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C'est pas mon idée !

mardi 14 octobre 2025

La FCA accélère sur la finance ouverte

FCA
Pendant que l'Union Européenne et, surtout, ses grands groupes (bancaires et autres) tergiversent sur la future réglementation qui doit étendre les principes de la DSP2 à l'ouverture de toutes les données financières, le régulateur britannique avance concrètement, autant sur le plan législatif que sur la mise en œuvre effective de ses ambitions.

Sur le papier, la situation actuelle sur le sujet est quasiment identique entre le Royaume-Uni et le continent : les velléités de contraindre les établissements à permettre à leurs clients de partager leurs informations avec les partenaires (habilités) qu'ils choisissent sont affirmées et des orientations plus ou moins précises sont définies quant aux textes envisagés, soumis à discussion dans l'industrie. Pourtant, dans les faits, les méthodes employées de part et d'autre de la Manche ne pourraient être plus divergentes.

En effet, contrairement aux seules considérations théoriques mises en avant par nos représentants, qui conduisent nos entreprises à se diviser en deux camps irréconciliables – entre tenants et opposants –, nos voisins insulaires déroulent une approche extrêmement pragmatique. Plusieurs chantiers opérationnels sont ainsi organisés par les autorités afin d'évaluer, généralement dans un contexte proche de la réalité, les véritables opportunités et limitations des recommandations proposées.

L'exercice a débuté avec une (classique) étude, confiée à un grand cabinet de conseil (KPMG), dans le but de recueillir les avis des parties prenantes. Mais, en parallèle, la FCA rassemblait, au début de l'année, les volontaires (110 ont répondu à l'appel) dans un « sprint » de deux jours, sorte de remue-méninges virtuel destiné à identifier et collecter des cas d'usages susceptibles de justifier la mise en place d'un cadre juridique et à définir quelques principes permettant d'atteindre les objectifs visés.

FCA – Open Finance

Les démarches expérimentales vont maintenant entrer dans une phase d'accélération. Le mois dernier, un « smart data accelerator » était déployé, en collaboration avec le spécialiste Raidiam. Cette nouvelle déclinaison du bac à sable cher au régulateur anglais a vocation à mettre à la disposition des acteurs participant à l'initiative un environnement prêt à l'emploi pour développer et tester des prototypes fonctionnels de solutions exploitant d'hypothétiques données financières partagées.

La FCA prépare en outre deux « sprints » supplémentaires, d'une durée plus longue, entre novembre 2025 et février 2026. Ouverts aux firmes, aux législateurs et aux partenaires étrangers (qui ont jusqu'au 2 novembre pour s'inscrire), en qualité d'observateur ou de producteur, ceux-là seront consacrés à la création d'applications réelles, dans l'accélérateur évoqué précédemment, autour de deux thèmes ressortant comme propices dans les études : le crédit hypothécaire et les services aux PME.

L'objectif recherché à travers ces opérations est double. D'un côté, il s'agit d'éprouver sur le terrain (même simulé) les possibilités tangibles d'une éventuelle réforme à fort impact et, a contrario, de ne pas se contenter d'espérer béatement que des résultats rêvés se matérialisent. De l'autre, l'implication des entreprises du secteur leur donne l'occasion de s'approprier le changement, d'en mesurer les bénéfices potentiels, d'en relativiser les risques… et d'éviter le syndrome du rejet par peur de la nouveauté.

On n'en regrette que plus la réticence historique et inébranlable des autorités françaises et européennes à créer des bacs à sable pour l'innovation financière, dont tout montre pourtant qu'ils ont contribué à l'épanouissement de l'écosystème FinTech britannique.

lundi 13 octobre 2025

Des formations à la cybersécurité inefficaces

UC San Diego
Tous les grands groupes, et encore plus ceux du secteur financier, déploient des formations à l'intention de leurs collaborateurs afin de les sensibiliser aux risques de cybersécurité. Or une étude de l'université de San Diego, portant spécifiquement sur les programmes de lutte contre le hameçonnage, révèle qu'ils ont un impact quasiment nul.

