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C'est pas mon idée !

lundi 9 juin 2025

PayPal adopte un outil de Mastercard

PayPal
Poursuivant sa stratégie d'expansion dans le commerce de proximité, PayPal adopte la solution « One Credential » présentée par Mastercard au début de l'année. Celle-ci permet aux porteurs de cartes de la marque d'affecter automatiquement les dépenses effectuées sur l'instrument de leur choix, en fonction de critères élémentaires.

Comme son nom l'indique, la nouvelle fonction, proposée à tous les émetteurs partenaires du réseau rouge et orange, consiste à associer plusieurs moyens de paiement à un seul identifiant (celui d'une carte « maîtresse », semble-t-il). Pour ce faire, un module applicatif, à intégrer dans l'application bancaire, invite l'utilisateur à sélectionner les outils qu'il possède ou auxquels il est éligible et à définir les gammes de montant pour lesquels chacun d'eux sera mis à contribution lors d'une transaction.

Selon l'établissement et son offre, il sera ainsi possible d'enregistrer une option de débit sur un compte, une carte prépayée, une carte de crédit, un règlement par tempéraments (voire, vraisemblablement, un règlement fractionné sans frais)… Le consommateur peut alors décider, via un simple paramétrage, que, par exemple, les opérations de moins de 100 dollars sont imputés sur la première, puis sur sa carte de crédit jusqu'à 500 dollars… et reporter les (rares) achats les plus importants sur une ligne de crédit.

Mastercard vante l'utilisation de « One Credential » pour encourager la prise de bonnes habitudes financières. Le raisonnement est un peu tiré par les cheveux mais il mérite de s'y attarder, ne serait-ce qu'en guise de source d'inspiration : à travers son pilotage de multiples outils, le dispositif procure la faculté aux émetteurs de débloquer progressivement de nouvelles solutions – dont la complexité et les risques qu'elles induisent vont croissant – au fur et à mesure des usages (raisonnables) constatés.

Mastercard One Credential

Malgré la promesse de répondre à la demande pressante, en particulier de la part des jeunes générations, de flexibilité dans le pilotage de leurs paiements, les capacités de configuration disponibles paraissent extrêmement limitées puisqu'elles ne portent que sur le montant unitaire de chaque transaction. Elles font pâle figure, notamment, face aux mécanismes de gestion intelligents mis en œuvre par les pionniers de la « super carte » tels que Curve, dont on ne peut éviter de rapprocher cette initiative.

On pourrait comprendre que l'approche parvienne à séduire des acteurs historiques, aujourd'hui dépassés par cette concurrence émergente, mais il est beaucoup plus surprenant que PayPal s'en empare, alors que son ADN comportait justement un principe d'identifiant unique au-dessus d'un moyen de paiement multi-sources (autorisant même, dans certaines circonstances, le changement a posteriori). Décidément, la stratégie de l'ex-trublion est désormais difficile à décrypter… et laisse entrevoir une certaine indécision, renforcée par l'irruption de sa filiale Venmo, historiquement focalisée sur les échanges entre pairs, dans les paiements marchands.

dimanche 8 juin 2025

Des finfluenceurs dans le viseur des régulateurs

FCA
Quelques jours après l'annonce par les Émirats Arabes Unis de leur nouvelle licence de « finfluenceur », une coalition de régulateurs menée par la FCA britannique communique sur ses actions de répression visant les personnes qui abusent de leur aura auprès des internautes afin de promouvoir ou distribuer illégalement des services financiers.

Outre celle du Royaume-Uni, les autorités d'Australie, de quatre provinces canadiennes, de Hong Kong, d'Italie… et des Émirats ont lancé à partir du 2 juin dernier une vaste campagne d'assainissement sur les réseaux sociaux en vue de combattre les individus aux audiences parfois immenses qui vantent des produits et mécanismes interdits, en général mettant en scène des scénarios d'enrichissement rapide, ou, plus simplement, endossent un rôle de conseil financier sans les agréments nécessaires.

Pour la seule FCA, l'opération a conduit à trois arrestations à Londres, la mise en examen de trois personnes (les mêmes ?), la convocation en entretien de quatre individus, l'envoi de sept courriers d'injonction (« cease and desist ») et l'émission de cinquante avertissements, inscrits sur sa liste officielle. Ces derniers s'accompagnent de 650 demandes de clôtures de comptes aux plates-formes sociales sur lesquelles ont lieu les faits reprochés et de cinquante requêtes de fermeture de sites web frauduleux.

