel dans les rapports de fuites de données.

À ce stade, le dispositif est encore en version expérimentale et ne prétend aucunement à l'exhaustivité, mais il couvre d'ores et déjà les ouvertures de compte auprès de la plupart des banques, des opérateurs de télécommunication et de paris en ligne… qui représentent évidemment les cibles les plus attractives parmi les cybercriminels.

Accueil Truyu

Contrairement à d'autres de ses aventures hors de ses métiers financiers, CommBank maintient clairement sa marque sur le service. La raison en est simple : il s'agit de souligner la présence d'un intermédiaire de confiance historique – la banque – dans un système qui non seulement promet de lutter contre des malversations visant le portefeuille des consommateurs mais, en outre, enregistre et conserve des informations sensibles sur eux, exigeant donc les plus hauts niveaux de sécurisation.

La démarche est une excellente illustration des opportunités qu'offrent l'identité « digitale » et ses innombrables sujets dérivés aux banques capables de projeter leurs expertises sur une autre matière virtuelle que l'argent, entre protection et exploitation sans risques (ou à risque minimal). À l'heure où les gouvernements commencent à déployer des déclinaisons dématérialisées des documents traditionnels, les applications possibles sont innombrables et séduiront d'autant plus facilement le grand public qu'elles émaneront d'acteurs inspirant confiance, au moins sur la protection des données.

dimanche 5 mai 2024

Swisscom se lance dans l'assurance

Swisscom
La grande vague d'invasion de l'univers de la banque entamée il y a quelques années par les opérateurs de télécommunication s'étant désormais plus ou moins effondrée, au gré, notamment, de plusieurs échecs cuisants (Orange Bank ?), visent-ils maintenant à se lancer dans l'assurance ? C'est en tous cas le nouveau pari de Swisscom.

Naturellement, l'initiative ne part pas de zéro puisque l'entreprise propose depuis longtemps, comme la plupart de ses consœurs, une garantie contre la casse et le vol des téléphones qu'elle commercialise ainsi que, et c'est un peu plus rare, une protection dédiée à la cybersécurité. Aujourd'hui rassemblées sous une marque spécifique, Sure, elles sont rejointes par des produits génériques, à commencer par l'habitation et les loisirs, en attendant, dans les mois qui viennent, les voyages, l'automobile…

Les arguments que présente Swisscom afin de justifier la légitimité de son intrusion dans un métier éloigné du sien sont étonnamment similaires à ceux qui présidaient aux aventures bancaires antérieures : la proximité supposée avec les clients et la confiance qu'ils accorderaient à leur opérateur seraient propices à une intégration de l'assurance. Il faut reconnaître un certain optimisme à ceux qui s'attachent encore fermement (?) à de telles convictions après les déconvenues qu'elles ont engendrées précédemment.

La démarche mise en œuvre est cependant assez différente, en particulier sur le niveau d'engagement qu'elle représente. En effet, il n'est pas question ici de créer une offre de toutes pièces, qui représenterait un investissement difficile à rentabiliser. Plus raisonnablement, la firme assume dans ce cas un simple rôle d'intermédiaire pour la distribution de solutions fournies par ses partenaires – par exemple Zurich pour l'habitation ou AXA pour une prochaine couverture des loyers impayés.

Swisscom Sure

La maturité « digitale » ayant sensiblement progressé dans les grands groupes de télécommunication (probablement plus que dans l'assurance), Sure peut également mettre en exergue quelques avantages concrets de son approche : une souscription et une résiliation simples et rapides, sur le téléphone, ou encore une flexibilité totale, autorisant l'ajustement de la couverture à la demande. Par ailleurs, l'intégration future de contrats pour tous les besoins courants permettra bien sûr de faire de l'application mobile de Swisscom un tableau de bord universel des garanties détenues. Puis vient le rêve de détecter les moments de vie susceptibles de rebond commercial (tel qu'un déménagement), procurant des opportunités de vendre des polices…

Ces caractéristiques suffiront peut-être à conquérir quelques consommateurs particulièrement fidèles à leur opérateur mais seront-ils si nombreux ? Il paraît tout de même douteux, comme l'était déjà l'ouverture d'un compte bancaire, que l'idée de souscrire une assurance par ce biais devienne une tendance. Certes, la généralisation en cours des modèles enfouis, facilitant le déploiement de produits dans n'importe quel parcours client, constitue une aubaine… encore faut-il que le contexte soit approprié.

samedi 4 mai 2024

La banque qui s'est brûlé les ailes

DBS
L'annonce de la fin de son moratoire de six mois sur les projets informatiques non critiques de DBS me donne l'occasion de découvrir que celui-ci résultait d'une décision du régulateur singapourien. L'interventionnisme des autorités en matière de risque technologique se propage… en proportion de sa progression et de ses impacts.

C'était en novembre dernier, à la suite d'une série d'incidents sérieux affectant l'accès de ses clients à ses services en ligne. La banque présentait alors un plan en vue de renforcer sa résilience. Aujourd'hui, les principales mesures ont été déployées et seules les améliorations d'architecture du système d'information, dont il était d'emblée prévu qu'elles s'étalent sur 12 à 24 mois, sont toujours en cours. De quoi satisfaire la MAS, qui lève donc son interdiction d'engager de nouvelles transformations.

Comme je le soulignais au début de la période probatoire, les changements mis en œuvre pour l'instant relèvent essentiellement de l'atténuation des conséquences des incidents rencontrés – en particulier dans la rapidité de détection et de réaction – et ne concernent pas les racines du mal, pour lesquelles les initiatives engagées n'auront pas d'effet avant plusieurs années. Et, dans ce registre, il est non seulement question d'éviter les indisponibilités des applications web et mobile… mais aussi de stratégie.

En effet, dès avant l'injonction, la culture historique d'innovation « digitale » de DBS montrait des signes d'essoufflement et il paraît vraisemblable que la fragilité et la complexité de son patrimoine informatique, accentuées par son exubérance de créativité, ait simultanément contribué à ce ralentissement, dans une sorte de spirale délétère. Arrivée au bout d'une impasse qui lui impose de remettre à plat ses systèmes, elle se retrouve maintenant durablement bloquée dans ses ambitions de rupture.

L'autre aspect important de cette actualité est, bien sûr, la démarche adoptée par le régulateur. En Europe, la BCE s'inquiète depuis déjà quelque temps des menaces que font peser sur les banques et leur capacité à opérer sans interruption les technologies vieillissantes qui propulsent leurs services critiques, jusqu'à instaurer bientôt des mécanismes de supervision dédiés. La MAS singapourienne a dorénavant franchi un pas supplémentaire, très intrusif, en définissant les priorités de la DSI de DBS.

