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C'est pas mon idée !

mardi 30 juin 2015

Quels objets connectés pour la banque ?

US Bank
L'internet des objets est largement considéré comme une des prochaines grandes révolutions technologiques, appelée à transformer la manière dont nous interagissons avec le monde qui nous entoure. Or, si les applications dans le domaine de l'assurance commencent à se répandre, la banque est toujours à la recherche de cas d'usage…

Comme plusieurs de ses consœurs à travers le monde, l'américaine U.S. Bank explore actuellement les possibilités offertes par les objets connectés qui envahissent le marché, afin d'identifier ceux qui pourraient représenter des opportunités intéressantes pour ses clients et son activité. Première étape de sa démarche, son laboratoire d'innovation a publié une courte vidéo [YouTube] (cf. ci-dessous) présentant quelques concepts et appelant les fournisseurs de solutions à lui proposer de nouvelles idées.

Car, en effet, les exemples proposés pour l'instant ne font pas beaucoup rêver. Il est d'abord question de la balance communicante du français Withings, plutôt envisagée dans un contexte d'assurance santé, permettant à son propriétaire de surveiller son poids et l'aidant à atteindre les objectifs qu'il se fixe. Vient ensuite Automatic, qui établit le lien entre l'automobile et internet, et pourrait être directement connecté au compte bancaire en vue de commander automatiquement les pièces – voire une intervention – lorsque le système détecte le besoin d'une réparation ou d'une maintenance.

Expérimentation US Bank

Enfin, le dernier gadget présenté est le cube lumineux d'ORBneXt, qui informe le consommateur d'un événement quelconque (préalablement programmé) en changeant de couleur. Pour la banque, il pourrait ainsi alerter d'un découvert imminent en devenant rouge ou prévenir de la réception d'un virement important en passant au vert. Rien de terriblement révolutionnaire, donc, et qui, de plus, n'aurait véritablement d'intérêt que si les comptes étaient tenus en temps réel, de manière à offrir les moyens de réagir…

En France, les Banques Populaires font partie des établissements qui sont en quête d'applications utiles. Après un premier démonstrateur sur le lapin Karotz (depuis porté disparu), l'équipe d'innovation de sa structure informatique i-BP exposait une tirelire connectée (purement expérimentale) lors des Web2Day de Nantes, au début du mois. Incidemment, une idée similaire avait déjà été testée auprès du grand public par Société Générale, en 2012, sans grand succès, apparemment.

Dans tous ces cas, la seule constante est que le sujet n'en est aujourd'hui qu'au stade exploratoire : aucune mise en œuvre n'est encore suffisamment convaincante pour considérer que la banque parvient à s'approprier l'internet des objets. Les recherches et les tâtonnements seront donc encore nécessaires pendant quelques temps et cette période est idéale pour interroger – comme le fait U.S. Bank à la fin de sa vidéo – les fournisseurs d'objets communicants ou, pourquoi pas, les consommateurs, sur les usages susceptibles de prendre du sens dans la gestion de leurs finances personnelles…

lundi 29 juin 2015

ING nomme un responsable de la FinTech

ING
Je crois qu'il s'agit d'une première dans le monde : Benoît Legrand – qui est actuellement directeur général d'ING France – prendra, à compter du 1er octobre prochain, la tête d'une nouvelle activité consacrée à l'écosystème de la FinTech, dans la maison mère de la banque orange, sous l'égide de sa direction de l'innovation.

Le communiqué de presse annonçant la nomination est plutôt laconique. La seule précision supplémentaire qu'il nous donne est que l'objectif pour le nouveau promu sera de développer une stratégie en direction des startups technologique de la finance, dans une logique d'accélération de l'innovation dans la banque. Alors, rêvons un peu à ce que pourrait recouvrir un tel rôle, certainement plus concret que celui des CDO (« Chief Digital Officer ») dont on entend beaucoup (trop ?) parler actuellement…

Si je devais choisir une priorité dans la définition de poste correspondante, je pense que l'établissement de partenariats avec l'écosystème de la FinTech devrait aujourd'hui être la principale mission à remplir. Les consommateurs et les entreprises expriment des attentes nouvelles, auxquelles les établissements traditionnels ne savent pas bien répondre, tandis que les jeunes pousses qui savent apporter les solutions ont des difficultés à nouer les collaborations dont elles ont besoin pour se lancer.

La tâche est donc simple (en apparence, du moins) : il « suffit » d'aller chercher les idées innovantes auprès des entrepreneurs, les accompagner dans la maturation de leurs modèles, expérimenter une mise en œuvre… et, ainsi, avec eux, ouvrir des marchés jusque-là inaccessibles ou décupler l'efficacité des processus existants. La banque y gagne une agilité incomparable, tout en limitant ses risques, quand la startup va profiter de l'occasion pour ajuster sa stratégie et valider sa vision, dans un contexte opérationnel.

Benoît Legrand

Dans un registre légèrement différent, mais qui peut être étroitement associé au précédent, il est aussi possible pour une institution financière de s'inspirer de la FinTech afin de développer une culture d'innovation qui soit ancrée au plus profond de son organisation. Une technique utilisée dans ce but consiste à créer une structure (une sorte d'incubateur ou un lab) dans laquelle les collaborateurs (et pas uniquement ceux de la direction de l'innovation) sont immergés dans un environnement d'entrepreneurs.

Enfin, il restera encore les opportunités d'investissement, qui peuvent également être combinées avec les deux autres approches. Dans ce cas, le défi sera essentiellement d'identifier les futures géantes de la FinTech – à un stade plus ou moins avancé de leur gestation – et de les aider à croître, dans le but soit de réaliser une bonne opération financière soit, plus ambitieusement, de se préparer à en faire les têtes de proue de la banque de demain, quand les anciens modèles se seront effondrés.

Voilà quelques exemples qui donnent crédit à cette idée d'un(e) « Head of FinTech » dans une banque : il y a largement matière à créer un poste dédié et, qui plus est, de ceux qui pourraient transformer le visage de l'entreprise à moyen terme. Il y a deux mois, Benoît Legrand clamait « Changeons la banque ! » en titre de son livre. Il va désormais pouvoir passer à la pratique, à grande échelle ! Bonne route !

dimanche 28 juin 2015

Givesurance, entre courtage et charité

Givesurance
Voilà une idée qui va faire hurler les courtiers d'assurance, au moins autant que les chauffeurs de taxi face à la menace Uber ! Givesurance se propose en effet de les remplacer, purement et simplement, en promettant de reverser une partie des revenus de son activité à des associations caritatives. Comment ne pas aimer ?

Sur son site web, la promesse de la jeune pousse est incroyablement alléchante : le visiteur n'a qu'à fournir quelques informations sur son contrat (compagnie, date d'expiration, numéro de police…) et, si son assureur fait partie des quelques 200 partenaires enregistrés (parmi lesquels figurent de grands noms, tels que Progressive, MetLife, Zurich…), il va pouvoir bénéficier immédiatement d'une ristourne, pouvant atteindre 5% de ses primes mensuelles, à distribuer à l'association de son choix.

Où est l'arnaque, vous demandez-vous ? Il n'y en a pas. Le principe consiste en fait à redéfinir la chaîne de valeur de la distribution des produits d'assurance. Aujourd'hui, les compagnies dépensent jusqu'à 10% de leurs revenus en publicité, tandis que les coûts d'acquisition et de rétention des clients engloutissent environ la moitié des commissions que perçoivent les courtiers. Alors, pour accomplir son petit miracle, Givesurance opère comme ces derniers, mais sans jamais débourser un seul centime en marketing.

Car, de l'autre côté du miroir, la startup a également établi des collaborations avec quelques associations importantes (Habitat for Humanity, Books for Africa, PeaceNow.com…), qui se chargent, elles, de promouvoir (gratuitement) sa solution après de leurs millions de membres. En contrepartie de cette publicité directe, elles espèrent naturellement collecter les donations promises aux assurés.

Accueil Givesurance

Lorsqu'un internaute s'engage avec Givesurance, celle-ci prend la place de son ancien intermédiaire, sans requérir la moindre intervention de sa part et sans qu'aucune modification (notamment tarifaire) ne soit apportée à sa police. Cependant, dès cet instant, l'assuré bénéficie d'une rétrocession des commissions de courtage (à hauteur de 30%, à peu près), dont il peut disposer auprès d'une ou plusieurs associations caritatives, grâce à un tableau de bord en ligne.