Ces résultats, obtenus en une semaine, paraissent peut-être flatteurs mais ne sont-ils pas finalement un peu dérisoires face à l'ampleur du phénomène contre lequel il s'agit de lutter ? D'autant plus que les moyens engagés ont certainement été importants et, au vu de la manière dont l'initiative est présentée, ne pourront pas être maintenus en permanence… Toujours est-il qu'on peut retenir de cette expérience deux enseignements principaux, à méditer par tous les régulateurs de la planète.

Le premier concerne l'idée émirienne de définir un statut formel pour les « finfluenceurs » : au-delà des risques d'excès que celui-ci peut créer (comme je le suggérais dans mon article), le coup de filet de ce mois de juin démontre clairement que les législations existantes suffisent à affronter les dérives sur le terrain judiciaire. Le second est une évidence dans un monde « digital » où les frontières s'effacent : une coordination internationale (qui ne peut se limiter à 6 pays, incidemment) est indispensable pour espérer contenir l'explosion de fraude affectant le secteur financier.

Annonce FCA

samedi 7 juin 2025

U.S. Bank mesure l'impact de l'éducation financière

U.S. Bank
Un an après l'intégration de la solution de Greenlight au cœur de sa propre application (😉 à Lloyds Bank), U.S. Bank en dresse un premier bilan : les outils d'accompagnement des adolescents dans leur relation à l'argent séduisent – eux-mêmes et leurs parents – et leur impact sur leurs comportements est objectivement indéniable.

Si la startup avait déjà engagé des partenariats avec des institutions financières, dont Morgan Stanley dès 2021, U.S. Bank était la première, en 2024, à embarquer directement ses fonctions dans sa plate-forme et non plus à offrir à ses clients l'abonnement à ses services. L'avancée est significative car les capacités distinctives de Greenlight, en particulier en matière d'éducation financière, sont ainsi étroitement reliées à la banque. Elle autorise en outre un meilleur suivi de leur utilisation et de ses effets.

Le produit en lui-même correspond à une palette relativement classique dans sa catégorie. Dans un ensemble destiné à la famille, elle comprend une carte de débit et une application destinées aux mineurs, des options de rémunération (à base de tâches assignées par les parents), de dépense et d'épargne, un centre de contrôle où les adultes peuvent définir les règles d'utilisation (entre autres à travers la fixation de plafonds)… et un espace éducatif ludique pour apprendre les ficelles de l'argent.

En 12 mois d'existence, 67 000 ménages se sont laisser conquérir (ce qui, il est vrai, laisse une certaine marge de progression) et ce choix a concrètement changé les habitudes des jeunes concernés. Que la quasi-totalité d'entre eux (86%) aient profité des possibilités de régler leurs achats n'est pas une surprise. En revanche, que presque la moitié aient commencé à mettre un pécule de côté l'est certainement plus. Enfin, un sur trois a adopté le mécanisme des corvées pour gagner un peu d'argent de poche.

U.S. Bank x Greenlight

Tout aussi instructif, surtout pour moi qui suis généralement sceptique vis-à-vis de dispositifs pédagogiques théoriques, indépendants du contexte de l'apprenant, ceux qui suivent les modules éducatifs s'avèrent effectivement sensibilisés : 96% de ceux qui ont entamé le parcours de gestion de budget affirment qu'ils mettront en pratique leurs connaissances lorsqu'ils l'auront achevé ; ceux qui ont suivi au moins 5 cours créent plus d'objectifs d'épargne (+45%) et les atteignent bien plus souvent (+115%).

Des pistes d'optimisation restent envisageables, d'abord au niveau de la captation de l'attention de la cible, puisque un peu plus d'un utilisateur sur deux seulement s'intéresse aux leçons financières, pourtant proposées sous des formats de jeu ou de vidéo faciles à appréhender. À l'inverse, à défaut d'être directement associée aux événements survenant sur le compte de l'ado, la faculté de mettre en œuvre les conseils prodigués dans la même app joue vraisemblablement un rôle dans l'efficacité du dispositif.

