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C'est pas mon idée !

dimanche 30 mars 2025

Les principes d'ingénierie ++ de Monzo

Monzo
La publication par Monzo d'une réactualisation de ses « principes d'ingénierie », dont la première itération datait de 2018, nous offre une occasion d'étudier une démarche qui est non seulement originale (je n'ai jamais vu d'équivalent dans mes diverses expériences) mais également beaucoup plus ambitieuse que son titre ne le laisse croire.

En effet, il n'est définitivement pas question d'un simple jeu de recommandations destinées à améliorer la productivité des équipes informatiques. Certes, une partie des propositions visent explicitement à fiabiliser au maximum les processus de développement, sur la base d'une (vraie) philosophie agile. Mais les fondations de la culture d'entreprise sont tout aussi importantes, avec un accent particulier placé sur l'initiative et la responsabilité personnelles dans un contexte collaboratif.

Dans le premier domaine, les orientations données se veulent surtout pragmatiques, sans s'encombrer de dogmes ni de rituels (qui peuvent avoir leur place, mais à un niveau opérationnel moins critique). Privilégier les petits changements fréquents, faciles à valider… et à annuler en cas de problème. Considérer le rapport effort vs. impact plutôt que de viser la perfection. Investir dans les moyens d'accélérer l'organisation, par exemple avec des automatisations tactiques. Toujours penser aux tests en amont…

Dans le même registre, une série de préceptes prennent déjà un recul stratégique sur la manière de bâtir le système d'information. Comment penser générique (un impératif) sans s'enfermer dans une approche théorique exorbitante ? Il faut faire la différence entre préparer pour l'avenir et intégrer immédiatement toutes les options imaginables. Concevoir des systèmes impossibles à mal utiliser (par erreur ou par malveillance). Anticiper comment on reviendra sur une décision si elle s'avérait mal avisée…

Monzo Engineering Principles

Puis viennent les préconisations d'ordre comportemental, qui reflètent profondément les valeurs internes de Monzo. Aider les autres lorsqu'ils sont bloqués sur une difficulté constitue une utilisation bénéfique du temps de travail. En miroir, assumer pleinement les problèmes identifiés dans son propre périmètre, jusqu'à leur résolution, y compris s'il faut sortir de ses prérogatives habituelles. Ne jamais hésiter à améliorer l'existant dès qu'une faiblesse est détectée, même si elle n'entre pas directement dans le rôle ou le domaine assigné. Ne jamais oublier les humains qui passeront derrière soi et devront être en mesure de lire, comprendre et réparer le code écrit…

La démarche de Monzo devrait inspirer d'autres entreprises, entre autres celles du secteur financier, où les équipes informatiques exercent une mission vitale pour leur fonctionnement. Ses principes peuvent paraître relever du seul bon sens et, à ce titre, superflus. Il n'en est rien : les pratiques individualistes (et parfois compétitives), notamment, sont en général une norme implicite. Rappeler ce qui est autorisé (en fait, recommandé) est donc indispensable, ne serait-ce que pour éviter des frictions.

samedi 29 mars 2025

Quatre mythes de la productivité selon Gartner

Gartner
Ces temps-ci, dans la plupart des entreprises, l'innovation n'est plus à l'ordre du jour et les perspectives de développement reposent donc en priorité sur l'optimisation de l'efficacité opérationnelle. On pourrait croire que la productivité des employés, qui en est un pilier, est désormais bien appréhendée. Mais Gartner n'en semble pas si convaincu.

Ses analystes observent ainsi – et dénoncent – quatre mythes dans le domaine, certains d'entre eux anciens (hélas persistants) et d'autres plus récents (en lien avec quelques tendances émergentes), tous largement répandus, qui entraînent des erreurs d'appréciation majeures et contrarient de la sorte les velléités d'amélioration.

Je ne m'étendrai pas sur le premier, qui porte sur l'implication même des départements des ressources humaines dans le pilotage de la productivité : leur position en retrait, en considérant qu'elle est du ressort des directions opérationnelles, néglige l'importance d'une approche stratégique du sujet, à l'échelle de l'organisation dans son ensemble, à commencer, a minima, par l'évaluation des opportunités d'action transverse.

Vient ensuite la croyance chez nombre de dirigeants en la supériorité de la présence sur site, par opposition aux aménagements relatifs au télétravail, consentis surtout depuis la crise sanitaire. Les études menées par Gartner réfutent cette hypothèse sans équivoque : une d'elles, en particulier, montre une répartition identique dans les deux catégories des collaborateurs les plus performants. Le partage d'une culture commune constitue le principal facteur de différenciation, pas la localisation des équipes.