La cible retenue n'est pas choisie au hasard puisque le « phishing » (pour reprendre son appellation d'origine) constitue aujourd'hui le principal vecteur des cyberattaques dans le monde. Et ce qui étonne immédiatement avec la présentation des travaux de l'équipe qui appartient à la division dédiée à la santé dans l'établissement public est qu'elle ne serait que la deuxième, à date, à se pencher sur les effets véritables des démarches pédagogiques de lutte contre un fléau aussi ancien que dévastateur.

Tous ceux qui travaillent, salariés ou contractuels, au sein d'une entreprise importante connaissent ces modules éducatifs, qu'ils sont contraints de suivre à intervalles réguliers, souvent avec réticence. Dans les structures un peu plus créatives, ce sont aussi parfois des simulations de courriels piégés qui sont envoyés, aboutissant à une piqûre de rappel contextuelle sur les conséquences potentiellement graves de leur inattention. Et bien ces méthodes n'ont aucune influence sur les comportements.

Plus précisément, quand les chercheurs analysent scientifiquement, sur un échantillon de 19 500 personnes (les salariés de l'université, en l'occurrence), les taux de réponse à des tentatives de hameçonnage, la différence entre ceux qui ont bénéficié d'une formation et les autres est de 2%, presque dans la marge d'erreur statistique. En outre, la performance se dégrade rapidement dans le temps : en quelques mois, les réflexes minimaux de prudence éventuellement acquis se sont définitivement évaporés.

UC San Diego – Cybersecurity Training

Une raison majeure de cette inefficacité patente serait le manque d'engagement des participants dans les campagnes de prévention et les matériels pédagogiques mis à leur disposition. L'enquête démontre, par exemple, que trois quarts des individus interrogés passent moins d'une minute à les consulter. Et je soupçonne, que même quand un contrôle a posteriori rend obligatoire de passer plus de temps sur les contenus, à contre-cœur, leur appropriation effective n'est pas beaucoup plus élevée.

Les auteurs déduisent de ces constats que les approches par l'éducation sont futiles, surtout quand on prend en compte les coûts qu'elles représentent, et suggèrent donc que la seule solution viable serait technologique. Ils mentionnent notamment des protections avancées sur les systèmes d'identification et d'authentification pour réduire le danger en cas d'attaque réussie. Pour ma part, je considère que ce niveau de réponse, indispensable, ne pourra jamais suffire face à la sophistication toujours croissante des cybercriminels. Il faudrait donc revoir en profondeur les modèles pédagogiques traditionnels pour les rendre pertinents et adaptés aux audiences de notre époque.

Actualité repérée grâce à DCOD (merci Marc !)

dimanche 12 octobre 2025

ChatGPT, la nouvelle super app ?

OpenAI
Depuis l'apparition des super apps chinoises, toutes sortes d'entreprises, depuis les géants des médias sociaux jusqu'aux stars du secteur financier, ont tenté, sans grand succès, de décliner le principe dans leur environnement. Aujourd'hui, OpenAI renouvelle le genre dans ChatGPT et, cette fois, la recette pourrait s'avérer convaincante.

À l'exception des européens, pour l'instant, tous les utilisateurs du service, y compris ceux qui se contentent de la version gratuite, ont désormais la possibilité d'interagir directement avec leurs applications favorites, depuis l'interface du chatbot, en langage naturel (mais exclusivement en anglais)… Quoique, dans un premier temps, seule une poignée de solutions populaires est réellement accessible de cette manière, en attendant une adoption massive par les éditeurs, si l'ambition d'OpenAI se matérialise.