Face à l'immobilisme ambiant et aux résistances persistantes des dirigeants, faudra-t-il donc que les autorités en arrivent à décréter le lancement des indispensables grands chantiers de rénovation qui permettront de débarrasser les infrastructures bancaires des technologies obsolètes ? Ce niveau d'exigence est-il vraiment envisageable ? Et de telles décisions pourront-elles être prises avant que ne survienne une catastrophe ?

DBS Live More

vendredi 3 mai 2024

L'ambiguïté des banques mutualistes

Crédit Agricole
Comme les grandes banques du monde entier, Crédit Agricole S.A. publie ses résultats trimestriels et ceux de ce début 2024 sont exceptionnels, à hauteur de 1,9 milliards d'euros, autorisant l'ambition d'atteindre les 6 milliards pour l'exercice complet. Comment une telle position est-elle compatible avec l'esprit mutualiste revendiqué ?

Je précise immédiatement que je prends ici l'exemple du Crédit Agricole mais le même questionnement s'applique, à des degrés variables (légèrement), aux autres établissements issus de racines similaires. Tous ceux-là se sont en effet progressivement mis dans une situation extrêmement ambiguë, entre désirs de mettre en avant leur différence démocratique, dans la gouvernance de leur banque de détail (comme le souligne ces derniers temps une campagne publicitaire du Crédit Mutuel), et communication financière typique des grands groupes du secteur.

Comme dans la création des produits et services du quotidien, ces entreprises devraient se mettre à la place de leurs sociétaires face à cette cacophonie : possèdent-ils vraiment un quelconque pouvoir d'orienter les décisions stratégiques de leur teneur de compte ou ou la caisse locale n'est-elle qu'un rouage dans un empire comme les autres, d'abord préoccupé de dégager des bénéfices pour ses actionnaires, leur laissant tout au plus un rôle de marionnette dans une mise en scène soigneusement orchestrée ?

A minima, pour plus de transparence et de clarté, il serait bon de rapprocher les annonces purement boursières de leurs implications concrètes au niveau du réseau mutualiste. Après tout, ce dernier reste détenteur d'une majorité des parts de sa société cotée parente et profite à ce titre d'une fraction importante de la manne engrangée. Comment cet argent est-il concrètement utilisé ? Dans quelles conditions les conseils d'administration locaux ont-ils voix au chapitre ? Ces choix créent-ils un avantage distinctif démontrable par rapport aux institutions 100% capitalistes ?

En l'état, les consommateurs sont abandonnés seuls aux prises avec deux catégories de messages incompatibles, l'une qui défend des valeurs coopératives tellement idylliques qu'elles paraissent immédiatement suspectes et l'autre qui correspond à ce que le petit épargnant déteste probablement le plus au monde, à savoir les banques qui enregistrent des résultats faramineux… grâce à leur argent. Il n'est pas très difficile de deviner lequel prend généralement le dessus et de comprendre alors pourquoi l'argument du mutualisme est en sérieuse perte de vitesse auprès du grand public.

Crédit Agricole

jeudi 2 mai 2024

Un programme de fidélité pour le BNPL

Sezzle
Comme tous ses équivalents dans le monde, le spécialiste américain du paiement fractionné (BNPL) Sezzle dépend de la fiabilité de ses clients pour assurer la pérennité et la prospérité de son activité. Alors, afin de les encourager à respecter leurs engagements, il met en place un programme qui récompense leurs comportements responsables.

Le principe de « Payment Streaks », qui ressemble à un programme de fidélité classique, dans lequel tous les utilisateurs sont enrôlés automatiquement et gratuitement, est extrêmement simple. Chaque règlement d'échéance en temps et en heure (ou en avance) donne lieu à l'attribution d'un point. Dès que son nombre de points accumulés dépasse un seuil prédéterminé, sur une période de 90 jours glissante, le bénéficiaire décroche un avantage, par exemple une prime sur ses parrainages ou une participation à une loterie mensuelle dotée de cadeaux divers et variés.

En parfait alignement avec son positionnement d'acteur éthique du financement des consommateurs, Sezzle présente son initiative comme un facteur de sensibilisation contribuant au bien-être financier. Dans le même esprit, son service inclut, en option cette fois, la possibilité de transmettre ses rapports sur les opérations qu'elle gère aux agences de cotation, de manière à enrichir le score de crédit de ses clients. Naturellement, la promesse de libéralités est plus convaincante pour influencer les décisions que ce bénéfice aux contours trop théoriques pour le commun des mortels.

La démarche a toutefois au moins autant vocation à jouer en faveur de la jeune pousse elle-même, qui – comme tous les opérateurs de crédit, sous toutes ses formes, et encore plus dans un domaine peu régulé et propice à de graves erreurs d'appréciation – doit en permanence maîtriser son niveau de risque de défaut afin d'assurer sa survie à court et à long terme. Dans une convergence d'intérêts bénéfique, ses investissements destinés à stimuler la ponctualité dans les remboursements devraient ainsi se traduire par un effet positif sur ses propres résultats (du moins s'ils sont pertinents).

Avec le BNPL, j'ai l'habitude de focaliser mon attention sur l'amont, à savoir les mesures à prendre afin d'éviter d'entraîner des personnes en situation de fragilité dans une spirale infernale. Cette approche reste évidemment essentielle… mais une autre perspective mérite d'être prise en considération : celle des emprunteurs insouciants, qui n'ont pas réellement conscience des engagements que représente un crédit et qui peuvent se mettre en difficulté alors qu'ils sont a priori solvables. C'est pour ceux-là que le « Payment Streaks » de Sezzle constitue une piste de solution digne d'attention.

Sezzle – The Responsible Way to Pay

mercredi 1 mai 2024

Synthesia produit des avatars expressifs

Synthesia
Loin des fantasmes suscités par les exagérations médiatiques autour de l'intelligence artificielle générative, Synthesia en propose une application simple, pratique et opérationnelle, susceptible d'être mise en œuvre par toutes les entreprises recherchant des moyens efficaces de communiquer en vidéo, avec leurs employés ou leurs clients.

J'ai déjà évoqué ici quelques tentatives d'introduire un simulacre d'empathie, matérialisée par une réaction faciale aux émotions exprimées par l'internaute, dans les avatars utilisés en guise de façade aux robots conversationnels. La cible de Synthesia est radicalement différente puisqu'elle concerne exclusivement la création de films incarnés par des personnages virtuels aux comportements aussi naturels que des comédiens professionnels, sans requérir de talents de direction d'acteurs.