En synthèse, l'innovation introduite par Givesurance ne concerne pas tant le secteur de l'assurance lui-même qu'une approche originale de communication et de marketing visant le cœur de ses modèles de distribution historiques, avec tous leurs défauts. L'estimation d'une possible manne (pour les seuls États-Unis) de 100 milliards de dollars à distribuer aux associations laisse imaginer l'ampleur de la disruption qui pourrait secouer le métier du courtage à partir d'une idée presque triviale…

À lire aussi sur Givesurance, cet article de TechCrunch.

samedi 27 juin 2015

L'accélérateur de Barclays met le turbo

Barclays Bank
Un après son lancement effectif, le « Barclays Accelerator » présentait récemment sa deuxième promotion de startups. Il faisait la démonstration, au passage, de la valeur que la banque britannique retire de cette initiative : à des degrés divers, elle est dès à présent engagée dans des projets concrets avec 7 des 10 entreprises accompagnées.

Le programme mis en place par Barclays est résolument classique dans son genre : pendant 13 semaines, les jeunes pousses sélectionnées bénéficient d'un hébergement, d'un mentorat, de mises en contact avec des partenaires et investisseurs potentiels et d'une assistance dans le développement de leur modèle d'affaires, de leur stratégie, de leur produit. Ce 22 juin, un nouveau groupe d'entrepreneurs achevait son parcours par une séance de démonstrations devant une audience de plus de 400 personnes.

Parmi celles-ci, figuraient naturellement un certain nombre de représentants de la banque, puisque l'objectif de l'accélérateur est bien de rechercher des entreprises susceptibles de transformer le secteur financier, en capitalisant sur l'effervescence actuelle de la « FinTech ». Et, dans le cas de Barclays, il ne s'agit pas que d'un discours : consciente des mutations qui se dessinent, elle se veut en pointe de la révolution numérique, afin de devenir la destination préférée des consommateurs. Et, pour ce faire, elle est prête à s'engager tôt dans des directions innovantes mais incertaines.

Barclays Accelerator

Les trois exemples qu'elle donne de collaborations initiées avec les startups tout juste incubées sont représentatives à la fois de la diversité des thèmes embrassés et de l'audace dont fait preuve Barclays dans sa démarche. En commençant pas la moins ambitieuse d'entre elles, elle s'apprête à inclure dans ses programmes de recrutement de jeunes diplômés la plate-forme ludique d'apprentissage et d'évaluation de StockFuse, reposant sur un moteur de trading virtuel.

Déjà plus inédit, elle va aussi explorer les usages potentiels de bitcoin avec Safello, dont le service de change trans-européen a déjà conquis plus de 20 000 clients. Enfin, elle devrait implémenter les solutions de sécurité de PostQuantum, qui semblent mystérieuses mais dont le seul nom évoque l'avenir de la protection des données et des transactions en ligne, quand les méthodes et les systèmes d'aujourd'hui seront devenus obsolètes face à la puissance de calcul disponible grâce à l'informatique quantique…

Depuis quelques années, la création d'incubateurs (ou de structures équivalentes) est devenue une mode dans les institutions financières, avec, dans la plupart des cas, une volonté exprimée de renforcer leurs capacités d'innovation. Il demeure pourtant rare de voir des résultats concrets émerger de ces initiatives. En ce sens, Barclays constitue donc une exception, dont il restera à voir si elle se confirme dans la durée, avec une mise en œuvre effective et fructueuse des solutions découvertes de la sorte… En attendant, une nouvelle session va démarrer en juillet, à New York, cette fois.

vendredi 26 juin 2015

Une néo-banque pour le Royaume-Uni

Atom Bank
Le gouvernement britannique l'a voulu : les créations de banques se multiplient sur l'autre rive de la Manche et chacune apporte son lot d'innovations. Après Metro Bank, au modèle plutôt traditionnel, puis My Community Bank, et en attendant Starling, Atom Bank vient de recevoir [PDF] sa licence et prépare son lancement 100% mobile.

Cet aspect n'est pourtant pas sa caractéristique la plus originale, car, après tout, la génération des néo-banques sur smartphone a commencé à émerger il y a quelques années (aux États-Unis, notamment). Ce qui distingue vraiment Atom de ces pionnières est que, tandis que ces dernières se « contentaient » d'offrir une expérience rajeunie sur un socle fourni par un établissement traditionnel, elle veut devenir une banque à part entière, totalement indépendante. D'où l'importance pour elle d'obtenir cette licence.

Dans un sens, la nouvelle venue apprend des erreurs de ses prédécesseurs, en particulier Simple, qui a rejoint le giron de BBVA (au moins en partie) de manière à se libérer des contraintes induites par son partenaire existant. Le choix est ambitieux et requiert des moyens importants (l'équipe compte déjà une centaine de personnes) mais il permet à la banque d'être seule maîtresse de son destin. Elle a d'ailleurs indiqué qu'elle avait sélectionné la solution de FIS [PDF] pour son cœur de système informatique, sur la base duquel elle développera ses applications mobiles.

Atom Bank

Grâce à son autonomie, Atom Bank entend redéfinir le concept de banque et démontrer que les startups de la FinTech ne font que gratter la surface des défis qui agitent aujourd'hui le secteur financier. Elle vise ainsi à concevoir, pour les particuliers et les entreprises, une expérience transparente et intuitive, intégrant l'innovation technologique dans ce qu'elle a de meilleur à apporter, tout en promouvant un modèle à bas coût, rendu possible par l'efficacité de ses infrastructures.

Les services à venir ne sont pas encore dévoilés mais on sait déjà que l'ouverture de compte sera menée de bout en bout sur le smartphone, que la sécurité prendra en compte les plus récentes évolutions de la biométrie, que les processus seront intégralement dématérialisés (signature électronique incluse ?), que les conseils deviendront prédictifs au fur et à mesure que la banque connaîtra plus intimement ses clients… Plus étonnant, il est aussi question d'une interface interactive en 3D, fondée sur un socle de jeu vidéo (Unity pour ceux qui connaissent).

Avec de telles promesses, on ne peut qu'être impatient de voir le résultat, qui s'annonce en effet bien différent des offres habituelles. Il ne sera peut-être pas du goût de tous, surtout dans un pays où il semblerait que la banque sans agences ne soit pas aussi populaire qu'on pourrait l'imaginer, mais c'est justement une autre spécificité d'Atom : elle ne cherche pas à conquérir le monde, convaincue que les petites structures sont mieux à même de répondre aux attentes de leurs clients que les grands groupes.

jeudi 25 juin 2015

Deutsche Bank : 3 labs = 3 fois plus innovant ?

Deutsche Bank
Dans le sillage de la présentation de sa nouvelle stratégie, dont un des piliers est un investissement massif (jusqu'à 1 milliard d'euros dans les 5 ans à venir) pour sa transformation numérique, Deutsche Bank annonçait récemment sa décision d'ouvrir 3 labs d'innovation, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Tous les chiffres qui entourent l'initiative sont impressionnants. Autre exemple de gigantisme, l'objectif fixé à ces structures sera d'évaluer 500 idées de startup par an ! Pourtant, au-delà du volume et de l'effet d'annonce qu'il engendre, le projet soulève des questions sur sa valeur : la démesure est un peu la marque de fabrique des grandes organisations – surtout en matière de communication – mais elle n'est certainement pas une preuve d'efficacité. Analysons donc les détails de plus près…

La mission officielle des labs est d'améliorer les produits, les services et les processus de la banque, dans tous ses domaines d'activité. Dans une moindre mesure, ils doivent aussi contribuer au renforcement de ses capacités d'innovation, tout en approfondissant ses relations avec les écosystèmes de startups technologiques. Ainsi, tout laisse à penser que la priorité est mise sur des améliorations incrémentales et beaucoup moins sur des ruptures. Des moyens si importants sont-ils vraiment justifiés pour une telle cible ?

Dans un registre différent, chacun des 3 labs de Deutsche Bank sera piloté conjointement avec un partenaire : Microsoft à Berlin, HCL à Londres et IBM dans la Silicon Valley. La logique de ces coopérations est aisée à comprendre, entre apport d'expérience (plus ou moins avérée) dans ce genre d'exercice et probable contribution financière et logistique. Le principe même ne peut être discuté, car l'innovation est toujours plus productive quand elle mixe les perspectives. En revanche, le choix des acteurs suscite des interrogations.