Dans le registre de l'outillage, la sur-dépendance aux mesures et aux contrôles introduit un danger sournois. Les solutions techniques disponibles de nos jours laissent aisément croire que la productivité est parfaitement quantifiable et que les indicateurs dont elles accouchent suffisent à déterminer où se trouve le potentiel de progrès. En réalité, il n'en est rien et des gisements entiers risquent d'être ignorés par ces méthodes, qui, par exemple, sous-estiment, voire masquent, les activités non « digitales ».

Dernière coupable, enfin, de ce florilège, l'intelligence artificielle et l'illusion, soutenue par un marketing mensonger, qu'elle accroît automatiquement, comme par magie, la performance des travailleurs de la connaissance… alors que, selon l'évaluation de Gartner, ce n'est le cas que pour 1 sur 12 ! Sont en cause les manques de formation, les défauts de cohérence et d'efficacité dans les usages… auxquels j'ajouterai l'inadaptation fréquente des plates-formes mises en place aux ambitions qui leur sont assignées.

En résumé, les efforts des entreprises autour de la productivité de leurs effectifs s'exposent à de graves erreurs s'ils ne sont pas précédés par une analyse rationnelle et exhaustive des critères qui la conditionnent – le problème étant que leur sélection est souvent confiée à des personnes qui ne possèdent qu'une vision partielle – et par la mise en place de moyens d'action dont l'impact sur les faiblesses identifiées est avéré – et non en cédant à une mode ou aux promesses d'un fournisseur en vue.

Gartner for HR

vendredi 28 mars 2025

Qonto intègre un agent de collecte de factures

Qonto
En préambule à la déferlante attendue avec la prochaine génération d'applications de l'intelligence artificielle, Qonto fournit dès maintenant à ses clients l'agent de la jeune pousse hexagonale Twin, sur lequel ils pourront compter pour automatiser et accélérer la récupération des factures à rapprocher de leurs transactions bancaires.

Dans les petites et moyennes entreprises que cible la néo-banque, la charge administrative qu'engendre la collecte des justificatifs sur les dépenses courantes se compte en heures chaque mois, qui seraient certainement mieux employées à d'autres tâches. C'est pourquoi l'intégration dans sa plate-forme d'un outil capable de les en libérer (en grande partie) représente un enjeu important, d'autant plus qu'elle vise depuis longtemps à étendre son rôle dans des domaines périphériques à son métier de base.

La solution de Twin répond idéalement à ce besoin. Reposant sur le moteur dédié CUA d'OpenAI, Invoice Operator simule les interactions avec les sites web de n'importe quel fournisseur, en apprenant de manière autonome à naviguer vers les factures correspondant aux opérations qui ne possèdent pas de document associé dans l’historique des comptes. En dehors d'éventuelles anomalies, la seule intervention humaine consiste (évidemment) à s'authentifier quand le parcours l'impose.

L'approche n'a pas d'équivalent à ce jour. La mise à disposition d'API offrant un accès programmatique aux éléments désirés, de préférence dans un format universel, serait évidemment idéale mais elle ne concerne à ce jour qu'une infime minorité de facturiers. Une autre option passerait par des robots de type RPA… qui présentent toutefois le lourd inconvénient de devoir être entraînés (et actualisés lors de tout changement majeur) spécifiquement pour chaque service susceptible d'héberger des factures.

Qonto Invoice Operator

À ce stade, les résultats paraissent prometteurs mais laissent entrevoir une marge de progrès possible. D'abord, le taux de réussite, à 84%, risque de créer quelques frustrations sur les 16% d'échecs, qui constituent toujours le point d'accroche de l'expérience client. D'autre part, les coûts évoqués, de l'ordre de 3 cents par étape de traitement, semblent énormes, autant du point de vue financier que de celui, sous-jacent, de la consommation énergétique et de l'empreinte environnementale.

Derrière ces considérations, se pose inévitablement la question de la pertinence de recourir à des technologies aussi gourmandes, pour des gains certes intéressants mais finalement peu critiques. Dans le cas d'espèce, les travaux en cours, notamment réglementaires, autour de la facturation électronique pourraient en outre apporter une réponse beaucoup plus pertinente. Il restera tout de même de cette initiative de Qonto et Twin une démonstration d'un usage concret et utile des agents IA qui ne sera probablement que le premier d'une longue liste, dont il faut espérer que les suivants profiteront d'une amélioration sensible de leur efficacité et de leur performance.

jeudi 27 mars 2025

Sumsub lance l'identité réutilisable

Sumsub
Aujourd'hui, l'acquisition et le contrôle en ligne de l'identité des personnes sont devenus un standard des services numériques… mais le parcours qui les supporte n'en reste pas moins lourd et sa répétition au travers des relations avec différents fournisseurs peut finir par décourager. Voilà pourquoi Sumsub propose leur réutilisation.