Aussi facile à appréhender que PowerPoint, la plate-forme permet de composer et mettre en scène visuellement un scénario. Chaque scène peut inclure du texte, diverses formes, des éléments multimédias et, bien sûr, un avatar – à choisir parmi une vaste collection d'identités prédéfinies ou à dessiner, par exemple à partir d'une capture d'une personne en chair et en os –, dont il suffit de rédiger le texte qu'il doit prononcer – avec, là encore, une voix sélectionnée dans la libraire proposée – afin de l'animer.

Outre la désormais classique synchronisation des lèvres avec les paroles articulées, dans toutes les langues supportées (y compris par traduction automatique, le cas échéant), la nouvelle version de l'outil est maintenant en mesure d'adapter les expressions du visage à la tonalité du script fourni (joie, tristesse, enthousiasme…) avec un réalisme époustouflant, résultat d'un entraînement des modèles sous-jacents sur des enregistrements (avec des cobayes humains) dédiés à cet objectif.

Synthesia Expressive AI Avatars

Entièrement synthétisées par les IA propriétaires de Synthesia, les vidéos sont produites en temps réel, permettant au concepteur d'ajuster les paramètres à la volée pour atteindre rapidement le résultat désiré. Et si, pour l'instant, les avatars sont essentiellement réduits à une tête, la jeune pousse travaille à une évolution vers des représentations en trois dimensions de protagonistes en pied, capables de se mouvoir dans l'environnement qui leur est alloué et de compléter de la sorte leur communication corporelle (notamment via les mains, particulièrement difficiles à gérer, paraît-il).

La solution s'adresse aux entreprises qui savent que la transmission d'information et l'apprentissage sont plus efficaces quand ils sont portés par des intervenants humains mais qui n'ont pas les moyens de produire un film traditionnel dans toutes les circonstances où il aurait du sens. Les principaux cas d'usage visés touchent ainsi aux supports d'auto-formation (pour les ressources humaines, les équipes de vente, les départements informatiques…) et aux modules d'assistance en libre service (pour les guides d'utilisation ou les bases de connaissance du SAV, entre autres).

Pour les organisations, tellement nombreuses dans le secteur financier, qui hésitent – probablement à juste titre bien que leur prudence soit parfois excessive – à déployer des applications d'intelligence artificielle générative par crainte d'anomalies et d'hallucinations échappant malencontreusement à leur contrôle, l'offre de Synthesia représente une implémentation sans danger : la responsabilité des contenus restitués par la plate-forme, au demeurant peu exposés aux erreurs, reste entre leurs mains.

mardi 30 avril 2024

BBVA, une dérive stratégique

BBVA
Les plus fidèles de mes lecteurs le savent, je considérais depuis des années l'espagnole BBVA comme un phare de l'innovation dans l'industrie bancaire européenne. Hélas la mécanique est maintenant enrayée et sa récente série d'annonces de résultats records, loin d'être rassurante, reflète un triste et dangereux changement de stratégie.

La position enviable, de mon point de vue, atteinte par l'établissement, notamment dans sa mutation « digitale », une des plus abouties de la planète, n'a jamais rien dû au hasard. Elle était le résultat d'une vision unique des évolutions du monde et de la banque soutenue sans relâche pendant plus de 20 ans par son dirigeant, Francisco González Rodríguez. Ce sont les fruits de cette formidable transformation structurelle, technologique et culturelle que récoltent aujourd'hui ses successeurs.

Ces derniers n'ont hélas pas compris que le mouvement ascendant ne pouvait se poursuivre à long terme qu'à la condition de maintenir continuellement les efforts. Ils donnent, à l'inverse, l'impression de considérer qu'ils ont atteint le but et ont désormais engagé une politique tellement banale, centrée sur la rétribution des actionnaires, entre recherche d'efficacité opérationnelle (y compris à travers les projets innovants qui persistent à éclore) et distribution de dividendes ou autres rachats de titres.

Pourtant, la principale caractéristique de l'environnement contemporain n'est pas sa « digitalisation » mais bien sa métamorphose permanente, à un rythme accéléré. Je pense, naturellement, à la technologie (il suffit de constater les bouleversements induits par ChatGPT en quelques mois) mais aussi, et peut-être surtout, aux comportements des clients et des collaborateurs, aux attentes changeantes, toujours plus précises et pressantes, que la plupart des institutions financières restent incapables de satisfaire totalement, ainsi qu'aux grands défis émergents du climat, de la cybercriminalité…

Forte de son indéniable avance, acquise grâce à deux décennies d'acharnement, BBVA n'a évidemment aucune difficulté à générer des profits. Mais la direction actuelle devrait prendre garde à l'illusion d'une victoire définitive et se souvenir que, quand leur aîné a défini la nouvelle orientation de la banque au tout début de ce siècle, rien ne paraissait pouvoir ébranler les modèles alors en vigueur. La situation présente sera pareillement transitoire et il faut impérativement continuer à investir pour survivre durablement.

Siège de BBVA

lundi 29 avril 2024

Un crédit quand la mutuelle ne suffit pas

Matmut
Je découvre, à l'occasion d'une communication commerciale, cette solution de Matmut destinée à pallier les limitations de sa mutuelle en proposant à ses bénéficiaires un crédit afin de couvrir le reste à charge de leurs dépenses de santé, parfois important, après les remboursements du régime obligatoire et de sa propre prestation.

Sur le fond, on regrettera bien entendu que les factures de soins dentaires, d'optique, d'aides auditives et de chirurgie réparatrice, qui font (seuls) l'objet de cette offre, soient si onéreux et si mal couverts par les assurances complémentaires. Toujours est-il que les montants en jeu, qui peuvent aisément atteindre plusieurs milliers d'euros, constituent un obstacle insurmontable pour de nombreuses personnes. Or il est évident que le renoncement qui s'ensuit souvent, potentiellement déclencheur d'une aggravation de l'état de santé général, est de mauvais augure pour la compagnie.

L'idée d'octroyer un prêt dans ces circonstances représente donc un moyen pour cette dernière d'amortir l'impact à long terme de ces décisions forcées. Opéré dans les faits par Socram Banque, il est, en pratique, applicable à des montants compris entre 1 000 et 5 000 euros sur une durée de 12 à 48 mois et à un taux aligné sur les normes du crédit à la consommation, ce qui devrait satisfaire une majorité des besoins.