Écartons d'emblée HCL, qui, en tant qu'intégrateur et spécialiste de l'outsourcing, semble particulièrement hors de son élément et attardons-nous sur les deux autres. En surface, Microsoft et IBM axent leur développement sur l'innovation et peuvent donc paraître légitimes dans cette démarche. J'y vois pourtant plusieurs risques, liés principalement à la nature de ces entreprises (et de leur activité) et à leurs stratégies, pas nécessairement alignées ou compatibles avec celles de la banque.

Car il ne faut pas perdre de vue que Microsoft et IBM sont toutes deux dans une période d'incertitude face à la transformation numérique, qui leur impose de réinventer leurs métiers pour demain. Et, comme toutes les grandes entreprises confrontées à ces défis, elles sont écartelées entre un désir d'innovation de rupture sincère et une forte tentation d'essayer d'adapter leurs « vieux » modèles à l'air du temps, moyennant un simple rhabillage marketing (cf. l'exemple des offres « big data » sur mainframe…).

Encore plus dans une collaboration avec un client historique, déjà équipé de leurs solutions, le danger est que l'innovation ne soit que cosmétique, se résumant au déploiement de nouvelles versions de produits, sans apporter de valeur additionnelle significative. En parallèle, la sensibilité purement technologique des partenaires peut faire craindre que les enjeux les plus importants pour la banque – autour de l'expérience client – ne soient rapidement perdus de vue sous une approche focalisée sur l'outillage.

Par ailleurs, si le fait de travailler avec des acteurs d'une taille équivalente à la sienne est naturellement plus « confortable » pour Deutsche Bank, il tend à être contre-productif, ne serait-ce que parce qu'il évite de bousculer les habitudes. Enfin, mais c'est un débat beaucoup plus large, le concept de lab autonome dans l'organisation peut également constituer un handicap dans le besoin de faire évoluer la culture globale (ce qui est aujourd'hui considéré comme le premier axe de progrès dans la transition numérique).

Peut-être Deutsche Bank a-t-elle bien appréhendé l'ensemble de ces risques. Il est tout de même extrêmement ambitieux de sa part de lancer simultanément 3 initiatives de grande ampleur sans en avoir préalablement éprouvé son modèle. Mouvement de panique ou simple opération de communication qui restera sans suite ? En tous cas, je ne recommanderais pas une telle stratégie à une banque en mal d'innovation…

Deutsche Bank

mercredi 24 juin 2015

Quand la micro-finance s'allie au crowdfunding

Lending Club
Il y a longtemps, quand naissaient les premières plates-formes de prêts-emprunts P2P (Zopa et Prosper), leur ambition était d'offrir un accès au crédit à ceux qui étaient exclus des circuits traditionnels. Un peu éclipsée depuis, cette vision reprend forme aujourd'hui, différemment, dans un partenariat conclus entre Lending Club et l'Opportunity Fund.

La réalité du marché actuel est que les grands acteurs de la finance participative cherchent avant tout à capter des emprunteurs à faible risque, comme les banques, en leur promettant des conditions plus avantageuses que ces dernières, grâce à leurs structures de coût optimisées. Et, dans bien des cas, ils utilisent les mêmes outils qu'elles pour évaluer la « qualité » des dossiers, ce qui laisse donc toujours à l'écart les personnes hors système, quel que soit leur potentiel. De ce point de vue, Lending Club, le numéro 1 du secteur aux États-Unis, ne se distingue pas de ses confrères.

Cependant, à travers un accord original, le géant du crowdfunding va faire profiter l'association Opportunity Fund de son expertise technique afin qu'elle optimise son modèle (sans but lucratif) de prêt aux PME. En pratique, les demandes écartées par Lending Club seront requalifiées automatiquement selon les critères de l'organisation, de manière à lui être directement transférées, le cas échéant. Là, elles seront revues (manuellement) selon les procédures en vigueur en vue d'un éventuel micro-financement.

opportunity Fund

Avec cette opération, l'Opportunity Fund espère distribuer 10 millions de dollars de prêts à quelques 400 petites entreprises californiennes mal servies par les dispositifs classiques, en se fixant pour objectif de contribuer de la sorte à la création de 1 000 emplois. La collaboration avec Lending Club doit rendre possible une identification plus rapide et plus efficace des bénéficiaires, tandis que la plate-forme P2P en profite, elle, pour s'offrir une image positive (dans une sorte de retour aux sources), tout en évitant de décourager totalement des utilisateurs susceptibles de revenir un jour.

En réalité, la stratégie de la startup multi-milliardaire est de couvrir tous les étages de la fusée du crédit, qui lui permettra de conserver le contact avec ses « clients » en permanence, quelle que soit leur situation et quel que soit leur besoin. D'un côté, ce sont des accords avec des banques grâce auxquels elle devient la solution de repli des demandeurs non éligibles, de l'autre, elle reporte elle-même les dossiers les plus risqués sur d'autres partenaires. Au milieu, elle prend en charge le gros de l'activité. Et, sans y paraître, Lending Club devient ainsi le point d'entrée privilégié des enprunteurs…

mardi 23 juin 2015

Cette banque qui mise sur la blockchain

Cuber
Les banques sont de plus en plus nombreuses à travers le monde à s'intéresser au potentiel de la technologie bitcoin mais rares sont celles qui passent à l'action. L'estonienne LHV Bank constitue donc une exception, avec l'annonce récente de ses premières expérimentations concrètes, dont une est déjà ouverte au grand public.

Tout d'abord, c'est une opération un peu particulière à laquelle a procédé l'institution, puisqu'elle a émis 100 000 euros de créances garanties sur la « blockchain », le socle technique fondamental de bitcoin. Sans réelle application pratique à ce stade, LHV Bank compte surtout, par la suite, s'appuyer sur cette sorte de « certificat de dépôt numérique » – baptisée CUBER (Cryptographic Universal Blockchain Entered Receivables) – pour concevoir de nouveaux produits financiers, ouverts et programmables.

Dans une approche plus opérationnelle et plus immédiate de cette vision à long terme, le CUBER Wallet est un porte-monnaie mobile hybride accessible à tous, même si une partie de ses fonctions est initialement réservée aux clients de la banque (les virements depuis et vers un compte bancaire, en l'occurrence). Sous ses apparences banales – il ne s'agit après tout que d'une application permettant à ses utilisateurs d'échanger des euros instantanément et sans frais –, il possède une caractéristique originale : toutes les transactions sont enregistrées sur la « blockchain ».

Accueil de Cuber

Au-delà des paiements de « pair à pair » (P2P), l'utilisation du porte-monnaie CUBER pour le commerce de proximité ou en ligne est également envisagée par ses développeurs, en particulier pour des opérations de petits montants. L'absence de toute autorité de compensation centralisée (remplacée par la « blockchain » distribuée) – qui autorise une transparence totale – et les coûts de fonctionnement minimaux sont les avantages principaux mis en avant, comme pour n'importe quel porte-monnaie bitcoin. La différence est que, ici, ce sont bien des euros qui sont échangés.

La plate-forme technique mise en œuvre – en collaboration avec une startup suédoise spécialisée (ChromaWay) – repose sur un protocole standardisé par la communauté bitcoin, dit de « colored coin » (monnaie teintée). Celui-ci permet d'associer une information externe conventionnelle aux transactions classiques de la crypto-devise. Il s'agit, pour l'instant, avec le CUBER Wallet, du montant des échanges en euros, mais toutes sortes d'actifs et de valeurs pourront un jour être prises en charge, de la même manière, dans les futures expérimentations de LHV Bank.

La période de déni qu'a vécue le secteur financier vis-à-vis de bitcoin a désormais largement laissé la place à une prise de conscience des opportunités qu'il offre. Pourtant, pour une majorité de banques, ce changement d'attitude reste théorique, donnant lieu à des rapports d'études et autres livres blancs, généralement oubliés aussitôt produits. Peut-être serait-il maintenant temps de passer à la pratique et tenter, comme LHV Bank, de vérifier sur le terrain la validité des modèles imaginés sur le papier…

lundi 22 juin 2015

StartupBootCamp se lance dans l'assurance

StartupBootCamp
S'il est désormais impossible d'ignorer le phénomène de la « FinTech », cette génération de startups prêtes à s'emparer de tous les métiers de la finance, le secteur de l'assurance reste aujourd'hui un peu à l'écart de la révolution. La situation est cependant en train de changer, comme le signale la création du premier accélérateur StartupBootCamp dédié.