Le mode opératoire est désormais entré dans les mœurs : la capture des documents et autres justificatifs via l'appareil photo du téléphone, la vérification de l'origine de la demande à travers une séquence vidéo… Quand la requête est occasionnelle et que tout se passe bien, il n'y a rien à redire. En revanche, quand il faut plusieurs tentatives pour, par exemple, faire reconnaître une carte d'identité et que les demandes similaires se succèdent, entre autres avec toutes les parties prenantes d'un acte important (achat immobilier, création d'entreprise…), la frustration s'accentue… avec l'insatisfaction.

L’immense majorité des entreprises, du secteur financier ou non, qui requièrent une connaissance approfondie de leurs clients, souvent pour des raisons réglementaires, s’appuient sur une poignée de spécialistes afin de prendre en charge ces procédures. Pour un leader tel que Sumsub, la situation l’amène ainsi à constater qu’une personne sur trois accédant à sa plate-forme y était déjà passée précédemment, pour une démarche auprès de l’une ou l’autre des quelques 4 000 organisations qu’elle sert.

Le réflexe logique qu’adopte alors le prestataire consiste à conserver les informations transmises lors d’un premier contact et les réutiliser, dans la mesure où elles sont encore valides, plutôt que de les réclamer à nouveau. Seule l’étape de comparaison, par vidéo, de l’individu connecté avec le propriétaire de l’identité soumise reste nécessaire, de manière à débusquer les tentatives d’usurpation. À la clé, Sumsub promet un gain de temps de 50% sur le parcours et un taux de conversion amélioré de 30%, en moyenne.

Sumsub Reusable Identity

Le dernier obstacle à surmonter tient au consentement de l’intéressé, concernant le stockage de données personnelles sensibles. Deux mécanismes complémentaires sont donc mis en œuvre afin de maximiser les adhésions. L’un s’adresse directement aux particuliers, qui peuvent dans ce cas choisir de confier leur identité à Sumsub, sans intermédiaire. Le second repose sur l’acceptation par les clients du service de solliciter l’autorisation souhaitée dans le contexte de leurs opérations de contrôle.

L'initiative met en évidence une des nombreuses lacunes de la gestion d'identité à l'ère « digitale » et la réponse qu'elle apporte convaincra certainement bon nombre d'acteurs d'y souscrire dans le but de simplifier autant que possible la vie de leurs utilisateurs. Cependant, en prenant un peu de recul, il apparaît clairement que la vraie solution réside dans la création d'un équivalent nativement numérique aux documents physiques qui sont toujours les seuls reconnus officiellement en 2025. Il serait temps que les projets en la matière accélèrent et produisent enfin des résultats concrets.

mercredi 26 mars 2025

Cetelem élargit le champ sur l'achat automobile

Cetelem
Alors que la vague des portails de vente en ligne – entre autres de véhicules – déployés par des banques semble se calmer, BNP Paribas Personal Finance expérimente une autre approche de l'intégration de services périphériques à ses métiers, en prenant une perspective orientée vers le coût total de possession qui paraît plus légitime.

Dans une première phase, de test, le portail « AutoCheck by Cetelem » est mis à la disposition des portugais désireux d'acquérir une voiture d'occasion. Son principe consiste à accompagner le traditionnel simulateur de crédit – qui représente évidemment le cœur d'activité de l'entreprise – d'un aperçu des autres charges qui pèseront sur le futur propriétaire. L'ambition est de donner aux consommateurs les éléments financiers les plus complets possibles afin qu'ils puissent effectuer un choix éclairé.

Concrètement, le visiteur sélectionne le modèle qu'il envisage d'acheter dans la liste proposée, pour information ou pour comparaison. Outre les frais d'immatriculation et autres taxes (sur le niveau d'émissions de CO2, notamment), ainsi que les dépenses de combustible, une estimation (sommaire) de la prime d'assurance est prise en compte, qui peut être affinée. L'ensemble lui donne un aperçu rapide (et approximatif) du montant à débourser initialement et du budget mensuel, avant de passer à l'acte.