Parce qu'il est essentiel de faire en sorte que les patients n'hésitent plus et réalisent rapidement les interventions qui leurs sont prescrites, Matmut a mis en place une procédure particulièrement fluide afin de les accompagner au mieux (bien qu'il soit encore possible de l'optimiser, j'y reviendrai). La mutuelle inclut dans sa réponse au devis qui lui est soumis, outre ses conditions de prise en charge, les coordonnées de son service bancaire où un financement peut être sollicité très simplement puisque toutes les informations requises sont déjà entre les mains de l'établissement.

Matmut – Crédit Santé

Quel dommage que la seule option disponible soit un numéro de téléphone, alors qu'une plate-forme en ligne paraitrait tellement appropriée… et aussi plus efficace et plus réactive ! Peut-être verra-t-on un tel ajout dans une évolution ultérieure. Autre suggestion, plus ambitieuse mais certainement pertinente pour une organisation qui traite de la santé de ses clients : l'encouragement à souscrire un prêt, surtout pour un acte fondamental, mériterait d'être assorti d'un outil de pilotage du bien-être financier, en commençant par la gestion avisée des échéances de remboursement.

Loin des exemples classiques du concept de « banque enfouie », c'est pourtant bien de cette logique que ressort l'initiative de Matmut, dans une démarche où ce modèle prend totalement sens. Les petites faiblesses de son implémentation montrent à quel point le sujet reste  extraordinairement difficile à aborder par les institutions historiques, autant celles qui profiteraient utilement de sa mise en œuvre que celles qui en sont les fournisseuses naturelles. La maturité est encore lointaine mais, à partir du moment où les opportunités se dessinent, elle devrait maintenant commencer à progresser.

dimanche 28 avril 2024

La FinTech française en 2024

Pôle Finance Innovation
Le troisième palmarès FinTech100 élaboré par le Pôle Finance Innovation et Trufle Capital nous fournit aujourd'hui une excellente opportunité d'analyser l'état de l'écosystème en 2024… au-delà des constats évidents, entre raréfaction des capitaux et mouvement de consolidation, qui affectent profondément le nouveau classement.

Parmi les points forts relevés notamment par BPCE, partenaire de l'étude, je retiendrai ici les trois qui me paraissent les plus marquants, surtout dans la mesure où ils déterminent les spécificités du paysage hexagonal en comparaison d'autres régions (et je pense plus particulièrement au Royaume-Uni et aux États-Unis) : le positionnement dans la chaîne de valeur, les préoccupations vis-à-vis de la réglementation et… l'adoption massive de l'intelligence artificielle (quelle surprise 😀).

Sur le premier volet, c'est une tendance historique qui continue à s'affermir : désormais plus de sept jeunes pousses de la liste sur dix (72% exactement) opèrent en « B2B » et distribuent leurs produits auprès des acteurs financiers. La FinTech des origines, qui visait à se substituer à ces derniers en offrant une expérience « digitale » directement aux clients déçus par les institutions traditionnelles, laisse ainsi de plus en plus la place à un modèle d'éditeur de logiciel ciblant le secteur bancaire ou de l'assurance.

Il ne faut hélas pas s'étonner de cette évolution vers ce qui fut un temps nommé « TechFin » quand on voit combien les tentatives de lancement de solutions « B2C », qu'elles soient à l'intention du grand public ou des entreprises, sont découragées. Évoquez un tel projet et tout le monde vous dira que c'est irréalisable tandis que les bailleurs de fonds se détourneront de vous. L'audace et la persévérance nécessaires ne sont pas suffisamment développées dans ce pays pour ce genre d'aventure difficile.

Palmarès FinTech 100

La réticence généralisée est d'autant plus regrettable que les plus grands succès de la FinTech tricolore – dont, par exemple, ses licornes : Lydia, Younited, Qonto, Alan, Swile, Pennylane, Payfit, Pigment… – ont presque tous une approche directe, ce qui est parfaitement logique car celle-ci est beaucoup plus propice à l'hypercroissance que l'édition de logiciel. Incidemment, elle ouvre la porte aux startups étrangères (pensez à Revolut, N26, Wise…) qui jouissent alors d'un marché sans concurrence locale.

Dans ce contexte, il est en revanche incompréhensible que la réglementation soit présentée comme un défi par la plupart de ces organisations, qui, n'étant que des fournisseurs de technologie, ne sont donc pas soumises aux exigences les plus sévères, propres à la finance. Celles qui les affectent, par exemple autour de la protection des données et l'IA, pourraient pourtant être appréhendées comme des moyens de gagner la confiance de leurs clients avec l'avantage d'une intégration « native ».

Enfin, après un démarrage timide en 2022, l'intelligence artificielle fait paraît-il une entrée en force dans la moitié des entreprises citées. Malheureusement, elle est essentiellement mise en œuvre dans l'univers du marketing, où elle ne contribuera guère à améliorer les offres. Là encore, l'audience visée explique probablement ces progrès modestes, quand on sait à quel point les grands groupes restent méfiants envers ces technologies et s'en tiennent pour l'instant à l'observation et l'expérimentation.

En conclusion, la FinTech française se répartit aujourd'hui entre une petite poignée d'acteurs cherchant réellement à rompre le statu quo et une vaste quantité d'éditeurs de logiciels s'adressant à des établissements classiques peu enclins aux transformations radicales. Entre un effet de volume minimal pour les premiers et l'immobilisme des seconds, notre secteur financier risque de peu évoluer à moyen terme.

Monzo offre des saucisses

Monzo
Après trois années sans changement majeur, Monzo a décidé de renouveler entièrement sa gamme de forfaits bancaires afin de mieux répondre aux attentes différenciées de ses 9 millions de clients. Parmi les avantages qu'elle met en avant figure un feuilleté à la saucisse (ou autre gourmandise) chez Greggs, chaîne de boulangerie britannique.

Au-delà de l'anecdote (savoureuse !), c'est naturellement la démarche mise en œuvre qui m'intéresse, rejoignant la longue série des petites idées aux grandes implications (au moins intellectuelles) à laquelle nous a accoutumés la néo-banque depuis sa naissance. Et, comme souvent dans ces aventures (en dehors de rares accidents malheureux), l'histoire de cette refonte commence par une recherche approfondie et systématique des habitudes, des préférences et des besoins de ses clients.

Certes, il n'est rien d'exceptionnel à organiser des enquêtes massives (auprès de plus de 45 000 personnes, tout de même), afin d'enregistrer les réactions aux produits existants et collecter les demandes et les souhaits pour une version améliorée. Plus difficile, mais tout aussi banale (j'espère), est la réalisation d'une synthèse permettant, à défaut de savoir individualiser la solution à chaque cas particulier, de dégager trois niveaux de plans correspondant à des profils types dans lesquels une majorité se reconnaît (y compris, bien entendu, dans le registre du tarif et de son acceptabilité).