Concrètement, deux modes de fonctionnement sont proposés. Le plus trivial consiste à solliciter explicitement un logiciel afin de réaliser une action. Il s'agira, par exemple, de réserver un hôtel via Booking.com, de transformer un croquis en un diagramme structuré dans Figma, de créer une nouvelle « playing list » dans Spotify… Mais ChatGPT possède également la faculté de suggérer spontanément le recours à une application quand il le juge pertinent : interroger Zillow pour une recherche de logement…

Les entreprises qui souhaitent intégrer leurs produits dans cet écosystème ne pourront pas faire n'importe quoi. Elles devront notamment adhérer à un corpus formel de règles, destiné à encadrer les pratiques et protéger les usagers (même les plus jeunes). Par ailleurs, les exigences relatives au respect de la vie privée et à la confidentialité des données sont complétées par une demande de connexion à chaque outil d'un partenaire, explicitant clairement les informations partagées avec la plate-forme.

Apps in ChatGPT

Pour les développeurs, la mise en compatibilité de leurs solutions avec ChatGPT devrait s'avérer sinon triviale du moins rationalisée. OpenAI met ainsi à leur disposition une documentation complète, accompagnée d'exemples, afin de les aider à prendre en main les différents protocoles définis pour ses besoins. En sus du standard de fait MCP (« Model Context Protocol »), dédié aux échanges « techniques » avec des agents intelligents, une couche supplémentaire, elle-même ouverte, couvre, entre autres, les contraintes qui s'exercent sur les interfaces graphiques exposées au sein du chatbot.

L'ensemble du concept, qui rappelle distinctement le modèle historique des super apps, reprend les mêmes arguments de séduction. Du point de vue des consommateurs, il donne corps aux promesses de l'intelligence artificielle agentique, qu'ils seraient alors en mesure de piloter depuis un tableau de bord unique, représentant en quelque sorte leur assistant personnel universel, capable de comprendre et exécuter toutes leurs demandes, en cohérence parfaite avec leur contexte et leurs préférences.

Le frein à la réalisation de cette vision, à ce stade, est le nombre limité d'applications tierces concernées. OpenAI veut les attirer en vantant un accès immédiat à un marché potentiel de 800 millions d'adeptes de son IA… et en préparant l'ajout de moyens de monétiser leur participation. Si le parcours de WeChat (en Chine) constitue une leçon, il n'est pas irréaliste d'imaginer que le succès soit au rendez-vous. J'attends maintenant de voir quelle institution financière se lancera la première dans l'aventure…

samedi 11 octobre 2025

RBS adopte le prêt sur la propriété intellectuelle

NatWest
La solution de crédit garanti par la propriété intellectuelle que NatWest a dévoilée en Angleterre l'année dernière à l'intention des entreprises de croissance a visiblement fait ses preuves et rencontré sa clientèle puisqu'elle sera bientôt étendue à l'Écosse. Ce genre de produit reste cependant une exception dans le secteur en Europe.

La faculté pour une société d'emprunter des fonds en engageant ses actifs physiques – stocks, équipements industriels, propriétés immobilières… – est inscrite dans les habitudes des banques depuis la nuit des temps, mais elle ne répond plus aux besoins des pépites émergentes de l'économie contemporaine de la connaissance, en particulier les acteurs du logiciel et, ces derniers temps, de l'intelligence artificielle, dont le capital est essentiellement immatériel… et souvent difficile à valoriser.

La réponse qu'apporte NatWest consiste justement à permettre à ces structures – notamment les jeunes pousses qui sont dans une phase d'hyper-croissance et recherchent des moyens d'accompagner leur développement sans passer par (ou en complément de) une levée de fonds synonyme de dilution de l'actionnariat… et potentiellement délicate dans la période présente – d'accéder à des financements en contrepartie de leur propriété intellectuelle, évaluée par un expert indépendant.