Bien sûr, le domaine n'est pas totalement ignoré des entrepreneurs et il suffit de citer Friendsurance, Guevara ou InsPeer pour se rappeler que les assureurs ont aussi leurs trublions. Mais ce mouvement n'a, pour l'instant, rien de comparable avec les centaines (milliers ?) d'acteurs qui s'attaquent à la banque. Il ne fait pourtant aucun doute que les pionniers vont bientôt être rejoints par une armée de nouveaux entrants qui, comme partout, vont tenter de renverser les modèles existants grâce aux technologies.

Peut-être, jusqu'à maintenant, la difficulté à affronter les compagnies sur leur propre terrain semblait-elle trop grande pour justifier de s'y engager ? Or, avec la maturité des systèmes d'analyse de données massives (« big data », « data science » et consorts), la généralisation de la quantification de soi ou encore l'émergence de l'internet des objets, de toutes nouvelles opportunités s'ouvrent dorénavant, permettant d'aborder les problématiques de l'assurance d'une manière résolument différente.

Voilà probablement la raison pour laquelle la célèbre organisation StartupBootCamp lance son programme consacré à ce secteur. Elle appelle à le rejoindre les jeunes pousses de tous pays qui cherchent à transformer le monde de l'assurance des particuliers, de la gestion des risques en entreprise, de la réassurance, voire même du back-office… Et pour trouver des candidates, elle s'apprête à faire un véritable tour de la planète, qui passera par Berlin, Zürich, Cape Town, Tel Aviv, New York, Singapour, Hong Kong et Londres, où la structure sera basée.

StartupBootCamp Insurance

L'organisation du programme est conforme à la politique habituelle de StartupBootCamp : en échange de 8% de leur capital, les heureuses élues bénéficieront d'un subside de 15 000 euros (!) et d'un accompagnement de 3 mois, comprenant un espace de travail, un mentorat actif, un accès à un réseau d'investisseurs potentiels et de partenaires industriels, parmi lesquels Allianz, Unipol et Lloyds Banking Group se font particulièrement remarquer… L'objectif est – classiquement – de permettre à des entreprises naissantes d'affiner leurs modèles d'affaires pendant ce séjour intense.

Peut-être plus que dans ses autres initiatives, StartupBootCamp met un fort accent sur la valeur ajoutée que son accélérateur de l'assurance peut offrir aux compagnies traditionnelles. Tout est présenté comme s'il n'était pas vraiment question ici d'incuber leurs concurrentes de demain mais plutôt de permettre le développement de leurs futures partenaires, capables d'introduire l'innovation dans des entreprises qui savent qu'elles en ont besoin mais ne parviennent pas à la nourrir en leur sein.

Toujours est-il que la mutation numérique va bientôt frapper le secteur de l'assurance de plein fouet et que la plupart des acteurs en place n'y sont pas préparés. Ceux qui participent au StartupBootCamp Insurance (tout comme ceux qui ont des démarches similaires indépendantes) ont compris qu'ils n'ont pas le choix – pour rester pertinents dans le monde en devenir – que de faire appel à la créativité et à l'agilité d'entrepreneurs intrépides n'hésitant pas à aborder les problèmes avec un point de vue disruptif. Les autres resteront inéluctablement au bord du chemin…

dimanche 21 juin 2015

La révolution NewB commence !

NewB
Ceux qui croyaient que la révolution du secteur bancaire belge initiée par NewB il y a un peu plus de deux ans ne serait qu'une illusion éphémère peuvent désormais réviser leur jugement : la future banque coopérative annonce le lancement imminent de son premier produit, une carte de paiement aux caractéristiques originales.

Depuis ses balbutiements, le projet de NewB a déjà fait d'immenses progrès. Après une campagne préliminaire de recrutement de sociétaires, destinée à valider son concept, une deuxième phase plus opérationnelle lui permet d'atteindre aujourd'hui un total de près de 50 000 coopérateurs et un capital dépassant les 2 millions d'euros. Si son objectif principal reste d'obtenir une licence bancaire, elle a décidé de suivre en parallèle une stratégie de distribution de produits moins exigeants en matière réglementaire.

La carte qu'elle a présentée lors de son assemblée générale de juin 2015 est une concrétisation de cette approche pragmatique, qui la conduira à commencer à générer des revenus dès cette année. Naturellement, il ne s'agit pour l'instant que d'une solution prépayée, fournie par un partenaire britannique (Prepaid Financial Services), bien loin d'une véritable offre bancaire. Cependant, même avec un produit aussi basique, NewB parvient à lui faire incarner ses valeurs sociales et environnementales.

Tout d'abord, un des avantages intrinsèques d'une carte prépayée est que son porteur n'est jamais incité à dilapider son argent et à vivre à crédit. De la même manière, ce type d'instrument rend automatiquement les achats anonymes, protégeant de la sorte la vie privée du consommateur. À ces bénéfices standards, NewB promet d'ajouter des contrôles étendus, tels que la mise en place de plafonds de dépenses ou l'interdiction de payer pour certaines catégories de produits (par exemple de l'alcool, pour un mineur).

Carte Good Pay de NewB

Dans le registre écologique, la carte est fabriquée dans une matière recyclable (à base de maïs). Et, surtout, elle comporte un système de mesure automatisée de l'empreinte environnementale des achats, inscrite sur les relevés de compte (je suis particulièrement heureux de voir une mise en œuvre de cette idée, qui me trottait dans la tête depuis plusieurs années !). Il ne restera plus qu'à introduire un programme de compensation des émissions de gaz à effet de serre afin d'en faire un outil complet…

Il faut encore ajouter quelques bonus à ce panorama, dont la possibilité de commander la carte dans les 10 principales langues du pays (il n'y a pas que le flamand, l'allemand et le français !), le versement de 5 cents à une bonne cause pour chaque transaction, un coût parmi les plus compétitifs du marché ou encore le reversement d'une petite prime annuelle en cas de non retrait d'espèces. Enfin, passage obligé en 2015, une application mobile est évidemment prévue pour accompagner ces services.

La carte (qualifiée de « Good Pay ») n'est qu'un début pour NewB, dont le choix a été déterminé par sa capacité à intéresser un maximum de coopérateurs. Si l'initiative est bien accueillie (l'ambition affichée est de capter 25 000 nouveaux membres), elle sera suivie d'autres produits conçus via des partenariats, par exemple dans les domaines de l'assurance ou des fonds éthiques. Les plans de constitution d'une véritable banque sont adaptés en conséquence, la montée en puissance progressive permettant de réduire les besoins en capitaux et, donc, la difficulté, par rapport au projet d'origine.

Avec ce premier produit, la révolution NewB a bel et bien commencé !

samedi 20 juin 2015

La lutte contre la fraude devient interactive

Bank of America
Avec la croissance continue – et apparemment irrépressible – de la fraude sur les services financiers, il devient critique pour les banques de mettre à la disposition des consommateurs les moyens de réagir en cas d'incident. Bank of America est une des premières à envoyer des notifications, dans ce but, au sein de son application mobile.

C'est à l'occasion d'une récente mise à jour de ses logiciels pour Android et iOS que la nouveauté a été introduite. En complément des alertes sur différents types de seuil ou sur des échéances imminentes, les clients peuvent désormais choisir de recevoir des notifications (intégrées) quand leur banque soupçonne une transaction frauduleuse sur leur carte de crédit ou de débit. Ils peuvent alors vérifier immédiatement les dernières opérations enregistrées et, le cas échéant, débloquer la carte en quelques gestes.

Aussi triviale puisse-t-elle paraître, une telle fonction a au moins deux vertus importantes pour les mobinautes. En premier lieu, elle a un effet rassurant, en donnant l'impression que l'argent est en permanence en sécurité. D'autre part, et il s'agit probablement du critère le plus important dans la pratique, la possibilité de réagir immédiatement à une alerte permet d'éviter les frustrations que génère un signalement de fraude infondé. Prévenu rapidement, l'utilisateur peut rectifier l'erreur instantanément.

Bank of America Mobile

Rien ne l'indique ici, mais il faut espérer que les notifications sont émises à l'instant même où un achat est rejeté. Car même s'il n'est pas question – comme dans quelques expérimentations passées (qui ne paraissent curieusement pas avoir été généralisées) – de confirmer (ou rejeter) sur le téléphone une opération en cours d'autorisation, il reste important pour le consommateur du monde « temps réel » contemporain de suivre sa situation sans délai et de pouvoir corriger les anomalies au plus vite, surtout quand la sécurité de ses comptes est en jeu.