Mais Monzo ne s'arrête pas là et ajoute à cette première couche d'analyse une seconde formule dont je soupçonne qu'elle n'est pas si courante dans l'industrie de la finance. En effet, au cours de la mise au point de ses nouvelles offres, la jeune pousse a exploré les données dont elle dispose, de manière à identifier à travers leurs transactions les pratiques les plus fréquentes parmi ses clients et à déduire de cette connaissance les actions précises susceptibles de générer le maximum d'impact et d'adhésion.

Moneo x Gregg

Ainsi en arrive-t-on aux saucisses ! En l'occurrence, les sondages ayant relevé l'intérêt marqué des consommateurs pour un avantage tel qu'un café ou un snack gratuit, une étude sur les dépenses des adeptes de ses programmes privilégiés antérieurs a révélé que Greggs était leur enseigne favorite pour ce genre d'achat. Il devenait alors évident de conclure un partenariat avec elle : les souscripteurs des deux abonnements les plus complets se voient donc octroyer un cadeau par semaine dans ses boutiques.

Dans un esprit similaire, au vu du volume important de billets de train commandés par les mêmes clients (et, incidemment, des bienfaits pour la planète d'encourager le recours aux transports en commun), ils bénéficient dorénavant d'une carte annuelle de réduction auprès de Trainline. A l'inverse, la prise de conscience du faible usage des accès aux salons d'aéroport et autres opérations spéciales dédiés aux voyageurs a conduit à abandonner l'option, au profit d'autres plus largement appréciées.

La banque, en général, est encore très loin de l'ultra-personnalisation, qui serait capable de délivrer une expérience sur mesure pour chaque individu et chaque moment de sa vie. En attendant, Monzo montre la voie vers une optimisation intermédiaire : en utilisant le pouvoir de l'information, il devient facile (et bientôt indispensable) de s'assurer, pour en maximiser l'efficacité, que les offres destinées à de vastes segments de population sont alignées au mieux avec les préférences du plus grand nombre.

samedi 27 avril 2024

Chase s'ancre dans les communautés locales

Chase
Un peu en marge de ses 4 500 agences traditionnelles dispersées sur le territoire américain, Chase développe depuis cinq ans un petit réseau de « centres communautaires », aux objectifs sensiblement différents, ciblant généralement les besoins des populations défavorisées. Elle vient d'ouvrir le dix-septième dans le Bronx.

Dans une démarche qu'on imaginerait plus facilement empruntée par un établissement mutualiste que par un géant commercial, la filiale de J.P. Morgan dédie en priorité ces implantations d'un nouveau genre à l'accompagnement des personnes et des entreprises locales, pour la plupart issues des minorités ethniques, sur la voie de la santé et de la résilience financière, faisant passer au second plan les fonctions transactionnelles habituelles (qui, bien sûr, ne disparaissent pas pour autant).

En lieu et place (ou en complément ?) d'un directeur d'agence, le site est animé par un gestionnaire de communauté. Son rôle consiste à appréhender, à travers des rencontres avec les principales figures du quartier choisi, les attentes de sa population vis-à-vis d'un acteur financier puis à définir et mettre en place les programmes adaptés afin d'y répondre de la meilleure façon possible. Entièrement personnalisés, ceux-ci peuvent ainsi prendre des orientations diverses selon les situations rencontrées.

L'ambition de Chase est de parvenir à tisser des liens plus étroits avec des interlocuteurs peu familiers du système bancaire, intimidés par ses standards et qui, en raison de cette distanciation, ne profitent pas des opportunités qui leur permettraient d'optimiser leurs perspectives, aussi bien à titre individuel qu'en tant qu'entrepreneur. Concrètement, il s'agit par exemple de mettre à l'aise, avant même qu'il ne franchisse la porte, et d'aider sans détour un visiteur qui ne sait pas à qui poser sa question.

Selon cette logique, le centre met en avant une composante éducative à plusieurs facettes. Il organise notamment, à l'intention de tous, clients ou non, des conférences et ateliers sur des thématiques pratiques de gestion de budget, d'accession à la propriété ou encore d'introduction à l'investissement. Dans un autre registre, il offre également des entretiens privés destinés à assister les professionnels dans leurs projets.

En amont, pour vaincre les réticences à franchir le seuil de l'agence, des efforts ont été mis sur la création d'un espace convivial, en collaboration avec la communauté. Entre autres, la décoration a été partiellement inspirée par les étudiants d'une école d'art toute proche et, réminiscence d'expériences lointaines, une vaste salle peut accueillir les événements de la banque ou les boutiques éphémères d'artisans des environs.

Justifiant son initiative par les retombées forcément positives d'une économie locale florissante pour une institution financière, il faudrait toutefois être naïf pour croire que Chase dessine l'avenir de son réseau physique dans ce format (qui ne concerne donc pour l'instant que 17 implantations sur 4 500). Mais il peut malgré tout ouvrir une réflexion intéressante sur la mission future de l'agence une fois que les interactions commerciales et opérationnelles sont dématérialisées. À mon avis, il manque pourtant dans la vision proposée un relais « digital » à l'approche envisagée car, de nos jours, une relation de proximité passe nécessairement aussi par internet.

Agence Chase

jeudi 25 avril 2024

Square généralise le paiement hors ligne

Square
À l’occasion de l’annonce de sa généralisation à l’ensemble de sa gamme de terminaux, dans tous les pays où ceux-ci sont distribués, je redécouvre cette option de Square, dont la première implémentation remonte à 10 ans, permettant aux marchands de conserver leur capacité d’encaissement en l’absence de toute connectivité.

Le principe était évidemment essentiel pour le modèle d’origine de la jeune pousse, puisqu’elle s’adressait en priorité aux professionnels itinérants (commerçants occasionnels, vendeurs sur les marchés, artisans à domicile…), pour lesquels la possibilité d’accéder à un réseau internet fiable est impossible à garantir en permanence (encore moins en 2014 qu’aujourd’hui). Or, s’ils ne peuvent accepter les paiements en toute circonstance, l’intérêt de la solution est sérieusement diminué.