Ce dernier, Inngot, ne se contente pas d'apporter ses compétences en matière de détermination d'un prix de marché pour la propriété intellectuelle susceptible d'être prise en compte pour l'offre de prêt. Il fournit également une expérience simplifiée et fluide aux directeurs financiers qui souhaitent explorer l'opportunité. À travers un questionnaire qui ne leur prend que quelques minutes, ils déterminent (gratuitement) si leur portefeuille est éligible, puis une demie-heure et moins de 1 000 livres suffisent pour quantifier le financement possible, transmis ensuite à la banque pour décision finale

NatWest – IP-Backed Lending

NatWest communique quelques exemples représentatifs d'opérations réalisées au cours des derniers mois et souligne l'existence de plusieurs domaines d'excellence en Écosse à même de profiter de sa solution – dont le déploiement dans le pays est autorisé depuis un récent changement réglementaire. Le groupe mentionne entre autres l'activité importante dans des industries telles que le jeu et le divertissement ou encore les efforts de transition climatique, potentiellement candidates à son offre.

Les institutions financières commencent tout juste, péniblement, à s'adapter aux attentes et aux contraintes spécifiques des startups et de leurs fondateurs. Il leur faudrait également, comme NatWest, mieux appréhender le décalage entre leurs produits historiques et la réalité d'une immense partie de leur clientèle de PME… dont la désindustrialisation des pays occidentaux a profondément transformé le profil, et, par conséquent, la position par rapport aux filtres traditionnels appliqués sur les dossiers.

vendredi 10 octobre 2025

L'IA fantôme envahit les institutions financières

DeepL
À l'occasion d'une enquête auprès de quelques 1 500 professionnels du secteur financier en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, DeepL, spécialiste de la traduction propulsée par l'intelligence artificielle, dévoile que près des deux tiers de l'échantillon admettent que les employés recourent aujourd'hui à des outils d'IA non validés par leur organisation pour leurs interactions avec la clientèle.

Le constat, qui peut certainement être étendu à d'autres contextes, est alarmant mais il ne doit pas surprendre. Quand les entreprises mettent à la disposition de leurs collaborateurs des solutions qui ne répondent pas parfaitement à leurs besoins, alors qu'ils voient bien, notamment à travers leurs usages privés, qu'il existe des alternatives plus efficaces, le réflexe naturel penche toujours vers le choix de l'option la plus performante. Par ailleurs, les tentatives de blocage des plates-formes non validées officiellement sont futiles, puisqu'elles sont accessibles sur les appareils personnels.

Les risques sont évidemment considérables. Dans le cas, le plus préoccupant, des communications avec la clientèle (dont les besoins de traduction qui intéressent particulièrement DeepL), les erreurs commises par l'IA, les biais susceptibles d'être introduits dans les échanges, les inventions et contre-vérités résultant d'hallucinations incontrôlées… ne constituent qu'une partie du problème. Les fuites d'information vers les fournisseurs des technologies exploitées sont aussi extrêmement dangereuses.

Pour un vendeur tel que DeepL, la parade consiste à offrir aux salariés, dans un cadre sécurisé et certifié, les produits leur permettant de satisfaire au mieux leurs besoins. Cependant, imaginer que cette stratégie suffise à faire entièrement disparaître la tentation d'utiliser d'autres outils est illusoire. Comme avec les questions de cybersécurité, l'ignorance est l'ennemie numéro 1 et une approche pédagogique du sujet devient donc urgente afin d'éviter des catastrophes, probables à court terme.

Avant même de former les effectifs à l'utilisation des plates-formes autorisées, dont la mode se répand à grande vitesse dans l'industrie, il faut impérativement sensibiliser l'ensemble du personnel au fonctionnement réel de l'intelligence artificielle, aux apparences trompeuses d'un assistant virtuel omniscient (mais qui absorbe tout ce qui lui est transmis), aux limites de sa fiabilité, aux conséquences possibles des mauvaises manipulations… en s'assurant que les messages sont bien compris et absorbés.

DeepL

jeudi 9 octobre 2025

Des appels in-app pour l'expérience client

Discovery Bank
On connaît déjà, par exemple chez Sumeria, en France, l'intégration des appels téléphoniques entrants dans l'application mobile de la banque, afin de lutter contre la fraude. La sud-africaine Discovery Bank prolonge maintenant le principe, en portant de la sorte l'ambition additionnelle de simplifier toutes les interactions vocales.