Dans ce sens, l'intégration du service dans l'application mobile est un choix brillant, en raison de la position de compagnon de la vie quotidienne que le smartphone est en train de prendre dans toutes les catégories de population, sans distinction de génération ou de classe sociale : il est toujours prêt à rendre service, de plus en plus spontanément et automatiquement. Avec Bank of America, il se transforme maintenant en cerbère, qui veille sur les comptes bancaires et se met à aboyer au moindre danger…

Dans la lutte contre la cybercriminalité, la priorité doit naturellement porter sur les moyens de détection et de prévention de la fraude. Il serait cependant aberrant de ne pas prêter autant d'attention à la responsabilisation du client : non seulement la transparence est dorénavant une condition essentielle de sa relation de confiance avec sa banque mais il s'agit également d'une étape sur le chemin de la sensibilisation et de l'éducation, indispensable pour l'inciter à participer à la protection de son argent.

vendredi 19 juin 2015

Un incubateur au cœur de la banque

Eastern Bank
Une banque qui crée un incubateur de startups, cela devient banal. Une banque qui incube ses propres idées afin d'en faire des startups, voilà qui est beaucoup plus original ! Le laboratoire d'innovation d'Eastern Bank – le plus important et le plus ancien établissement mutuel des États-Unis – n'est décidément pas conventionnel…

Car cette structure originale – qui occupe tout de même 110 personnes, au total – n'a pas pour seule finalité de développer de nouveaux produits ou services. Son objectif prioritaire est bien d'aboutir à la création d'entreprises viables et performantes, en suivant un processus structuré, destiné à faire émerger et à affiner des concepts innovants jusqu'à leur lancement « autonome » sur le marché. La première de ces « spin-offs » devrait d'ailleurs officiellement ouvrir ses portes dans les mois qui viennent.

Hormis sa perspective spécifique, la démarche instaurée dans les Eastern Labs n'a rien de très révolutionnaire. Au contraire, l'histoire de sa mise en place initiale – qui débute il y a un peu plus d'un an – ressemble assez à un celle d'un incubateur classique : cinq expérimentations d'une durée d'un mois chacune, dont les deux plus prometteuses ont été développées pendant quelques mois de plus, pour aboutir enfin à un pilote suffisamment convaincant pour envisager de le lâcher dans la nature.

L'approche internalisée – pour laquelle le laboratoire recrute activement, notamment dans le domaine de l'analyse des données – n'est cependant pas exclusive d'autres angles d'attaque. En premier lieu, des porteurs d'idées « hors sérail » ont également la possibilité – pour peu que leur projet vise à changer la banque – de profiter des infrastructures disponibles. D'autre part, la banque est aussi largement ouverte aux partenariats avec d'autres entreprises, y compris du secteur financier.

Eastern Labs

Le cœur de l'équipe est composé d'une quinzaine d'ingénieurs et d'entrepreneurs (dont certains issues de la FinTech), incarnant la stratégie de création de startups susceptibles de croissance exponentielle rapide. Car, l'enjeu ultime de la banque avec les Eastern Labs est non seulement d'amorcer, concrétiser et faire vivre des concepts nouveaux mais, surtout, de se créer des opportunités d'investir dans des jeunes pousses promettant des retours sur investissement incomparables.

Dans un sens, le laboratoire est donc lui-même un produit innovant. Pour l'anecdote, il a été imaginé et mis en œuvre par un ancien dirigeant de Capital One, qui a démarché plusieurs établissements avec son idée de départ : dans le monde actuel, les banques doivent transformer en profondeur leurs modèles d'affaires et devenir des organisations fondées sur la technologie. Dans cette vision, les Eastern Labs représentent finalement un nouvel outil d'investissement dans la FinTech.

De leur côté, même s'ils abandonnent une partie du capital de leur « bébé » à la banque, les entrepreneurs qui rejoignent la structure bénéficient d'un environnement particulièrement favorable (frisant même la concurrence déloyale !), avec un accès à ses données et à ses clients, un cadre réglementaire préparé et une isolation vis-à-vis des difficultés et des angoisses du financement (finies les pertes de temps et d'énergie à la recherche d'investisseurs…).

jeudi 18 juin 2015

Le Crédit Mutuel veut tuer le paiement en ligne ?

Crédit Mutuel
En dépit d'une amélioration de la fiabilité de sa mise en oeuvre par les banques, le système 3D Secure reste un frein majeur à la conversion des clients sur les sites de e-commerce. Étonnamment, plutôt que de chercher à résoudre cette difficulté, le Crédit Mutuel semble préférer décourager l'utilisation de la carte pour les paiements en ligne.

Depuis peu, les clients de l'établissement ont pu découvrir l'ajout d'une nouvelle étape lors de la finalisation de leurs transactions. Dorénavant, dans le processus de paiement d'un achat à distance, après avoir saisi les informations habituelles de leur carte bancaire (numéro, mois d'expiration, code CVV), il leur est demandé de fournir leur identifant de connexion à la banque en ligne (à 12 chiffres, tout de même !) pour pouvoir (enfin) obtenir sur le téléphone le code 3D Secure permettant de valider l'opération.

L'idée même d'un tel dispositif paraît terriblement contre-productive. En premier lieu, il est évident que le besoin de rechercher un identifiant supplémentaire, en plus des données de la carte, va avoir deux effets directs : des abandons de panier ou des reports sur un autre moyen de paiement (donc une perte nette d'activité pour le Crédit Mutuel) et le développement de comportements à risque avec les codes d'accès à la banque en ligne (plus il vont être requis, plus les consommateurs vont être tentés de les noter, de manière à les avoir à portée de la main).

D'un point de vue opérationnel, le résultat pour la banque ne peut être que négatif. Et l'impact sur son image n'ira pas dans un sens plus favorable, la gêne occasionnée étant certainement plus sensible que le gain de sécurité perçu, surtout au vu du déficit d'information sur la mise en place du nouveau système. En contrepartie, les bénéfices sont discutables : le code additionnel demandé à l'utilisateur est exposé à une partie des attaques menaçant déjà les données de la carte ou du téléphone utilisé pour 3D Secure.

3D Secure selon le Crédit Mutuel

Par ailleurs, la démarche prend un tour déloyal quand le Crédit Mutuel met en avant un prétexte réglementaire – accompagné d'un léger rejet de responsabilité vers le marchand – dans un message d'aide, afin de justifier sa décision : « Suite à la mise en place d'une nouvelle réglementation (…) votre site commerçant nous demande de vous authentifier » (pour être honnête, il s'agit là du texte d'information historique associé à la procédure d'authentification 3D Secure, qui prend ici un relief particulier) !

La banque voudrait dégoûter les consommateurs d'utiliser leur carte sur internet qu'elle ne s'y prendrait pas autrement. Alors, il est facile d'imaginer qu'elle veut ainsi promouvoir sa solution de carte virtuelle, PayWebCard. Hélas, cette dernière est tout aussi catastrophique pour la fluidité de l'expérience, puisqu'elle demande une authentification (avec les identifiants de banque à distance plus un code spécifique), le choix de la carte et la saisie du montant souhaité. Avant même de passer au paiement proprement dit !

La croissance exponentielle de la fraude à la carte et des vols de données serait-elle en train de déclencher un mouvement de panique dans les banques ? Quelles que soient les circonstances, la réponse du Crédit Mutuel est certainement la pire qui soit face à une augmentation des risques. En effet, à l'ère numérique, les consommateurs peuvent être prompts à changer de fournisseur si le service qui leur est offert n'est pas au niveau de leurs attentes, notamment en termes d'expérience utilisateur…

Information partagée par L. Penou (merci !)

mercredi 17 juin 2015

Bientôt, la banque mobile personnalisée

USAA
Sa position d'institution financière des forces armées américaines impose à USAA une vision différente de ses métiers (banque, assurance, investissement…), avec des clients dispersés aux quatre coins du monde. Il n'est donc pas surprenant qu'elle soit particulièrement avancée dans ses réflexions sur les services à distance.

Ses applications mobiles, notamment, sont parmi les plus complètes du secteur, afin de permettre à ses membres de réaliser toutes leurs opérations en quelques gestes, où qu'ils se trouvent. Malheureusement, cette richesse s'accompagne inévitablement d'une certaine complexité, tandis que, parfois, l'utilisateur ne dispose, sur le terrain, que de quelques minutes de connexion par semaine. Pour répondre à cet enjeu, la personnalisation de l'expérience est une piste qu'elle étudie de près, actuellement.