L'exemple de U.S. Bank devrait sérieusement encourager les acteurs de l'industrie à investir dans l'éducation financière de leurs clients. Au-delà du soutien qu'un tel effort représente pour le développement et l'autonomie personnels, il porte aussi des opportunités commerciales (notamment sur l'épargne). Encore cette implémentation n'est-elle pas parfaite et laisse-t-elle de la place pour des améliorations susceptibles de produire des résultats toujours plus spectaculaires… et bénéfiques pour tous.

vendredi 6 juin 2025

Sumeria continue à se renforcer contre la fraude

Sumeria
Quelques mois seulement après la mise en place de son système de certification des contacts téléphoniques, Sumeria franchit une nouvelle étape dans la lutte contre les arnaques au faux conseiller : désormais, tous les appels de ses services seront intégrés dans son application mobile, les rendant impossibles à imiter par un fraudeur.

La première phase, entamée en septembre dernier, consistait donc à signaler au client que, lors d'une prise de contact, celle-ci émanait bien d'un employé de la jeune pousse. Malheureusement, ce mécanisme n'autorise pas l'émission d'une alerte, a contrario, dans le cas d'une tentative d'usurpation d'identité. Bien qu'il ne résolve pas encore totalement le problème, le nouveau dispositif est, de ce point de vue, plus clair : aucun appel téléphonique classique, hors de l'app Sumeria, n'émane de la banque.

Sur le fond, le risque – notamment d'inattention – reste présent, mais remplacer l'expérience standard, assortie d'un simple message de confirmation, par une version qui peut dès lors être fortement personnalisée permet de marquer plus explicitement la différence avec une escroquerie. Toujours est-il que la stratégie portera véritablement ses fruits quand le principe sera entré dans les mœurs, ce qui prendra du temps car les occasions d'appels entrants ne sont pas fréquentes. En attendant, le message est martelé auprès des clients de ne répondre qu'aux demandes issues de leur app.

Sumeria – In-App Call

Or Sumeria profite de son annonce pour encourager l'ensemble de l'industrie à suivre son exemple, non pas comme une sorte de pied de nez, mais bien parce que la généralisation d'une telle approche lui donnerait un énorme coup de pouce, en termes d'éducation et d'inscription dans les habitudes de la population. Après tout, le déploiement presque universel des messageries dites sécurisées a suivi le même genre d'évolution et affiche des résultats positifs, même s'ils ne sont pas parfaits.

L'ajout peut sembler mineur mais, outre que la lutte contre la fraude mérite de consacrer quelques efforts à toute nouvelle optimisation possible, elle souligne une démarche proactive plutôt rassurante, surtout en comparaison de la situation dans les établissements traditionnels, qui s'en tiennent pour l'instant à des campagnes de sensibilisation à l'efficacité limitée. On peut toutefois espérer qu'ils n'aient simplement pas la rapidité d'une néo-banque et qu'ils aient des projets en cours, auquel cas le chemin que suit Sumeria devrait les aider à définir leurs propres feuilles de route.

jeudi 5 juin 2025

Revolut déploie ses premiers automates

Revolut
Quand la tendance parmi les institutions financières traditionnelles est à la réduction de leur empreinte physique, notamment à travers la mutualisation des réseaux d’automates, Revolut annonce le déploiement du sien, d’abord en Espagne, en introduisant, comme il se doit, une approche originale, surtout sur son modèle économique.

Le plan de marche, découpé en plusieurs étapes, est d’ores et déjà établi. La première phase, présentée comme un pilote, concernera 50 appareils, qui seront installés à Madrid et Barcelone. Si tout va bien, elle sera suivie d’une extension de 150 distributeurs supplémentaires, y compris dans d’autres capitales régionales du pays. À partir de 2026, d’autres marchés seront envisagés, tels que l’Allemagne, l’Italie et le Portugal, probablement dans le prolongement de la logique de sélection de zones où les espèces sont encore largement prédominantes dans le commerce de proximité.

Outre un design futuriste, entre autres au niveau de l’expérience utilisateur (dont il faudra voir la réalité sur le terrain), le principal avantage des nouveaux GAB portera sur les retraits en devises étrangères, en parfait alignement avec l’ADN d'origine de la néo-banque. Pour ses clients, il s’agira d’obtenir les conditions auxquelles ils sont habitués avec leurs transactions par carte, sans aucun frais additionnels. Pour les autres, il sera initialement appliqué automatiquement le taux de change de leur émetteur (sans les incitations à utiliser celui, en général exorbitant, de l’opérateur de la machine).

