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C'est pas mon idée !

mardi 1 mai 2012

Lecture : l'avenir des moyens de paiement en France

Chèque
Il n'a échappé à personne que le secteur des paiements est actuellement en ébullition, notamment grâce à l'innovation technologique et à l'évolution du contexte réglementaire (en particulier en Europe).

Cette révolution en cours a (logiquement) conduit le Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie à commander un rapport [version complète au format PDF] complet sur le sujet, comprenant un état des lieux et une analyse de la situation des moyens de paiement en France ainsi qu'un ensemble de propositions pour préparer l'avenir. Décryptage.

La présentation du paysage actuel, si elle n'apporte pas d'information inédite, a le mérite de rassembler en quelques pages les données essentielles du paiement hexagonal. Sont ainsi rappelées les "parts de marché" des différents instruments et leurs tendances générales : de l'importance relativement faible des espèces (par rapport au reste de l'Europe) à l'immense succès de la carte bancaire (dû, en grande partie, à l'interbancarité spécifique à la France), en passant par le lent déclin du chèque.

Plus intéressante, car plus rare, une estimation des coûts des moyens de paiement pour les établissements financiers permet de rétablir quelques vérités souvent oubliées. On découvre ainsi que le chèque représente une charge nette annuelle de 2,5 milliards d'euros, ce qui n'est pas une surprise, mais également que le traitement des espèces coûte à peu près autant (2,6 milliards), en particulier pour gérer l'alimentation (sécurisée) des DABs. Face à ces deux instruments gratuits (ou presque) pour le consommateur, les cartes génèrent un produit de l'ordre de 2,6 milliards et les virements et prélèvements seulement 0,7 milliard. Le déséquilibre global pour les banques est en fait couvert par la gestion des comptes courants...

Dans ce contexte, les attentes et les préoccupations des principaux acteurs sont ensuite analysés. Pour les consommateurs, tout d'abord, il semblerait que 3 critères dominent pour le choix d'un moyen de paiement : simplicité et rapidité d'utilisation (largement dominant), gratuité et sécurité. Il convient tout de même de noter que les frais de transactions peuvent être acceptés en contrepartie d'un service supplémentaire comme le démontre le succès de PayPal, dont le coût peut être assimilé à celui d'une assurance (dans le cas des vendeurs sur eBay, en particulier). A l'opposé, pour les commerçants l'exigence première est celle de la sécurité (et/ou de la garantie de paiement).

Les inquiétudes soulevées dans le rapport sont d'ordres très divers. Il y a en premier lieu les menaces sur les équilibres économiques des établissements financiers, en raison des pressions actuelles sur les marges des instruments "rentables" (baisse des commissions interbancaires sur les cartes, impact de SEPA sur les virements...) sans réduction comparable des coûts des espèces et des chèques. Est également souligné le retard que prend la France dans l'adoption de la "monnaie électronique" et dans l'innovation technologique.

Quelles actions les auteurs préconisent-ils alors pour répondre à ces formidables enjeux ? C'est un peu la déception de ce travail même si les grands objectifs (faciliter les paiements sécurisés en ligne, développer des moyens de paiement modernes en "face à face", accélérer la réduction du rôle du chèque, encourager des modèles économiques performants, mobiliser la sphère publique et définir une ambition nationale) sont, pour l'essentiel, empreints de bon sens.

La déclinaison de ces principes en plan d'action en 20 recommandations laisse malheureusement le lecteur sur sa faim, quand elle ne suscite pas, dans certains cas, le dépit :