Dans cette optique, ce sont d'abord les données disponibles qui sont exploitées. À partir des transactions passées et en cours, ainsi que, lorsque cela est possible, des informations accessibles sur les médias sociaux, USAA peut montrer au mobinaute qu'elle le reconnaît et qu'elle sait s'adapter à ses besoins dès qu'il est authentifié. Par exemple, les conseils prodigués et les produits proposés seront différents selon que la personne veut acquérir son premier logement ou qu'elle a de l'expérience en la matière.

Toujours pour répondre au même objectif, une autre approche, qui devrait être déployée avant la fin de l'année, consiste à présenter au client une page d'accueil individualisée, dans laquelle il retrouvera immédiatement les options qu'il utilise le plus souvent (tout en maintenant un accès facile aux autres fonctions, bien entendu). La même orientation vaut également pour l'assistant virtuel intelligent intégré à l'application mobile depuis l'été dernier, avec un mode d'interaction encore simplifié.

Là, il s'agit de passer d'un guidage dans l'offre de la banque (et les menus de l'outil) à un système capable de prendre en charge le besoin exprimé. Imaginons ainsi, pour poursuivre dans le domaine immobilier, que lorsque l'utilisateur explique qu'il veut acheter une maison, l'application lui propose directement une simulation de crédit, puis, dès que la transaction est en voie de finalisation, elle lui suggère une assurance habitation, dont toutes les caractéristiques sont ajustées en fonction des données déjà collectées…

C'est donc un service à la fois personnalisé et contextualisé que dessine USAA, permettant de répondre aussi rapidement et facilement que possible aux attentes des membres, sans qu'ils aient à s'immerger dans un univers financier dont il n'ont en vérité que faire, surtout quand c'est un moment important de leur vie qui est en jeu (mariage, achat de logement, préparation des études des enfants, départ en retraite…).

USAA Just a Tap Away

mardi 16 juin 2015

Le Livret A fait sa mue numérique

Caisse d'Épargne
Presque 200 ans après la création du premier « livret de caisse d'épargne » (c'était en 1818) et 6 ans après la fin de l'exclusivité de sa distribution, le descendant de son géniteur historique – la Caisse d'Épargne – vient aujourd'hui remettre au diapason de l'ère numérique le placement le plus populaire de France.

De tout temps, le Livret A a été largement utilisé comme un moyen de constituer une cagnotte pour les enfants : ouvert dès leur naissance, alimenté régulièrement par la famille (souvent de petites sommes), le capital ainsi constitué, accessible à leur majorité, les aidait à se lancer dans la vie. Avec son nouveau service « Livrets À Connecter », la Caisse d'Épargne veut simplement relancer cette pratique, en la transposant dans les usages du XXIème siècle, donc sur internet et sur les réseaux sociaux.

Concrètement, un site web dédié (et adapté à tous les écrans) permettra aux parents de créer la tirelire électronique de leur enfant et d'y lier son livret d'épargne. Si nécessaire, il est naturellement possible de procéder à la souscription de ce dernier en ligne. Le compte ainsi ouvert s'accompagne d'un espace personnalisé, dans lequel il est également possible de rassembler photos, vidéos, messages… Enfin, une fonction de partage propose d'inviter – via mail, Facebook… – les proches à contribuer à la cagnotte.

Dès lors, tout un chacun (parmi les personnes invitées) peut venir verser son écot, même pour de petits montants, via une interface classique de paiement en ligne par carte, en accompagnant son geste d'un message dans le livre d'or de l'enfant. Les parents vont ensuite pouvoir transférer les fonds collectés de la tirelire vers le livret d'épargne. Si cette étape n'est pas automatique, c'est vraisemblablement parce que l'établissement a l'intention d'ouvrir un jour son service à d'autres produits que le seul livret A.

Livrets À Connecter

Grâce à cette idée, la Caisse d'Épargne espère générer 10 000 connexions de livrets en 2016. L'objectif semble finalement peu ambitieux, tellement le concept est séduisant – à la fois moderne et ancré dans la tradition – et, surtout, peut espérer bénéficier d'un effet viral intrinsèque, pour peu que les parents invitent des amis de la même génération qu'eux, susceptibles d'ouvrir un compte à leur tour… De plus, si le site parvient à fidéliser ses utilisateurs et générer une activité récurrente autour de l'album de l'enfant, une progression sensible des dépôts peut être raisonnablement envisagée.

Au-delà de cette première itération, qui ne sera déployée qu'en septembre prochain, on ne peut résister à la tentation d'imaginer une multitude d'extensions possibles. En premier lieu, au vu des annonces plus ou moins récentes du groupe BPCE autour des réseaux sociaux (partenariat Facebook et paiement via Twitter), il n'est pas très original d'imaginer une intégration plus étroite avec ceux-ci, en commençant peut-être par la possibilité d'y réaliser directement des transferts d'argent vers les tirelires.

lundi 15 juin 2015

La vie après le hackathon Banque Populaire

Banque Populaire
Les hackathons sont désormais bien installés dans les institutions financières et ces colonnes s'en font régulièrement l'écho. En revanche, il est rare d'en voir les suites. Le lancement d'une expérimentation par les Banques Populaires offre donc une opportunité rare de revenir sur une démarche qui ne s'est pas arrêtée après un week-end.

Les lecteurs fidèles s'en souviendront certainement : c'était au mois de décembre dernier, i-BP, la filiale informatique du groupe, organisait – avec les Banques Populaires (régionales) et BPCE – un hackathon interne sur le thème de l'entrée en relation. Il était alors promis aux lauréats que l'idée qu'ils avaient imaginée, conçue et développée serait effectivement mise en œuvre. Cinq mois plus tard, le projet (en mode agile) terminé, voilà chose faite et l'application est aujourd'hui déployée en test dans 5 agences pilotes.

Commençons par une petite description de cette réalisation. À l'issue d'un entretien avec son conseiller, le client, qu'il soit particulier ou professionnel, reçoit un mail – personnalisé et adapté à tous les appareils connectés (du téléphone au PC, en passant par la tablette) – l'invitant à évaluer son niveau de satisfaction. Les résultats donnent immédiatement lieu à l'établissement et à la présentation d'un podium.

Plus original, le concept comporte également un volet « prescription », qui se traduit par la possibilité pour l'utilisateur de partager son avis avec ses amis, par mail, par SMS ou via les réseaux sociaux (Facebook et Twitter). En parallèle, le conseiller reçoit une notification dès que son client a procédé à son évaluation et des statistiques globales sont aussi générées pour permettre le suivi des usages de l'application. Enfin, l'ensemble des informations traitées alimente les systèmes de gestion de fidélité de la banque.

Application Satisfaction Client de Banque Populaire

Au-delà de la solution elle-même, ce qu'il faut particulièrement souligner dans l'approche des Banques Populaires est la vision de bout en bout. En effet, les hackathons ne sont trop souvent que des opérations de communication, après lesquelles tout le monde oublie les idées générées et retourne à son quotidien sans que rien n'ait changé dans l'organisation. Comme dans toutes les démarches d'innovation, le maintien de l'engagement jusqu'à l'industrialisation est souvent la partie la plus difficile de l'exercice.

Même lorsque l'objectif fixé est non de créer un nouveau produit mais plutôt de faire évoluer les méthodes de travail, développer les collaborations (internes et/ou externes), voire de transformer la culture d'entreprise, il est indispensable pour la réussite du projet qu'il soit prolongé, concrètement, après les 2 ou 3 jours de l'événement lui-même.

Dans le cas présent, la participation de l'équipe gagnante – dont les membres sont issus d'horizons divers dans le groupe – à la création de « son » application, jusqu'à son déploiement, constitue un message puissant et fédérateur. Celui-ci est d'autant plus important dans le contexte d'une structure relativement complexe, avec ses 16 établissements régionaux et son informatique à la fois centralisée (dans i-BP) et géographiquement dispersée.

Tandis qu'il se murmure que la deuxième édition du hackathon Banque Populaire serait déjà en préparation, il y a fort à parier que les candidats au défi ne manqueront pas…

dimanche 14 juin 2015

Le Propulseur accompagne l'innovation à 360°

Le Propulseur
Plus que jamais focalisé sur la relation de proximité, le développement local et l'innovation, le Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne présentait au salon E-PY le « Propulseur », un dispositif aux multiples dimensions, destiné à accompagner les entrepreneurs de la région et contribuer de la sorte au dynamisme du territoire.