Concrètement, c’est un mode de secours, dégradé, qui est proposé aux utilisateurs. Activé à la demande, il va enregistrer les transactions sur le terminal et attendre la restauration d’une connexion opérationnelle afin de les transmettre pour traitement (normal). Du point de vue du client final, l’expérience est totalement transparente. En revanche, en raison des risques d’incident a posteriori (dont l'inconnue que représente la persistance de l’interruption au-delà du délai maximal de 24 heures indiqué dans les conditions de mise en œuvre), le vendeur peut définir des limites spécifiques.

Square Offline Payments

Avec l’extension du mécanisme à l’intégralité du catalogue de Square, il n’est désormais plus seulement question de maintenir le service dans les zones blanches ou lors de défaillances d’un fournisseur de télécommunications. Tout en insistant sur ses efforts constants en vue d’assurer une disponibilité maximale, l’entreprise reconnaît qu’elle peut, elle aussi, être victime de pannes. Son palliatif vient alors à la rescousse et contribue à réduire, sinon entièrement éliminer, les impacts pour ses clients.

Tandis que toutes les tentatives récentes de mise au point de porte-monnaie électroniques universels, en particulier celles émanant de banques centrales désireuses de remplacer les espèces, butent sur le dilemme des échanges hors ligne, l’historique de Square sur le sujet, apparemment validé par sa décision de prolonger son approche, constitue une source d’enseignements extraordinaires, même s’ils doivent être contextualisés, depuis la confirmation des compromis nécessaires entre intégrité des paiements et continuité de service jusqu’à leur acceptation par les intéressés.

mercredi 24 avril 2024

Standard Chartered rénove son portail d'API

Standard Chartered
Pour Standard Chartered, la banque ouverte est une évidence depuis 2019, concrétisée par le lancement de sa place de marché permettant à ses entités internes, à ses partenaires et à ses clients d'exploiter facilement ses services. Cinq ans plus tard, elle en dévoile une nouvelle version destinée à corriger ses approximations de jeunesse.

Pour la plupart des institutions financières, le concept d'« open finance » n'a guère dépassé le stade des interfaces réglementaires imposées par la deuxième directive des services de paiement (DSP2), en Europe, ou ses équivalents dans les autres régions du monde. A contrario, Standard Chartered a choisi tôt d'en faire un axe stratégique de développement prioritaire. Avec la maturité qu'elle a acquise de la sorte, elle a progressivement pris conscience de l'importance de la dimension « marketing » d'une telle démarche, qui justifie donc ses derniers efforts en date.

Sur le fond, d'abord, l'établissement peut se vanter d'une sérieuse avance sur la concurrence en affichant un catalogue de plus de 100 APIs, couvrant les 33 pays, tout autour de la planète, où il possède une présence, ainsi que ses différents métiers, représentés par des fonctions aussi diverses qu'une option de paiement fractionné ou le trading sur le marché des devises. Du point de vue des usages aussi, les statistiques – dont le demi-milliard d'invocations chaque année – sont plutôt impressionnantes.

En revanche, jusqu'à récemment, sa démarche commerciale était restée à un stade relativement primitif. Comme toutes les entreprises faisant leurs premiers pas sur un terrain vierge et inconnu, Standard Chartered avait tendance à s'appuyer sur ses méthodes traditionnelles pour la conquête de clients et leur enrôlement : en résumé, plate-forme de communication institutionnelle et interactions humaines. Ce qui, bien sûr, ne correspond pas (ou plus) aux attentes des adeptes de finance ouverte.

Standard Chartered – Open Banking Marketplace

En remplacement de l'ancien site (aXess), les visiteurs disposent désormais d'une authentique place de marché, à l'état de l'art, capable de répondre aux besoins et aux questions de tous les publics concernés, depuis des responsables « métier » jusqu'aux personnes en charge de l'intégration, en passant par les développeurs logiciels.

Aux premiers elle offre naturellement une vision fonctionnelle des services proposés, organisée par secteurs cibles (industrie, e-commerce, FinTech…), assortie d'études de cas et de témoignages d'utilisateurs, servant non seulement à séduire les prospects mais également à susciter l'inspiration. Et si les spécialistes techniques ont accès à toutes les documentations nécessaires afin d'assurer leurs missions, y compris, bien sûr, sur les aspects de sécurité, un bac à sable, susceptible d'être pris en main par des non professionnels grâce à des outils sans code, autorise en parallèle les expérimentations en conditions proches d'un environnement de production.

Même parmi les acteurs les plus en pointe, le volet marketing est encore trop souvent négligé dans les politiques de promotion de la banque en services. Les solutions distribuées sous forme d'API n'ont pourtant (quasiment) aucune valeur si, d'une part, elles ne captent pas instantanément l'attention des décideurs en position de profiter de leurs capacités et si, d'autre part, elles ne répondent pas aux « normes » modernes qu'attendent désormais les équipes informatiques. L'exemple donné par Standard Chartered ouvre la voie vers l'industrialisation d'un modèle adapté à ces exigences.

mardi 23 avril 2024

Sweetie gère les finances des couples séparés

Sweetie
Avec près d'un couple sur deux finissant par se séparer, ce sont quelques 10 millions de français qui, potentiellement, devront un jour gérer un budget commun avec leur ex pendant une période plus ou moins longue. Sweetie, sélectionnée par La Poste pour ses « Coups de Cœur #FemmesDuNumérique », est là pour les accompagner.

La présence d'un ou plusieurs enfants, avec les dépenses importantes qu'ils entraînent, pour de longues années, constitue évidemment une situation propice à ce genre de besoins, mais il ne faut pas oublier les autres cas, tel que, par exemple, les charges liées à une résidence, en attendant que son sort soit définitivement réglé. Ces interactions imposées après la rupture sont des sources de conflit et de friction dont tout le monde, y compris au-delà des intéressés, se passerait volontiers.

Dans cette perspective, Sweetie propose une application qui vient en quelque sorte prendre une place de médiatrice neutre. À l'instar de celle que distribue Onward aux États-Unis depuis 2022, elle permet d'enregistrer les transactions à répartir (selon un barème prédéterminé) entre les anciens partenaires, assorties de leurs justificatifs afin d'écarter tout risque de contestation, puis endosse la responsabilité, par voie électronique, du traitement des demandes de remboursement correspondantes.

La jeune pousse ajoute en outre une dimension de preuve juridique (a minima, car non réellement opposable, a priori) à son dispositif. Non seulement les règles de distribution des charges peuvent-elles être, le cas échéant, établies sur la base de décisions judiciaires, tous les règlements consignés par l'intermédiaire de la plate-forme donnent également lieu à la production de compte-rendus « certifiés » susceptibles d'être versés aux dossiers d'une caisse d'allocations familiales, d'un avocat, d'un juge…

Accueil Sweetie

En revanche, la solution semble pour l'instant requérir une saisie manuelle des opérations à intégrer. Dans une version plus aboutie, elle pourrait, comme l'a maintenant ajouté Onward de son côté, faciliter la tâche de ses utilisateurs en leur procurant la faculté de connecter leurs comptes bancaires, de manière à leur laisser simplement sélectionner les lignes concernées sur leurs relevés. L'étape suivante consisterait à introduire un instrument de paiement commun pour éviter les avances de frais.