La nouvelle fonction prend donc en charge l'ensemble des communications, y compris celles qui sont à l'initiative du client. Il suffit à ce dernier de se rendre dans la rubrique « contactez-nous » et d'y s"lectionner l'option idoine pour échanger avec un conseiller, en dehors des réseaux de téléphonie traditionnels. Premier avantage notable, cette faculté complète la protection contre les escroqueries (par exemple les fausses coordonnées susceptibles d'être trouvées en ligne), en plus de celle qui interdit l'usurpation du numéro de la banque quand celle-ci est à l'origine de l'appel.

Cependant, Discovery Bank profite également de cette évolution importante pour fluidifier la relation. En effet, au lieu d'exiger une authentification et le passage à travers divers filtres de contrôle d'identité, souvent malcommodes au téléphone, le passage par l'application mobile, dans laquelle l'utilisateur s'est bien sûr préalablement identifié, avec validation biométrique, permet de court-circuiter ces étapes désagréables, évitant ainsi frustrations et autres pertes de temps, voire suspicions injustifiées.

Discovery Bank – In App Calling

Mieux encore, dans un effort supplémentaire de réduction des frictions, telles qu'elles peuvent être matérialisées par les insupportables menus vocaux interactifs de certaines entreprises, le système est en outre capable de transmettre le contexte avec la demande de contact. Concrètement, une analyse en temps réel du profil de l'intéressé et de son activité récente, notamment sa navigation dans le logiciel, aide à déterminer le motif probable de l'appel, de manière à solliciter directement l'expert ad hoc, sans rebonds multiples d'interlocuteur en interlocuteur. Derrière cette idée simple, il y aurait certainement matière à explorer de nombreuses opportunités.

À travers sa démarche, l'institution financière exprime l'ambition de renforcer la confiance de ses clients, autant par le soin qu'elle apporte à optimiser la sécurité de ses opérations que par la capacité qu'elle cherche à développer en permanence de mieux répondre à leurs attentes, avec le maximum de réactivité, et même, dans la mesure du possible, en les anticipant et en leur apportant une réponse de manière proactive. Voilà une stratégie en parfait alignement avec les exigences des consommateurs de 2025.

mercredi 8 octobre 2025

Oracle veut-il réinventer le concept de progiciel ?

Oracle
Entre ses annonces de restructuration massive, en cours, et de l'introduction de l'intelligence artificielle « agentique » au cœur de ses offres infonuagiques, des analystes estiment qu'Oracle est peut-être en voie de réinventer radicalement la manière dont ses progiciels seront distribués et mis en œuvre chez ses clients dans un avenir proche.

Le point de départ des conjectures est une estimation – élaborée à partir d'une promesse précédente d'un plan de restructuration – à une dizaine de milliers le nombre de postes supprimés chez le géant du logiciel d'ici décembre (sur un total d'environ 160 000 salariés). Les observateurs s'accordent sur les fonctions qui seront visées par ces mesures : il devrait s'agir, en grande partie, des divisions en charge des évolutions des progiciels, laissant place à une stratégie centrée sur le « cloud » et l'IA.

Or ce segment de son catalogue est une importante source de profits – souvent qualifiée de vache à lait chez les éditeurs qui ont réussi à s'imposer – qu'aucune menace sérieuse ne justifierait de sacrifier à court ou moyen terme. L'hypothèse que formule donc Akshara Naik Lopez pour Forrester est que les personnes qui vont être licenciées le seraient parce que leur rôle est voué à la disparition pure et simple grâce à ce nouveau pilier de l'avenir rêvé de l'entreprise qu'est désormais l'intelligence artificielle.

Plus précisément, les évolutions, adaptations et autres personnalisations auxquelles procèdent les clients – notamment les grands groupes – afin d'ajuster les capacités des solutions qu'ils adoptent à leurs besoins précis pourraient ne plus requérir l'intervention de développeurs et d'intégrateurs (les partenaires d'Oracle risquent donc de souffrir particulièrement), puisque les progiciels embarqueraient maintenant des agents intelligents grâce auxquels chaque entreprise ajouterait ses propres variations.