Quelques caractéristiques complémentaires, moins prépondérantes mais la plupart inédites, méritent encore l’attention. L’interface, évidemment tactile, est ainsi disponible dans plus de 20 langues. Plus significatif, les opérations sont accessibles non seulement via l’insertion de la carte physique mais également en mode sans contact, en particulier depuis un porte-monnaie mobile (il n’est pas précisé si l’option est réservée aux clients, ce qui paraît toutefois vraisemblable). Et une faculté d’authentification biométrique, par reconnaissance faciale, devrait aussi faire son apparition à l’avenir.

Revolut ATMs

Il faut maintenant en venir à la vraie nouveauté proposée par Revolut : ses distributeurs permettront aux non clients d’ouvrir un compte en quelques instants, avec la délivrance immédiate d’une carte. Le principe est astucieux : l’utilisateur opérant un retrait est de la sorte identifié et authentifié, simplifiant la démarche d’entrée en relation, et il peut procéder au provisionnement dans le même parcours. Quand arrivera la faculté (prévue) de réaliser les retraits avec des conditions de change concurrentielles, mises en avant en toute transparence, elles constitueront un argument de vente auprès des touristes qui découvriront les appareils dans des lieux stratégiques, très fréquentés.

La combinaison des fonctions classiques du GAB avec celle des automates exclusivement dédiés à la vente de sa solution, que le trublion a précédemment expérimentés dans quelques aéroports européens, ne correspond donc pas uniquement à une opportunité conjoncturelle. Il s’agit véritablement de trouver un modèle économique pour une infrastructure relativement lourde et coûteuse (à mettre en place et à gérer). En l’occurrence, l’approche est idéale pour une jeune pousse qui se trouve toujours dans sa période d’hypercroissance et serait difficile à répliquer par des acteurs traditionnels. Mais l’initiative prouve qu’il existe des voies de monétisation à explorer !

mercredi 4 juin 2025

Dépenser pour épargner, avec Garance

Garance
Lancé il y a quelques semaines par le jeune groupe mutualiste Garance, son nouveau produit Cagn'Up tente actuellement de gagner le cœur des parisiens à travers une campagne d'affichage dans le métro. Son concept n'est pas inédit et il ne semble pas avoir séduit massivement jusqu'à maintenant. Cette incarnation fera-t-elle mieux ?

Le principe consiste à proposer aux consommateurs de recevoir des réductions – sous forme de cashback – sur leurs achats de la vie quotidienne – parmi les partenaires affichés figurent des enseignes populaires telles que Monoprix, Carrefour, Spotify, FNAC, Ikea, Airbnb… – et de transférer automatiquement la cagnotte ainsi constituée vers un plan d'épargne retraite ou une assurance-vie, au choix, sans frais, de souscription ou autre, dès que son total franchit le seuil de 50 euros.

L'approche est en ligne avec l'évolution stratégique de l'entreprise qui, depuis quelques années, cherche à convertir son métier de la prévoyance aux nouveaux comportements et attentes de la population. En l'occurrence, un des objectifs visés, mis en avant dans la communication, porte sur la sensibilisation des personnes qui n'ont pas encore les « bons » réflexes, notamment parmi les jeunes, à l'importance de commencer tôt à mettre de l'argent de côté, même de petites sommes, pour réaliser leurs projets.

Une deuxième perspective pédagogique intervient ensuite, via les supports retenus. Outre qu'ils bénéficient d'une fiscalité avantageuse qui reste méconnue par un grand nombre de français, Garance s'attache à simplifier au maximum leur accès à l'investissement, par exemple en réduisant les options disponibles, ce qui devrait avoir pour effet (positif) de rendre les démarches moins intimidantes pour les néophytes.

Garance – Cagn'Up

Le dispositif n'est pourtant pas sans défauts. Le premier concerne justement ces aspects éducatifs, mis à mal par l'obligation pour l'utilisateur de disposer au préalable d'un compte éligible à associer à Cagn'Up (celui qui recueillera les réserves accumulées). Dans une logique de découverte de l'épargne, il serait beaucoup plus judicieux de permettre la souscription durant le processus d'enregistrement.

Un autre point concerne le modèle opérationnel, puisque, afin de bénéficier des récompenses sur les dépenses, il faut d'abord acheter des cartes prépayées de la marque de chaque partenaire, seules celles-ci ouvrant droit à un versement. Avec les frictions qu'il ajoute dans l'expérience client (étape supplémentaire, dispersion budgétaire…), ce mécanisme risque de constituer un obstacle mortel au succès.