Mais la section la plus originale, logiquement mise en avant, porte sur la fiabilité du véhicule considéré. Grâce aux données collectées par une autre filiale du groupe BNP Paribas, Icare, assureur dédié aux contrats d'entretien et aux garanties contre les pannes mécaniques, AutoCheck fournit, quand elles sont pertinentes, des données sur les frais d'entretien, alors inclus dans la vue précédente, la fréquence et le coût moyen de réparation, qui donnent une idée des charges exceptionnelles prévisibles.

Autocheck by Cetelem

Précisons ici que l'outil est aujourd'hui dans ce que je suppose être un état de MVP (produit minimum viable). À ce titre, une grande partie des fonctions qu'il embarque ne sont visiblement pas finalisées et des évolutions futures pourraient le rendre plus convivial et efficace : un récapitulatif des coûts avec financement ou encore, plutôt que d'en demander la saisie, un pré-remplissage de la valeur de la voiture sur le marché de l'occasion, un calculateur de la consommation de carburant selon le kilométrage…

L'initiative de BNP Paribas Personal Finance marque peut-être (j'espère !) une progression bienvenue de la maturité de l'industrie dans son approche des services extra-bancaires. Au lieu de tenter de s'emparer des parcours dans lesquels elle intervient – où elle n'est pas perçue comme légitime par ses clients, qui n'adhèreront donc pas –, la prise de recul sur les impacts financiers d'un acte auquel elle participe correspond plus à son ADN et répond à un réel besoin… pour l'instant mal couvert.

mardi 25 mars 2025

Curve privilégie l'humain contre l'IA

Curve
À rebours d'une tendance générale qui voit, par exemple, Stripe remplacer à tour de bras ses effectifs par l'intelligence artificielle, la britannique Curve prévoit d'investir une partie des 37 millions de livres qu'elle vient de lever dans une campagne de recrutement, qui reflète sa lucidité vis-à-vis des vrais défis à relever dans le secteur financier.

Naturellement, nous parlons ici d'une FinTech dont le modèle de relation est « digital » et il n'est donc pas question pour elle de basculer vers une logique d'interactions face à face. Non, les employés humains dont elle a le plus besoin, auxquels aucune IA ne peut se substituer à ce jour, sont les spécialistes de l'expérience client. Ce sont justement ceux qui feront des applications web et mobile une référence, surpassant ce que proposent notamment les établissements traditionnels avec leurs conseillers.

Curve ne se défie pas spécialement de l'intelligence artificielle mais elle la considère pour ce qu'elle est : un outil. Quand celui-ci est performant, par exemple pour des optimisations de l'efficacité opérationnelle, elle n'hésite pas à y recourir. En revanche, quand il ne donne des résultats (modestes, de surcroît) qu'au prix d'un impact sur le ressenti des clients (comme elle a pu le constater dans ses expérimentations au niveau du support), elle préfère s'en tenir aux méthodes classiques (avec des téléconseillers).

Une telle position est non seulement rationnelle par rapport à n'importe quelle technologie émergente, elle est également – et surtout – cohérente avec les priorités sur lesquelles devrait se focaliser l'industrie financière. En effet, il ne sert à rien de développer des mécanismes extrêmement sophistiqués pour aider les personnes à gérer leur argent tant que la présentation et la « mise en scène » des services qui leur sont offerts génèrent des frictions, des frustrations, voire des réactions de rejet.

Curve – Your Global Wallet

Pour Curve, qui poursuit sa vision d'un porte-monnaie virtuel universel (qu'elle continue à enrichir, entre autres en préparant une intégration directe de l'interface sans contact des smartphones, en alternative à Apple Pay ou Google Pay), la démarche est critique afin de maintenir son avance sur des acteurs qui se positionnent en concurrents sur au moins une partie de ses fonctions (programmes de récompenses, frais réduits sur les transactions à l'étranger, changement a posteriori de la source de financement…).

L'initiative me procure une occasion de rappeler que, historiquement, la FinTech, loin de représenter un mouvement d'introduction forcenée de technologie dans la banque (comme on le voit actuellement avec l'IA), portait d'abord l'ambition d'exploiter la technologie dans le but de rendre la banque plus proche des besoins des clients (la position qu'adopte Curve). Celle-ci se concentre depuis toujours sur le même maillon faible de l'expérience utilisateur, où les marges de progrès restent considérables.

lundi 24 mars 2025

Un bouton « panique » chez Westpac

Westpac
Face à la déferlante de fraude sur les comptes bancaires, apparemment irrépressible, l'australienne Westpac rejoint la liste grandissante des établissements qui proposent une sorte de coupe-circuit à leurs clients (dont OCBC, à Singapour, figurait parmi les pionnières). Au risque de perturber gravement leur vie quotidienne.

