La publication par Monzo d'une réactualisation de ses « principes d'ingénierie », dont la première itération datait de 2018, nous offre une occasion d'étudier une démarche qui est non seulement originale (je n'ai jamais vu d'équivalent dans mes diverses expériences) mais également beaucoup plus ambitieuse que son titre ne le laisse croire.
En effet, il n'est définitivement pas question d'un simple jeu de recommandations destinées à améliorer la productivité des équipes informatiques. Certes, une partie des propositions visent explicitement à fiabiliser au maximum les processus de développement, sur la base d'une (vraie) philosophie agile. Mais les fondations de la culture d'entreprise sont tout aussi importantes, avec un accent particulier placé sur l'initiative et la responsabilité personnelles dans un contexte collaboratif.
Dans le premier domaine, les orientations données se veulent surtout pragmatiques, sans s'encombrer de dogmes ni de rituels (qui peuvent avoir leur place, mais à un niveau opérationnel moins critique). Privilégier les petits changements fréquents, faciles à valider… et à annuler en cas de problème. Considérer le rapport effort vs. impact plutôt que de viser la perfection. Investir dans les moyens d'accélérer l'organisation, par exemple avec des automatisations tactiques. Toujours penser aux tests en amont…
Dans le même registre, une série de préceptes prennent déjà un recul stratégique sur la manière de bâtir le système d'information. Comment penser générique (un impératif) sans s'enfermer dans une approche théorique exorbitante ? Il faut faire la différence entre préparer pour l'avenir et intégrer immédiatement toutes les options imaginables. Concevoir des systèmes impossibles à mal utiliser (par erreur ou par malveillance). Anticiper comment on reviendra sur une décision si elle s'avérait mal avisée…
Puis viennent les préconisations d'ordre comportemental, qui reflètent profondément les valeurs internes de Monzo. Aider les autres lorsqu'ils sont bloqués sur une difficulté constitue une utilisation bénéfique du temps de travail. En miroir, assumer pleinement les problèmes identifiés dans son propre périmètre, jusqu'à leur résolution, y compris s'il faut sortir de ses prérogatives habituelles. Ne jamais hésiter à améliorer l'existant dès qu'une faiblesse est détectée, même si elle n'entre pas directement dans le rôle ou le domaine assigné. Ne jamais oublier les humains qui passeront derrière soi et devront être en mesure de lire, comprendre et réparer le code écrit…
La démarche de Monzo devrait inspirer d'autres entreprises, entre autres celles du secteur financier, où les équipes informatiques exercent une mission vitale pour leur fonctionnement. Ses principes peuvent paraître relever du seul bon sens et, à ce titre, superflus. Il n'en est rien : les pratiques individualistes (et parfois compétitives), notamment, sont en général une norme implicite. Rappeler ce qui est autorisé (en fait, recommandé) est donc indispensable, ne serait-ce que pour éviter des frictions.