Paiement sécurisé en ligne
  • Faciliter l'utilisation du virement bancaire en ligne pour les consommateurs.
  • Développer avec les grands facturiers la possibilité de régler les factures sur Internet, ignorant le fait que c'est déjà aujourd'hui assez largement le cas.
  • Généraliser l'utilisation de 3D Secure, en écartant les problèmes réels que ce système pose aux commerçants et sans tenir compte de l'exigence de simplicité des consommateurs (si ce n'est en prônant l'adoption de "méthodes limitant le nombre de clics" !).
  • Faciliter les transferts de fonds par Internet, illustré par le retrait sur DAB des fonds transférés, les rendant ainsi accessibles aux populations non bancarisées (à l'étranger).
  • La promotion d'un dispositif interbancaire de paiement en ligne, à mettre en place dès 2012, c'est-à-dire une sorte de PayPal des banques françaises...
Paiement "face à face"
  • Développer le paiement par carte des petits montants, pour mieux remplacer les espèces mais dont le seul levier proposé est une réduction des commissions payées par les commerçants.
  • Développer les paiements sans contact, sans réellement expliquer quels en seraient les bénéfices.
Chèques
  • Sans envisager sa disparition à court terme, fixer un objectif de réduction de moitié du nombre de chèques émis d'ici 2017, exemple typique de l'incantation sans valeur intrinsèque.
  • Mettre en place un accompagnement des acteurs concernés pour la réduction de l'utilisation du chèque.
  • Maintenir le TIP au moins jusqu'à 2016, condamné par les échéances SEPA mais déjà en déclin et ayant, de toutes manières, échoué à remplacer le chèque.
  • Garantir l'avenir du prélèvement automatique, une recommandation creuse puisque rien ne menace ce moyen de paiement, si ce n'est qu'il doit migrer vers sa version SEPA (SDD).
  • Dématérialiser divers dispositifs, tels que les tickets-restaurant et les chèques-vacance dont on ne comprend pas bien qu'ils soient cités ici.
Modèles économiques
  • Une série de vœux pieux sur la création de conditions d'investissement à long terme, la promotion de l'innovation, le développement de nouveaux services associés aux paiements (prenant exemple sur les initiatives de PayPal et Google), la défense de l'interbancarité, l'encadrement de la surfacturation (différenciation du prix selon le moyen de paiement), sans préconisations pratiques.
Mobilisation de la sphère publique
  • L'accélération de l'équipement des administrations en terminaux de paiement électronique.
  • L'encouragement du paiement en ligne dans les administrations.
Ambition nationale
  • Enfin, comble de la proposition vague et sans contenu : le lancement d'un projet intitulé "Paiements 2016".

En conclusion, et malgré mes critiques, ce rapport sur l'avenir des moyens de paiement sera un document utile pour qui s'intéresse au secteur, au moins par son analyse de la situation actuelle. Concernant les orientations à prendre pour l'avenir, il faudra en retenir les grands thèmes et quelques idées fortes (soulignées ci-dessus), même s'il reste encore beaucoup d'efforts à produire pour en faire un plan d'action concret. Exercice à approfondir et à suivre...

5 commentaires:

  1. Juste pour expliquer pourquoi on parle des titres restaurant, cheque emploi service ou cheque vacances ; c'est parce que ces titres utilisent souvent des lignes CMC7 et tout ou partie des circuits de traitement des chèques bancaires classiques.

    Juste un regret, on ne parle pas dans ce rapport de l'innovation la plus étonnante et grand public que connaissent les chèques principalement aux Etats-Unis à savoir la remise de chèque via mobile : qui permet de diminuer les couts et qui a une valeur pédagogique pour montrer la fiabilité du paiement mobile.

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  2. Denis, merci pour cette explication sur les tickets restaurant et autres titres de paiement du même genre.

    Sur le second point, avec un peu de bonne volonté on peut tout de même trouver une discrète allusion au dépôt de chèque sur mobile dans le rapport. Mais il est compréhensible que toute initiative qui pourrait relancer ce moyen de paiement n'est pas vue d'un oeil très favorable...

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  3. Le chèque ne pourra pas être éradiqué tant que les scénarios d'usage qu'il permet (décalage d'encaissement, fractionnement des paiements, délégation de paiement,...) ne seront pas supportés par la monnaie électronique.
    Les anglais ont essayé. Ils ont échoué
    cf : http://www.paymentscouncil.org.uk/media_centre/press_releases/-/page/1575/
    Et tant que le régulateur freinera le développement de la monnaie électronique au détriment du chèque et des espèces (à tort car les instruments de prédilections du blanchiment et de la fraude sont les espèces et les chèques), la situation a guère de chance d'évoluer
    cf : http://www.cbanque.com/actu/24660/paiement-sur-internet-noyer-epingle-le-credit-agricole-et-kwixo

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  4. sur les titres restaurant, cheque emploi service ou cheque vacances, il y a un problème spécifique de dématérialisation qui est empêchée par la réglementation (un peu la même histoire que le chèque avec la monnaie électronique)mais c'est apparemment en cours de résolution.
    Au Brésil 88% des titres sont dématérialisés alors qu'en France, on continue d'avoir des titres papier à coté de sa carte à puce
    cf : http://www.lefigaro.fr/societes/2011/02/24/04015-20110224ARTFIG00766-letitre-restaurant-passe-a-la-carte-a-puce.php

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  5. Le point suivant : "La promotion d'un dispositif interbancaire de paiement en ligne, à mettre en place dès 2012, c'est-à-dire une sorte de PayPal des banques françaises..." fait penser à un fiasco façon Cloud à la Française ...

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