Naturellement, le marché comporte aujourd'hui pléthore d'outils destinés à piloter les dépenses de groupes ou de familles (notamment celles qui ne possèdent pas de compte joint). Cependant, les particularités des séparations – entre obligations légales et relations antagonistes – exigent une approche spécifique qui justifie parfaitement l'existence de Sweetie (et Onward, sur l'autre rive de l'Atlantique). Espérons maintenant que le service progresse rapidement afin de dépasser son stade actuel de MVP.

lundi 22 avril 2024

L'épineuse question de l'exactitude de l'IA

ICO
Dans un monde confronté quotideiennement aux dangers de la désinformation, l'intelligence artificielle – prise entre ses graves hallucinations et ses petites approximations – génère des inquiétudes supplémentaires pour la notion même de vérité. Alors le gendarme britannique de la protection des données (l'ICO) consulte sur le sujet.

Depuis l'irruption de ChatGPT sur internet et l'engouement massif qu'il a provoqué, tous les régulateurs de la planète se précipitent afin de comprendre les défis inédits qu'engendrent les plates-formes de ce genre et de tenter de leur apporter des réponses, en vue de leur exploitation bénéfique pour tous dans des conditions satisfaisantes. Or, si les préoccupations qu'elles expriment paraissent légitimes, leur manière d'envisager des solutions appropriées laisse malheureusement beaucoup à désirer.

Ainsi, dans le cas de l'ICO (qui pourrait aussi être celui de la CNIL française ou de l'EDPB européen), la question soulevée, évidente, se révèle aussi critique qu'urgente : comment éviter que l'application de l'intelligence artificielle ne s'égare quand elle s'exerce sur une matière aussi sensible que la personne et quand les erreurs commises peuvent causer des préjudices plus ou moins graves, depuis l'atteinte à la réputation jusqu'au refus d'accorder un crédit (pour ne prendre que ce seul exemple financier) ?

Dans son exploration de ce véritable trou noir, qui menace autant à travers les outils mis à disposition du grand public que via ceux que déploient progressivement les entreprises (en général avec une certaine prudence, par bonheur), l'agence commence par interroger les parties prenantes en évoquant les pistes de réflexion qui lui semblent les plus prometteuses, à savoir le contrôle de la justesse des données d'entraînement des modèles et l'évaluation (et la divulgation) du degré de précision de leurs résultats.

ICO Consultation

Hélas, ces orientations, bien que logiques en apparence, n'aideront guère à faire face au problème. Sur le premier aspect, si l'introduction de contenus de mauvaise qualité (tels que ceux issus des réseaux sociaux) lors de la mise au point des « raisonnements » de l'IA (par imitation, rappelons-le) entraîne inévitablement des défauts majeurs, la véracité des entrants n'offre aucune garantie de fiabilité à la sortie, ne serait-ce qu'en raison des déformations que peut susciter la façon d'interagir avec le logiciel (le « prompt »).

Quant à la mesure de l'exactitude des modèles, même statistique, on perçoit bien combien elle est insaisissable. Outre son évolution dans le temps, à peu près imprévisible, elle est surtout fortement dépendante des usages : le moindre écart par rapport au domaine de « compétences » initial d'une solution la rend instantanément caduque. Par ailleurs, il faudrait que les utilisateurs – humains ou robots – apprennent à prendre en compte cette estimation avant d'exploiter les informations produites.

En conclusion, l'intelligence artificielle générative a ouvert une boîte de Pandore, dont on discerne difficilement les options disponibles afin d'en maîtriser les conséquences. Espérons que la consultation de l'ICO (et, éventuellement, de ses équivalents dans le monde) permette de dégager quelques idées opportunes… En attendant, le plus sage consiste à maintenir un contrôle (humain) systématique sur ce qui émane de cette technologie et à ne jamais la laisser nous faire croire qu'elle détiendrait la vérité !

dimanche 21 avril 2024

Google s'attaque aux catastrophes naturelles

Alphabet X
À la convergence de ses expertises incontestables en matière de cartographie et d'intelligence artificielle, Alphabet (Google) développe activement, dans le cadre de sa division X dédiée à ses projets les plus ambitieux, des solutions avancées de prédiction et d'aide à la remédiation des catastrophes naturelles et de leurs impacts.

Quelles que soient les actions entreprises maintenant en vue de le limiter à terme, le réchauffement climatique est désormais une certitude, tout comme ses conséquences, dont notamment l'augmentation dramatique inéluctable du nombre de phénomènes dangereux, constatée presque quotidiennement partout autour de la planète. En parallèle des efforts environnementaux, l'humanité à donc besoin, en urgence, de moyens de contrôler ces épisodes qui menacent des populations entières.

L'initiative Bellwether prend donc ce problème à bras-le-corps, sous deux angles complémentaires. D'abord focalisée sur les deux catégories de sinistres les plus fréquents et les plus dévastateurs que sont les incendies et les inondations, elle élabore en amont des modèles prédictifs capables de déterminer la probabilité de survenue d'un événement sur une longue période (jusqu'à 5 ans), tandis que, en aval, elle conçoit des outils destinés à identifier rapidement les dommages et où concentrer les secours.

L'approche retenue s'avère extrêmement sophistiquée, basée principalement sur l'accumulation de photographies aériennes et combinant, entre autres, une analyse de l'évolution dans la durée de la surface de la terre, à la fois dans sa dimension naturelle et à travers ses constructions, avec un recensement des éléments surveillés (par exemple les catégories d'essence végétale, les types de bâtiment, les vents dominants…) permettant d'évaluer aussi finement que possible les risques à appréhender.

Alphabet X – Betllwether

La mission que se donne l'équipe de Bellwether est également double. D'une part, il s'agit d'offrir aux parties prenantes – citoyens, organismes publics, entreprises privées (dont, évidemment, les assurances)… – de la visibilité et de la transparence sur leurs niveaux d'exposition, grâce auxquelles elles sont en mesure d'anticiper les cataclysmes et, donc, de s'y préparer, voire de s'en prémunir, avec beaucoup plus d'efficacité.