Souhaitant se démarquer des initiatives – plus ou moins sincères – qui ciblent tel ou tel aspect particulier de la création d'activité, la caisse régionale veut au contraire en couvrir tout autant les volets financiers et opérationnels, en impliquant l'ensemble de son organisation. Ce faisant, elle compte également profiter de son engagement pour apprendre, elle-même, aux côtés des entrepreneurs qui la rejoindront et poursuivre son indispensable transformation numérique.

Dans le registre bancaire, le « Propulseur », comprend d'abord des solutions de financement dédiées, qui prennent la forme d'un fonds d'amorçage – grâce auquel le Crédit Agricole Pyrénées Gascogne participera au capital des jeunes pousses en émergence – et un prêt spécifique pour les créateurs. En complément, elle devrait aussi proposer au grand public de contribuer à ses côtés aux projets qu'elle soutient, par l'intermédiaire de partenariats avec des plates-formes de crowdfunding.

Mais ces avancées ne peuvent porter leurs fruits que si les conseillers de la banque en maîtrisent parfaitement les ficelles et sont capables de comprendre l'adéquation des produits proposés aux besoins de leurs clients. Or, lorsqu'il s'agit d'appréhender l'entrepreneuriat, un véritable changement de culture s'impose (qui ressort d'ailleurs aussi de la révolution numérique). Alors, la caisse régionale met en place un important programme de formation et d'animation pour répondre à cet enjeu.

Là n'est cependant pas le seul rôle dévolu aux conseillers. Dans le prolongement de leur mission purement bancaire, ils devront également apprendre à guider les créateurs d'entreprises, dans l'élaboration de leur projet et dans le maquis des structures d'accompagnement (chambres consulaires, associations…). Outre un corpus de documents de référence mis à leur disposition, une équipe spécialisée assurera cette sensibilisation, tout en prenant en charge les dossiers plus complexes.

Présentation du Propulseur au salon E-PY

Même avant la moindre concrétisation, le Crédit Agricole Pyrénées Gascogne affirme sa présence aux côtés des porteurs d'idées avec l'instauration des « Cafés de la Création », dont la première édition de la région (le concept existe ailleurs en France) se tenait il y a quelques jours à Tarbes. Là, le futur entrepreneur rencontre – dans un environnement convivial – toutes les expertises dont il peut avoir besoin pour affiner et valider son projet et accélérer son démarrage : juridique, financière, comptable, technique…

À l'étape suivante, l'ETICoop (École Territoriale pour l'Innovation et la Coopération) – qui existe depuis 3 ans et a déjà permis la création d'une quarantaine d'entreprises – est prête à prendre le relais. Orientée sur les projets innovants portant une dimension de développement durable et des valeurs coopératives, cette structure associative propose aux futurs créateurs de véritables cursus de formation et d'accompagnement destinés à maximiser leurs chances de succès.

Enfin, une pépinière, directement inspirée par le Village by CA parisien, pourra héberger quelques startups se lançant sur les thématiques privilégiées de l'établissement : agro-alimentaire, énergie, immobilier, tourisme et développement durable. [Si j'ai bien compris,] La particularité de cet espace de co-travail (co-working) est qu'il sera installé dans les locaux de la banque, de manière à en faire un lieu de mélange des cultures et de stimulation de l'innovation (ouverte, par nature).

La démarche du Crédit Agricole Pyrénées Gascogne n'est donc pas uniquement motivée par une volonté d'accompagner le développement et le dynamisme de la région. Sa propre transition vers l'économie du XXIème siècle est aussi à l'ordre du jour, imposée par une stagnation (voire un déclin) de ses modèles actuels – notamment dans les activités de collecte et de crédit – et l'apparition d'une nouvelle classe d'acteurs, dont les approches disruptives génèrent des exigences différentes.

Merci à Jean, David, Xavier et Gilles pour les informations fournies à propos du Propulseur !

samedi 13 juin 2015

Saxo veut séduire la FinTech

Saxo Payments
Tandis que les discussions (et les tergiversations) sur l'opportunité d'accélérer les vieux systèmes de paiement vont bon train dans le monde entier, une banque décide de mettre les pieds dans le plat. Saxo Bank vient en effet d'annoncer la création d'une solution instantanée et peu coûteuse, destinée, en particulier, aux startups de la FinTech.

Après tout, l'opportunité ne peut manquer d'attirer les convoitises, du moins pour les établissements qui ne sont pas trop timorés. Car beaucoup des jeunes pousses de la finance qui prolifèrent aujourd'hui dans toute l'Europe sont, par nature, à la recherche de moyens de paiement qui leur permettent de développer leur activité en toute sérénité. Or elles sont souvent confrontées aux réticences des banques traditionnelles, peu enclines à ouvrir leurs systèmes à ces petites structures qui n'ont pas encore fait leurs preuves.

Les freins sont d'autant plus importants que, non contentes d'être différentes des clients habituels des institutions financières, les startups ont également des besoins et exigences atypiques, par exemple en termes de réactivité, de fonctionnement en temps réel ou de budget serré. En parallèle, la tendance à une internationalisation rapide – quand leur modèle même ne repose pas sur des transferts transfrontaliers – leur impose de passer par des acteurs disposant d'une présence étendue, au moins continentale.

Accueil Saxo Payments

La proposition de Saxo Payments attirera certainement l'attention de nombre d'entreprises du secteur, avec ses promesses exceptionnelles (mais, hélas, sans précisions) de fournir à ses utilisateurs des comptes en nombre illimité (pour leurs propres clients), des transactions instantanées, le tout à un tarif extrêmement compétitif. La solution se présente sous la forme d'une interface web facile à intégrer et prenant en charge toutes les subtilités des paiements (via le réseau Swift ou en mode SEPA), y compris les complexités administratives et exigences réglementaires associées.

L'innovation dans la FinTech n'est pas l'apanage exclusif des entrepreneurs : les banques peuvent participer à la révolution ! Mais lorsque elles se lancent dans des offres disruptives à destination des trublions de la finance, la menace qui plane sur les institutions historiques risque de prendre encore plus d'ampleur. En ce sens, la démarche prend des allures légèrement suicidaires, qui évoquent les réflexions de Clayton Christensen sur le dilemme de l'innovateur : Saxo Bank se prépare-t-elle (elle aussi) à une transformation susceptible de détruire ses modèles actuels ?

vendredi 12 juin 2015

Avec Yomoni, la fortune commence à 1000 €

Yomoni
Certes un peu exagérée, la promesse de Yomoni est celle de tous ces acteurs émergents qui veulent apporter la révolution numérique à l'épargne : grâce aux technologies et à l'automatisation, les avantages de la gestion de fortune – jusque-là réservés aux nantis – deviennent accessibles au commun des mortels, quel que soit leur patrimoine.

Les ingrédients mis en œuvre par la jeune pousse sont désormais connus : langage clair et sans jargon, compréhensible par les néophytes, souscription et suivi (en « temps réel ») exclusivement en ligne, gestion totalement intégrée, diversification des investissements, réallocation dynamique pour garantir l'alignement dans la durée avec les objectifs fixés, préférence pour les fonds indiciels (ETF), frais réduits et – surtout – totalement transparents (en l'occurrence 1,6% du portefeuille)…

Sur cette base, Yomoni propose une solution destinée prioritairement à des personnes qui veulent commencer à épargner, pour leur premier projet d'importance. Cette population – comprenant naturellement les « digital natives » – n'est pas familière de l'offre existante et se retrouve aujourd'hui écartelée entre un livret A rassurant mais très peu rémunérateur et des produits plus complexes dont ils se méfient, parfois à juste titre. Elle est donc certainement prête pour une approche intermédiaire.

Avec Yomoni, le client commence par définir son objectif d'épargne, en termes concrets (achat immobilier, retraite…), déclinés ensuite en un montant et une échéance, mis en regard de sa situation et de ses revenus. S'ensuit une incontournable évaluation de son appétence au risque, par l'intermédiaire d'un questionnaire personnel. Il se voit alors proposer un portefeuille (en assurance vie) et une stratégie d'investissement adaptée, parmi 10 modèles disponibles. Après acceptation, les automates s'occupent de tout, opérant régulièrement les rééquilibrages nécessaires afin de maintenir le cap fixé.