Oracle AI World

Si une telle vision se concrétise, il ne faut qu'un soupçon d'imagination pour prédire une révolution dans l'univers du progiciel tel qu'on le connaît depuis sa naissance dans les années 90. Au lieu des produits finis relativement rigides auxquels nous sommes habitués, intégrant tout depuis le cœur de métier considéré jusqu'aux interfaces homme-machine, les fournisseurs livreraient un socle de services – servant de fondation – et une IA agentique permettant au client de gérer ses opérations à sa guise.

Le modèle prédominant du secteur s'en trouverait complètement renversé… et beaucoup plus conforme aux attentes et aux pratiques des utilisateurs. Alors que le principe théorique consistait initialement à proposer une solution unique conçue sur la base de processus supposés optimaux, qui devaient s'imposer aux entreprises avec le logiciel, ces dernières ont presque toujours dépensé des fortunes pour y introduire, à plus ou moins grande échelle, leurs spécificités. Avec la nouvelle génération envisagée, seules seraient offertes des fonctions élémentaires, que les équipes (internes ou externes) adapteraient alors à l'organisation existante, facilement, à moindre coût et avec une flexibilité extrême, par exemple pour des besoins temporaires.

mardi 7 octobre 2025

La bourse de Londres s'ouvre au crowdfunding

Crowdcube
Dans un contexte européen généralement difficile pour le financement des startups, la plate-forme d'investissement participatif Crowdcube multiplie les initiatives de diversification, en profitant des tendances qui affectent le marché. Dernière en date, sa collaboration avec la bourse de Londres en vue d'accéder à ses enchères de titres privés.

Le baromètre français du « crowdfunding » l'illustrait encore récemment, et la situation n'est guère meilleure dans les autres pays du continent, les spécialistes de l'investissement en capital peinent à progresser, voire perdent du terrain, en raison d'une contraction de l'offre qui reflète, à mon avis, autant une frilosité des levées de fonds qu'un ralentissement de l'innovation et de l'entrepreneuriat. Pour un leader tel que Crowdcube, la conjoncture crée cependant d'autres opportunités de croissance.

Une de ses premières réactions à la morosité ambiante consistait, en 2023, à mettre en place un marché secondaire, afin de procurer une perspective de liquidité à ses utilisateurs, en leur permettant de revendre leurs parts sans devoir attendre une sortie – acquisition ou introduction en bourse – qui est désormais de plus en plus tardive dans la vie des jeunes pousses. L'objectif était évidemment d'écarter un des principaux freins pour les investisseurs au blocage de leur argent dans une levée de fonds précoce.

Dernièrement (au début de septembre), Crowdcube a continué à s'adapter à l'évolution de son environnement, avec le lancement d'une offre centrée sur une sélection de tours de financement avancés, c'est-à-dire ceux des entreprises qui ont atteint une certaine maturité. Cette ouverture répond justement au besoin des structures concernées de continuer à s'appuyer sur des capitaux privés, en remettant à une échéance plus lointaine (et plus propice) la possibilité d'une cession ou d'une entrée en bourse.

Crowdcube x LSEG

L'accord conclu avec LSEG, l'opérateur, entre autres, du marché londonien, arrive maintenant comme une sorte de point de convergence de ces ajouts successifs. Sur le papier, il s'agit d'abord de proposer aux clients de la solution de « crowdfunding » d'accéder aux transactions secondaires organisées par la bourse, sous forme de mises aux enchères ponctuelles (et non en continu, comme pour les actions « publiques »), pour une autre manière de contribuer au développement de sociétés plus mûres.