Comme je l'évoquais en introduction, Cagn'Up reprend une idée ancienne, implémentée entre autres (dans l'hexagone) par Groupama, en 2019 (avec des niveaux de friction différents). Je constate que l'application HUG n'a pas évolué depuis 2020 et que plus généralement, elle semble abandonnée. Je ne suis pas certain que les quelques variations apportées par Garance suffisent cette fois à transformer l'essai. Aussi j'estime qu'il faudra impérativement itérer sur cette version initiale pour espérer réussir.

mardi 3 juin 2025

L'IA comme nouvelle interface utilisateur ?

IA
Elle est parfois formulée autrement – l'IA remplacera-t-elle le smartphone ? – mais la question qui revient régulièrement ces derniers temps suggère qu'une révolution serait en marche, avec l'intelligence artificielle en tornade prête à balayer tout ce que nous connaissons aujourd'hui. L'histoire nous invite pourtant à tempérer ces ardeurs.

Comme le souligne l'article (équilibré) de ComputerWorld qui me sert de prétexte à ces réflexions (et dont j'emprunte le titre), les premières tentatives d'appareils personnels pilotés par l'IA, par exemple l'AI Pin de Humane, ont conduit à des naufrages retentissants qui peuvent instiller le doute. Mais il faut prendre du recul pour comprendre les erreurs commises par ces pionniers et, surtout, pour imaginer comment un nouveau mode d'interaction avec la technologie prend naissance et se développe.

Il n'est pas nécessaire de chercher bien loin une référence : il suffit de se souvenir de l'arrivée de l'iPhone après quelques générations d'outils combinant les capacités d'un téléphone et d'un (petit) ordinateur. Tout le monde l'admet désormais, ce n'est pas l'assemblage de composants électroniques (similaire à ce que faisait la concurrence auparavant) qui l'a mené au succès mais la manière dont ce gadget était mis au service des besoins (potentiels) d'un utilisateur dans une expérience inédite et gratifiante.

Il en sera de même avec l'intelligence artificielle, notamment agentique. En soi, celle-ci ne produira aucune transformation des comportements (sauf pour une frange d'inconditionnels) tant qu'elle ne sera pas mise en scène dans une solution globale attractive qui prend en compte les attentes et les exigences de son audience cible. Et, en la matière, la barre à franchir (dont l'étalon en 2025 est le smartphone et son écosystème logiciel) est maintenant placée plus haut qu'elle ne l'a jamais été.

Pour clore le sujet de l'AI Pin et de ses équivalents, l'équation était trop déséquilibrée pour aboutir à un résultat positif : au-delà des dysfonctionnements du moteur mis en œuvre, le choix d'un mode vocal exclusif pour dialoguer avec la machine représentait d'emblée un obstacle (quasiment) insurmontable, comme l'ont montré des générations d'assistants mobiles, dans un monde où les médias préférés des consommateurs sont visuels et où l'appel téléphonique a été supplanté par les messages instantanés.

Mais ce ne sont pas les seuls problèmes à résoudre, l'IA apportant aussi son lot de préoccupations spécifiques. Ainsi, outre le choix du mode de communication (qui devrait vraisemblablement être hybride) et le support physique du dispositif (qui pourrait bien rester le téléphone), il faudra aussi, entre autres, instiller la confiance vis-à-vis de sa qualité et de sa fiabilité, rassurer les utilisateurs sur la sécurité de leurs données… pour ne citer que deux critères majeurs d'adoption dans le contexte présent.

De la même manière que la révolution du smartphone doit certainement plus à iOS (plutôt dans sa deuxième itération, d'ailleurs) qu'à l'iPhone lui-même, la révolution de l'IA, si elle intervient un jour, reposera sur la capacité d'une entreprise (ou d'un individu ?) à concevoir l'interface utilisateur qui rendra indispensable dans la vie quotidienne ce qui n'est fondamentalement qu'un outil. Incidemment, je me demande si ce n'est pas la raison pour laquelle Apple tarde à entrer sérieusement sur le marché…

Agentic AI

lundi 2 juin 2025

Les bizarres priorités de Lloyds

Lloyds Bank
En deux jours, la semaine dernière, Lloyds Bank présentait deux nouveaux services à l'intention de ses clients, totalement différents autant dans leurs contenus que dans leurs implémentations. Il semble en ressortir une approche opportuniste de l'innovation qui, a contrario, met en lumière une inquiétante absence de vision stratégique.