Accueil Yomoni

Si ce principe de l'investissement automatisé commence à se répandre, Yomoni espère – une fois son agrément AMF obtenu – être la première en France à l'implémenter de bout en bout, c'est-à-dire en prenant en charge la gestion sous mandat. Ce positionnement – qu'a également retenu Anatec – requiert des moyens lourds, notamment pour faire face à la réglementation, en comparaison des entreprises qui se « contentent » d'un rôle de conseil. En contrepartie, il représente une étape – que j'estime essentielle – vers la simplification ultime de l'investissement pour les non spécialistes.

Les exigences correspondantes (qui demandent des capitaux) offrent des opportunités aux institutions financières traditionnelles, qui commencent à se laisser séduire par les perspectives de la gestion robotisée. Yomoni vient ainsi de lever 3,5 millions d'euros auprès d'une filiale de la Financière de l'Échiquier et du Crédit Mutuel Arkéa. Après une période d'observation, ces établissements (qui ne sont cependant pas les plus frileux de la place) prennent conscience du potentiel de ces trublions, qui transposent leurs métiers historiques sur un segment de clientèle qu'ils ne savent pas adresser eux-mêmes.

Se pose tout de même la question à terme de l'évolution de ce marché. Car, si l'automatisation démontre ses qualités, elle va immanquablement empiéter sur le territoire des modèles plus classiques, ne serait-ce que parce que ceux qui l'auront adoptée dans leur jeunesse n'auront aucun raison de changer plus tard (sauf peut-être à bénéficier d'une « vraie » gestion de fortune, pour les plus chanceux). Il faut donc probablement s'attendre à terme à une cannibalisation du marché, qui risque de provoquer, là encore, la disparition de quelques dinosaures trop peu agiles…

La FinTech française s'organise

France FinTech
Anatec, Bankin, Finexkap, Fluo, Leetchi, Linxo, Lydia, Paymium, Prêt d'Union… les passionnés les connaissent, ce sont quelques-unes des stars montantes du secteur financier dans l'hexagone. Aujourd'hui, elles se rassemblent sous la bannière « France Fintech » afin de mieux affirmer leur existence, en France et dans le monde.

Au total, 36 jeunes entreprises – touchant à (presque) tous les métiers de la banque et de l'assurance – participent à la création de l'association. Elles démontrent ainsi l'ampleur – souvent sous-estimée – du mouvement qui secoue actuellement un domaine traditionnellement immobiliste. Au sein de cette nouvelle structure, elles devraient gagner en visibilité. Premier signe d'intérêt, 2 ministres (Axelle Lemaire et Michel Sapin) prennent note de l'événement, dans le communiqué de presse [PDF] de lancement.

Car, évidemment, le premier objectif de « France Fintech » est de faire entendre sa voix partout où elle peut compter, auprès des investisseurs, des institutions financières historiques (partenaires potentiels), des pouvoirs publics (notamment dans le registre réglementaire), du monde de la recherche… Il s'agira à la fois de promouvoir une industrie naissante et, aussi, d'exercer un lobbying indispensable pour assurer son développement, sa prospérité et son rayonnement durables.

L'ambition de l'organisation est également de propager la notoriété de l'excellence française hors de nos frontières. Au-delà d'une simple position défensive vis-à-vis des écosystèmes existants, déjà bien structurés – aux États-Unis et au Royaume-Uni – il sera tout autant question de mettre en avant les spécificités de l'environnement et les expertises particulières du pays en matière de finance, de mathématiques et d'ingénierie. La concurrence avec Wall Street, la Silicon Valley et la City pourrait parfois laisser place à des collaborations fructueuses…

Avec leur association, les acteurs de la FinTech eux-mêmes vont pouvoir profiter d'un « espace » fédérateur leur permettant de démultiplier l'impact de leurs initiatives, grâce aux opportunités – entre autres de mutualisation des efforts, de capitalisation de l'information et de mise en place d'actions communes – qu'ils y trouveront, au contact de leurs pairs et des instances équivalentes dans d'autres domaines économiques, avec lesquelles des synergies devraient rapidement être mises en place.

La création de « France Fintech » – dont les 36 membres fondateurs ne constituent qu'un début – offre une excellente occasion de mesurer la richesse de la France en startups spécialisées et invite à imaginer le poids que ces entreprises ambitieuses pourraient représenter à moyen et long terme, dans l'univers de la finance. L'événement donne donc largement matière à attirer l'attention de l'ensemble du secteur…

Frane FinTech

mercredi 10 juin 2015

Prêts à partager vos données ou résignés ?

Université de Pennsylvanie
Dans l'univers des « big data », la théorie du marketing veut que les consommateurs acceptent de partager leurs données pourvu qu'ils obtiennent un bénéfice tangible en retour. Une vaste enquête [PDF] menée par 3 chercheurs de l'Université de Pennsylvanie met en doute cette illusion et avance une toute autre explication.

Plus de 1 500 américains (adultes) ont été interrogés dans le but de comprendre le plus précisément possible quelle était leur attitude face à la généralisation des collectes d'informations à des fins commerciales. L'objectif de l'étude était de vérifier si – comme le prétendent les responsables de ces actes, notamment pour parer préemptivement toute ingérence réglementaire – l'acceptation de ces pratiques par la population est bien réelle, volontaire et résulte d'un calcul de rentabilité, plus ou moins formalisé.

Or, cette hypothèse est catégoriquement démentie. Par exemple, 91% des participants au sondage contestent l'équité d'un échange de bon de réduction contre l'utilisation de données personnelles sans consentement préalable, 7 sur 10 rejettent le principe d'un accès WiFi gratuit en contrepartie d'une surveillance de la navigation et plus de la moitié ne sont pas même d'accord avec une exploitation des informations rassemblées sur les clients afin d'améliorer le service qui leur est rendu. Selon les critères retenus, au plus 21% des consommateurs admettent l'idée de marchandisation de leurs données.

Pourtant, lorsque les questions prennent un tour plus concret, les réponses tendent à changer. Ainsi, 43% des personnes interrogées confirment qu'elles accepteraient des réductions offertes par leur supermarché moyennant une analyse de leurs listes de courses. La raison de cette apparente schizophrénie serait simple : les consommateurs sont résignés, estimant qu'ils n'ont plus le pouvoir d'échapper à une surveillance devenue inévitable. Dans ces circonstances, leur acceptation n'est plus rationnelle.

Étude de l'Université de Pennsylvanie - The Tradeoff Fallacy

Dans un autre registre, l'étude révèle qu'une part importante du public a une profonde méconnaissance des informations basiques qui l'aiderait à faire un choix éclairé dans ses relations avec les « exploiteurs » de données. En particulier, les américains semblent croire que la loi leur apporte bien plus de protections qu'elle n'en prévoit effectivement. En conséquence, lorsqu'ils évaluent la valeur d'un échange, beaucoup fondent leurs estimations sur des prémisses erronées.

Cependant, contrairement à ce que laissent souvent entendre les professionnels du marketing mais finalement sans surprise, les personnes les plus informées sur leurs pratiques ne sont pas plus consentantes que les autres. Elles sont surtout les plus résignées. Celles-là sont en effet tellement désabusées qu'elles ne tentent même plus de mesurer le rapport coût-bénéfice de l'alternative qui leur est proposée : elles l'acceptent sans broncher (si ce n'est intérieurement), en considérant que tout effort de résistance est désormais totalement futile.

Certes, ce sondage concerne les États-Unis mais rien ne permet de supposer que la situation est différente dans d'autres pays. Dans une certaine mesure, l'importance que la France accorde à la CNIL a peut-être au contraire un effet aggravant sur la confiance un peu aveugle parfois accordée aux offres des marques. Et, à l'appui de la théorie des chercheurs de Pennsylvanie, les réactions apparemment irrationnelles à certaines initiatives (cf. le cas d'ING) pourraient être évaluées à l'aune de cette résignation qu'ils décrivent, qui n'empêche pas nécessairement tout sursaut de rébellion.

Si cette interprétation des faits s'avère exacte (et les arguments présentés sont diablement convaincants), les spécialistes du marketing – qui se frottent les mains à l'idée des montagnes de données qu'ils ont dorénavant à leur disposition pour mieux atteindre leurs objectifs – ont du souci à se faire. Ils ne pourront jamais être certains que leurs méthodes seront jugées acceptables et ils risqueront toujours un retour de flamme imprévisible, causé par un ras-le-bol impossible à anticiper… L'eldorado des « big data » ne serait-il donc qu'un mirage ?