D'autre part, il met en lumière auprès des entreprises qui ont recouru à Crowdcube pour leurs recherches de fonds initiales une alternative – ou un complément – à l'option équivalente de la plate-forme pour leurs besoins ultérieurs, avec une visibilité démultipliée. Grâce à la relation spéciale entre les deux acteurs, les investisseurs de la première heure resteront partie prenante des opérations touchant leur portefeuille, que ce soit pour prendre leurs bénéfices ou pour renforcer leur participation.

La démarche du leader britannique pourrait peut-être servir d'inspiration à ses alter ego dans l'hexagone, dont la part marginale dans le financement des startups est un facteur aggravant des difficultés que rencontrent les entrepreneurs dans notre pays. Nos concitoyens étant particulièrement sensibles aux risques, à défaut de pouvoir les rassurer sur la menace de perte de capital, la mise en place de facilités garantissant un minimum de liquidité sur les engagements porterait une promesse bienvenue.

lundi 6 octobre 2025

L'UE promeut l'éducation financière

Commission Européenne
L'Union Européenne, généralement par la voix de la Commission, se montre de plus en plus soucieuse de l'éducation financière des citoyens. Cependant, si ses précédentes initiatives portaient une ambition purement pédagogique, elle change désormais de perspective et sa nouvelle stratégie poursuit un objectif résolument opérationnel.

Bien que la communication continue à évoquer la nécessité pour les européens – dont les connaissances en matière de pilotage de leur argent sont singulièrement insuffisantes – d'apprendre à créer et respecter un budget, à éviter les escroqueries et autres fraudes, à reprendre la main sur leur avenir… grâce à une formation adaptée, l'articulation des annonces de la semaine passée signale que la priorité porte aujourd'hui sur une meilleure maîtrise de l'épargne et de l'investissement individuels.

Pourquoi cette préoccupation ? Dun côté, il s'agit, à travers une démarche de décryptage et d'explications rationnelles, d'encourager l'immense majorité de personnes qui se contentent de produits simples, sans risques, et, a contrario, se défient de la bourse et des instruments plus complexes de franchir le pas de l'investissement, pour une meilleure planification de leurs projets d'avenir. Et, en parallèle, les législateurs aimeraient que ces efforts contribuent à dynamiser le financement de l'économie.

Ce dernier point est évidemment crucial pour le vieux continent. Par rapport à ses « concurrents », il est en effet dans une situation de déficit catastrophique de capitaux à engager dans les entreprises de croissance, ce qui constitue un des principaux facteurs de la faible compétitivité de l'Europe en termes de création de startups – de la technologie ou non, d'ailleurs – susceptibles de devenir de futurs géants mondiaux. Et le phénomène s'amplifie quand les pépites qui parviennent malgré tout à émerger ne trouvent rapidement à financer leur expansion qu'auprès de fonds étrangers.

Savings and Investment Union

Quelles sont donc les mesures proposées par nos chers décideurs ? Sur le volet de la littératie, d'abord, elles s'organisent autour de quatre piliers : la coordination et le partage de bonnes pratiques entre les états membres, une campagne d'information et de sensibilisation orchestrée par la Commission elle-même, une incitation au lancement et une contribution au financement de projets éducatifs par les gouvernements locaux, le suivi des progrès et la mesure des impacts, à l'échelle européenne.

Dans le second registre, surgit une notion transnationale de Compte d'Épargne et d'Investissement (SIA pour l'acronyme en anglais), destinée, en marge de leur éducation, à simplifier l'accès des citoyens aux opportunités de l'investissement. L'ébauche qui en est faite, alors que des implémentations existantes sont citées en exemple, en établit quelques principes génériques : diversité de fournisseurs (agréés), facilité de souscription, flexibilité, ouverture à des produits variés, avantages fiscaux…

Ainsi, comme d'habitude, la Commission se contente, sur les deux domaines, de recommandations relativement vagues, en laissant aux états le soin de décliner sa vision selon leur propre compréhension et sans nécessairement s'attacher à la cohérence avec ses voisins. Elle promet bien un accompagnement et une évaluation des résultats… mais elle ne sait probablement pas définir clairement ce qu'elle veut mesurer (en tous cas, elle ne l'explicite pas). La culture financière des européens risque hélas de ne pas progresser fortement avec ce qui se résume à des vœux pieux.

dimanche 5 octobre 2025

Une boîte à idées pour l'IA

Academy Bank
Afin de dynamiser sa recherche d'applications utiles de l'intelligence artificielle dans l'ensemble de ses activités, une petite banque américaine a déployé une plate-forme sur laquelle ses employés sont invités à partager leurs idées. Que penser de cette résurrection de l'innovation participative autour d'une technologie à la mode ?