Le premier, concocté avec la plate-forme spécialisée Hopper (à base d'intelligence artificielle, évidemment !), permet aux clients de l'établissement de réserver leurs vacances (vols et hôtels) directement depuis son application mobile, en bénéficiant des divers avantages tarifaires proposés par le partenaire. Voilà un exemple typique de fonction extra-bancaire, dont les prédécesseurs n'encouragent pas à l'optimisme quant à sa capacité de séduction et, plus largement, sa valeur pour les utilisateurs.

Le second est en revanche intimement lié aux métiers de Lloyds, puisqu'il s'agit de fournir aux couples une solution de pilotage de leurs dépenses communes, assurant à la fois leur suivi et leur répartition automatique sur plusieurs comptes et intégrant également une option d'épargne mutualisée. Cependant, dans ce cas, l'offre se limite (pour les plus prompts à la saisir) à un accès gratuit à la version avancée de l'application dédiée de Lumio, un récent participant au programme d'incubation de la banque.

Prises séparément, ces deux actualités n'ont rien d'original, y compris dans leurs défauts intrinsèques. Mises côte à côte, elles révèlent une gestion pour le moins surprenante des priorités au niveau de l'institution financière. Après tout, pourquoi diable une solution sans rapport avec la banque et ne correspondant à aucun besoin profond des clients est-elle incluse dans leur expérience tandis que celle qui répond à une demande d'une partie de la population (frustrée par la dispersion des apps) ne l'est pas ?

Lloyds – Travel Booking

La raison de cette incohérence, qui concerne quasiment toute l'industrie, est extrêmement simple : les innovations introduites dans les institutions financières le sont en fonction de facteurs conjoncturels – de la rencontre avec un entrepreneur à la lubie d'un responsable – et ne suivent aucun plan prédéterminé. Les ajouts, se faisant au hasard des événements, finiront par aboutir à des logiciels Frankenstein, rendus confus par la multiplicité de leurs fonctions, sans qu'ils soient plus utiles pour autant.

Le symptôme traduit simultanément le manque de prise au sérieux de ce que devrait être une démarche structurée d'innovation et un certain mépris pour les clients, à qui sont servies des applications mobiles assemblées sans préoccupation de cohérence ni perspective stratégique. Voilà une autre explication au succès des nouveaux entrants, capables de garder le cap sur ce qui compte vraiment pour les consommateurs, indépendamment du nombre de services qu'ils ont à mettre entre leurs mains.

dimanche 1 juin 2025

Une leçon de design par Monzo

Monzo
En décrivant pas à pas sa démarche de conception de son service de virements de masse pour les entreprises, Monzo nous offre une formidable leçon de « design thinking », dans les règles de l'art, et démontre par la même occasion que ce genre de méthode n'est pas (et ne devrait jamais être) réservé aux seules « grandes » innovations.

La première étape commence bien sûr par l'identification d'un besoin et, dès cette entrée en matière, la focalisation sur le client figure au premier plan. En l'occurrence, rien d'extraordinaire puisque l'équipe en charge de la banque pour les professionnels a simplement analysé les avis et commentaires de ses utilisateurs. La fonction envisagée est en outre relativement classique dans l'industrie. Mais il est hors de question d'imiter la concurrence sans explorer au préalable les attentes profondes à satisfaire.

Pour ce faire, l'écoute passive ne suffit plus, il faut s'immerger dans la réalité des premiers concernés afin de comprendre comment ils exécutent habituellement leurs opérations groupées – notamment pour les versements de salaires ou les règlements de factures récurrents –, quels outils ils adoptent dans ce but, quelles sont les frictions et les irritants qu'ils rencontrent… Cette phase se déroule par une série d'entretiens poussés, dont l'objectif est d'étudier le problème et non de rechercher une solution.

En vue d'enrichir les observations, plusieurs approches complémentaires entrent en jeu. Les données capturées au travers des usages actuels fournissent ainsi des enseignements précieux, tels que, par exemple, la fréquence des transactions ciblées ou la préférence pour un canal web plutôt que l'application mobile (par crainte d'erreurs). La cartographie des parcours, comportant non seulement les actions réalisées mais également les émotions associées, permet de matérialiser l'ensemble des résultats.