Puis le deuxième volet entre en jeu quand arrive le pire : il faut réagir vite et en priorité là où c'est le plus important afin de limiter les dégâts (matériels et humains), ce que la plate-forme aide à qualifier immédiatement. La Garde Nationale américaine a ainsi adopté le système, avec lequel elle ne perd plus, comme aujourd'hui, des heures à chercher, manuellement, les cartes les plus appropriées de la zone affectée et à repérer les points sensibles où elle doit intervenir pour optimiser ses opérations.

Parce que le dérèglement climatique est déjà enclenché, parce que rien ne permettra de l'infléchir avant des décennies et parce que ses effets sur nos vies et nos activités vont devenir de plus en plus écrasants, la mise au point de solutions de prévention et d'assistance, telles que celles d'Alphabet X, devient aussi critique que les démarches de protection de l'environnement et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Voilà un nouveau chantier à engager… notamment par le secteur de l'assurance.

samedi 20 avril 2024

ABN AMRO se renforce sur l'éducation digitale

ABN AMRO
Décidément, la transition « digitale » massive des banques néerlandaises ne parvient pas à trouver la recette idéale pour emporter l'adhésion de l'ensemble de la population : outre une frange de réfractaires, il subsiste toujours une proportion non négligeable d'exclus numériques auxquels il faut fournir un soutien de proximité.

La réduction drastique des réseaux d'agence aux Pays-Bas depuis une décennie trouve son origine dans l'adoption généralisée (et volontaire) des plates-formes web et mobiles par une immense majorité des consommateurs. Malheureusement, pour quelques-uns, dont les seniors constituent le principal contingent (mais ce serait un cliché de croire qu'ils sont les seuls), la bascule s'avère beaucoup plus difficile, faute de familiarité avec la technologie et de confiance en soi pour son utilisation.

Déjà consciente des risques en 2018, ABN AMRO avait institué une force spéciale offrant à tous ceux qui le souhaitaient d'obtenir dans les agences encore ouvertes une assistance individuelle à la manipulation des outils électroniques. Dans une probable tentative de réduction des coûts, elle a ensuite misé sur un effort concerté avec quelques-unes de ses consœurs, d'abord avec des bénévoles puis via une association spécialisée et le déploiement d'un plateau téléphonique à la mission minimaliste.

Alors que la demande ne semble pas faiblir, notamment en raison de l'explosion de la cybercriminalité, les résultats de ces initiatives ne sont vraisemblablement pas probants puisque l'établissement annonce maintenant le doublement des effectifs dédiés à son premier dispositif, rebaptisé « Help with Banking », pour passer à plus de 200 collaborateurs, disponibles tous les jours afin de répondre aux questions et aux incertitudes des clients essayant de piloter leurs comptes avec les applications.

ABN AMRO Help with Banking

Ces conseillers d'un nouveau genre ont un double rôle, qu'ils peuvent exercer en agence ou à domicile. Leur priorité consiste à familiariser les novices avec les services en ligne. Il peut s'agir d'expliquer pas à pas les fonctions disponibles ou d'organiser une visite générale à la découverte des options parfois méconnues (par exemple en matière de protection contre la fraude). Mais ils sont aussi là pour un accompagnement opérationnel et peuvent aider concrètement à exécuter une transaction.

La démarche constitue d'une certaine manière un aveu d'échec par rapport à la vision utopiste qui imaginait de convertir un jour tous les clients à la banque à distance. Il est certainement encore possible, par une formation adaptée, de continuer à tendre vers cette cible mais elle est impossible à atteindre, au moins dans des délais raisonnables. La seule solution viable, hormis l'abandon (auquel cèdent quelques enseignes), reste d'offrir un autre mode de relation, personnalisé, aux victimes d'illectronisme.

vendredi 19 avril 2024

Le RPA de KeyBank remplace 500 employés

KeyBank
Éclipsés par l'emballement médiatique pour l'intelligence artificielle et ses promesses de révolution, les robots d'automatisation de processus (RPA) sont pourtant, dès aujourd'hui, les principaux accapareurs d'emplois humains, comme en témoigne l'américaine KeyBank qui a remplacé l'équivalent de 500 personnes sur 300 mises en œuvre.

Dans n'importe quelle entreprise possédant un minimum d'historique, le RPA agit comme une drogue. La première expérimentation révèle instantanément tous ses bénéfices : accélération des traitements et, donc, meilleure réactivité, notamment vis-à-vis des clients, renforcement de la fiabilité, réduction, voire élimination, des coûteuses interventions humaines… Dès lors, la tentation est irrésistible d'en généraliser le recours (en dépit des prix souvent exorbitants pratiqués par les fournisseurs).

KeyBank se trouve ainsi dans le cas où son addiction s'aggrave. Non contente de la première génération de solutions, qui lui a tout de même permis d'engranger des résultats substantiels, elle est passée à un stade supérieur avec ce qui est maintenant qualifié d'hyper-automatisation (entre autres par son partenaire OutSystems) et applique ses méthodes de rationalisation à des centaines de processus dans tous ses métiers, vantant les gains immenses qu'elle en tire pour son efficacité opérationnelle.

KeyBank x OutSystems

Je propose cependant d'aborder la démarche sous une autre perspective. Chaque instance de robot correspond en réalité à un fonctionnement défaillant dans l'organisation, qu'elle pallie, certes, mais, hélas, ne résout pas fondamentalement. Ce sont ainsi des myriades de problèmes qui sont identifiés – dont le responsable de la transformation de KeyBank attribue d'emblée la faute à des systèmes informatiques vieillissants – et en quelque sorte couverts d'un sparadrap pour en limiter l'impact.

Plus raisonnablement, la technologie n'est pas la seule en cause. Les processus orchestrés « autour » des outils mis en place au fil du temps sont eux-mêmes victimes d'obsolescence, en particulier lorsque les logiciels sont venus successivement en automatiser telle ou telle tâche ou séquence, en support ou en substitution à une activité humaine, sans préoccupation pour la cohérence du parcours global. Dans ces conditions, le RPA permet tout au plus de « recoller les morceaux » au mieux.

Un peu comme si, à la naissance de l'automobile, les utilisateurs s'étaient contentés de charger leur carriole à cheval sur une voiture afin d'aller plus vite, ces robots autorisent une accélération (et quelques autres avantages) mais ne devraient jamais dispenser d'une réflexion stratégique sur tout ce que le concept de « digitalisation » recouvre d'autre. Or, quand 300 processus sont déjà passés à la moulinette et procurent une illusion de progrès, le risque est grand d'oublier l'indispensable chantier de fond.