L'« Idea Exchange » a été mis en place en 2022 par Academy Bank et aurait depuis permis de collecter quelques 120 propositions de la part des salariés, dont une bonne partie ont été implémentées. Le nombre relativement modeste est probablement dû à une exigence de non seulement décrire la solution envisagée mais également d'argumenter et de défendre sa valeur potentielle. L'objectif est bien entendu de garantir une qualité minimale et d'éviter une prolifération synonyme de dispersion d'énergie.

La justification traditionnelle de l'appel aux collaborateurs pour la production d'innovation repose sur un postulat simple et rationnel : ce sont ceux qui travaillent au cœur des opérations qui sont les plus à même de connaître leurs faiblesses et d'imaginer les moyens de les améliorer. La popularité des outils d'IA et leur propagation dans le quotidien des citoyens, qui leur procure une compréhension concrète de leurs capacités, rend la déclinaison du principe sur ce thème spécifique d'autant plus pertinente.

Dans une certaine mesure, et selon la politique de la banque vis-à-vis de l'accès aux ChatGPT de l'internet public, il ne faut pas exclure que la boîte à idées soit même née de l'observation des pratiques et des usages spontanés des employés, un peu comme ils furent (douloureusement) vécus à l'époque (lointaine) de l'arrivée d'Excel sur les postes de travail. La démarche viserait alors à capitaliser sur la créativité de quelques-uns au service de l'ensemble de l'entreprise, dans un cadre organisé et contrôlé.

Academy Bank – Banking from Your Point of View

Un tel retour en grâce de l'innovation participative a-t-il une chance de générer un avantage majeur pour Academy Bank ? Avant de répondre, il faut commencer par rappeler que le concept est principalement destiné à stimuler l'émergence d'améliorations incrémentales – plus que de transformations radicales – puisqu'il repose sur la réflexion de personnes immergées dans leurs tâches habituelles, par nature peu susceptibles de réinventer leur environnement et leur expérience existants.

Je pense que cette caractéristique est justement la raison pour laquelle l'innovation participative a plus ou moins disparu dans les grands groupes, après un engouement contagieux dans les années 2010 : le rapport coût-bénéfice s'avérait insuffisant. Les efforts nécessaires à la gestion de ces programmes (entre autres sur l'évaluation des soumissions et les tentatives de généralisation), combinés à la lassitude rapide des participants, étaient difficiles à défendre face à des résultats peu mesurables.

Le déséquilibre de l'équation économique risque de s'aggraver avec l'intelligence artificielle, dont on sait qu'elle est onéreuse à la mise en œuvre comme dans son exploitation. Le choix délibéré d'orienter les solutions attendues sur la technologie constitue en outre un facteur de déperdition : la valeur de chaque proposition doit être relativisée par rapport à l'hypothèse de recours à l'IA, à la fois du point de vue de son retour sur investissement et de celui de sa performance par rapport à d'autres options.

Comme toujours, je suis extrêmement sceptique sur une approche qui interroge l'application d'une solution technique avant d'identifier le problème à résoudre. La seule manière dont Academy Bank peut éviter le syndrome du clou et du marteau consisterait à analyser les propositions de ses salariés sous l'angle des faiblesses à corriger (et à explorer ensuite la meilleure solution, qui ne sera pas nécessairement l'IA). Mais, dans cette perspective, elle ferait mieux d'ouvrir une « boîte à douleurs ».