Monzo – Bulk Payments

Avant de passer à la définition d'un produit, il reste encore un exercice incontournable à effectuer (dont je constate hélas régulièrement qu'il est presque toujours oublié) : explorer la manière dont d'autres acteurs appréhendent le sujet. Il s'agit de recenser les options existantes et, surtout, de déterminer, le cas échéant, en quoi celles-ci ne sont pas optimales et, inversement, quels avantages distinctifs elles exposent dans leurs interactions. Elles aideront aussi à établir ce qui créera un facteur de différenciation.

Une fois la matière première assemblée, il est temps de passer à la conception proprement dite (quoique, en pratique, les échanges avec les clients s'accompagnent de prototypes afin d'évaluer leurs réactions initiales). Naturellement, elle est organisée par itérations, avec un plan prédéfini visant une transition d'un « produit minimum viable » à une solution idéale. Chaque version est d'abord soumise à quelques testeurs, autant pour éliminer les anomalies que pour affiner les principes opérationnels.

Dernière étape de la méthode : il faut mesurer les bénéfices concrets obtenus, ici (comme souvent) la satisfaction des clients, matérialisée par la baisse de leurs récriminations et le renforcement de leur fidélité. Et, pour résumer les critères de succès de l'approche elle-même, Monzo retient cinq éléments clés : l'utilisateur placé au centre des préoccupations, la collaboration dans un écosystème, la conversation permanente, l'apport des données objectives disponibles, la flexibilité et l'audace.

samedi 31 mai 2025

BBVA protège son app des indiscrétions

BBVA
Voilà une quinzaine d'années que la banque mobile est entrée dans nos habitudes, nous laissant consulter nos comptes ou exécuter nos transactions n'importe où et à tout moment… sans y réfléchir. Voilà pourquoi BBVA ajoute une option originale à son application permettant d'en préserver les informations sensibles des regards indiscrets.

Bien sûr, l'idée de masquer une partie des données normalement affichées à l'écran a déjà été implémentée par le passé, à des fins de démonstration, par les établissements qui espéraient de la sorte que leurs clients, fiers des capacités disponibles au bout de leurs doigts, les partageraient avec leurs proches, sans révéler de secrets, et convaincraient ces derniers de rejoindre leurs rangs. Je ne crois pas que ces tentatives, dont on n'en entend plus guère parler, aient été couronnées de succès..

À la base, le mode discret de BBVA reprend le même principe – après son activation permanente, les soldes des comptes et des cartes de crédit restent invisibles jusqu'à l'appui sur une icône pour les révéler – mais son objectif est totalement différent. En effet, il s'agit dorénavant d'éviter que ces informations confidentielles ne soient aperçues par des intrus (au milieu d'une foule, dans un bus, dans un ascenseur…) à l'occasion d'une vérification ou d'une opération rapide (un remboursement de frais à un ami…).

Pour une protection optimale, la banque espagnole introduit cependant une version intelligente qui, grâce à une analyse de l'environnement de l'utilisateur tel qu'il est capturé par la caméra de son téléphone, détecte la présence de plusieurs paires d'yeux dans le champ de l'écran et bascule alors automatiquement l'écran en mode privé. Il n'est ainsi plus nécessaire d'exercer une prudence préventive à l'ouverture de l'application, l'appareil se charge tout seul de dissuader les voisins trop curieux.

BBVA – Discrete Mode

La nouvelle fonction est certes anecdotique mais elle offre tout de même un surcroît de sécurité bienvenu – et relativement simple à mettre en œuvre, dans la pratique – dans un monde où le smartphone est en permanence susceptible d'exposer involontairement des informations personnelles dans des lieux publics et où les utilisateurs ne pensent pas toujours à se prémunir des indiscrétions… qui peuvent aussi émaner d'escrocs capables d'exploiter les données glanées à des fins criminelles.

L'approche pourrait être déclinée dans des contextes potentiellement plus critiques. Je pense par exemple aux distributeurs automatiques, sur lesquels les recommandations de vigilance ne suffisent pas à prévenir les captures de code secret par-dessus l'épaule : une caméra repérant ce type de comportement permettrait facilement de combattre des agressions relativement fréquentes. Dans le même registre, l'intégration de ce mécanisme sur les terminaux de paiement – de plus en plus souvent embarqués sur un téléphone, incidemment – pourrait également contribuer à la lutte contre la fraude.