Les modalités retenues correspondent à ce qui devient une norme de fait. Quand le consommateur craint d'avoir été victime d'une arnaque menaçant la sécurité de son argent et de ses moyens de paiement, il lui suffira d'activer, en quelques gestes, l'option « SafeBlock » qui fera bientôt son apparition dans son application mobile ou web. Dès lors, toutes les transactions seront bloquées : transferts, paiements par carte, retraits d'espèces… seuls les prélèvements déjà autorisés et les virements récurrents ou entrants resteront opérationnels… afin de limiter les désagréments (sic).

Le principe semble sain et légitime, notamment en regard des méthodes auxquelles ont recours les escrocs, en installant un sentiment d'urgence auprès de leur cible, qui est encouragée à agir sans réfléchir, dans la précipitation, mais qui est susceptible de reprendre ses esprits rapidement. Hélas, sa mise en œuvre par Westpac souffre d'un important défaut, à tout le moins dans la communication qu'elle en fait pour l'instant.

En effet, il n'est pas fait mention des conditions de restauration des services, une fois le danger écarté. Comment se déroule le déverrouillage ? Combien de temps prend-il ? Dans le monde moderne, il est difficile de se passer de ses outils de paiement plus de quelques heures, surtout sans préparation, et il paraît donc indispensable de rassurer les futurs déclencheurs d'alerte sur ces aspects, sinon il se défieront du système.

Westpac SafeBlock

En réalité, j'estime que la démarche de Westpac (et de ses prédécesseurs sur le même terrain) est incomplète, dans ce sens qu'elle permet à la banque de limiter les dégâts occasionnés à ses clients, donc sa responsabilité potentielle, mais qu'elle n'est pas entièrement pensée pour le besoin de ces derniers. Pour en faire une solution optimale, je suggèrerais de fournir au moins un instrument de paiement de secours, totalement indépendant des comptes présumés exposés, simultanément au blocage.

En résumé, l'industrie donne l'impression de mettre en place beaucoup d'initiatives de défense essentiellement tactiques contre la fraude et, à de très rares exceptions près, elles engendrent des frustrations plus ou moins lourdes chez leurs clients. Ces demi-mesures risquent ainsi de miner leur confiance et, en conséquence, de les rendre contre-productives. S'il s'avère impossible d'éradiquer le problème à la source, il faut impérativement se préoccuper de limiter l'impact des protections déployées.

dimanche 23 mars 2025

Nationwide décrypte la banque

Nationwide
Dans le prolongement de ses précédents efforts destinés à rendre sa communication aux clients plus claire et plus compréhensible, la britannique Nationwide s'associe à une association spécialisée, Mencap, pour la création d'une série de guides « Easy Read », expliquant quelques concepts essentiels dans une langue accessible.

Il y eut d'abord ce programme de formation des conseillers afin de les aider à s'adresser à tous ceux, si nombreux, qui peinent à comprendre les mathématiques de la finance. Puis ce sont les personnes rencontrant des difficultés de communication orale qui ont bénéficié d'un système de cartes illustrées leur facilitant le dialogue avec les employés (entraînés) de l'établissement. Aujourd'hui, une nouvelle cible défavorisée est donc prise en compte, à savoir la population possédant des lacunes d'apprentissage.

Derrière cet euphémisme, il s'agit concrètement des individus en situation d'illettrisme, que les statistiques évaluent à environ 1,5 million au Royaume-Uni (soit à peu près autant qu'en France). Comme avec les précédentes initiatives, l'objectif visé consiste à leur offrir un mode d'interaction adapté, qui leur permette de profiter des services de la banque en toute connaissance de cause, malgré le handicap dont ils souffrent, celui-ci dressant un obstacle insurmontable face à l'usage (courant) de termes complexes.

Le dispositif qui leur est proposé prend la forme de fiches thématiques, à télécharger ou à faire imprimer à la demande en agence (les équipes ayant été préalablement sensibilisées). Elles ont la particularité d'être très didactiques, recourant à un vocabulaire élémentaire, des phrases courtes, à la voix active… Les sujets abordés, pour l'instant (?), touchent à des aspects critiques de la relation avec la banque et/ou l'argent : les escroqueries, la clôture d'un compte, la perte ou le vol de carte…

Nationwide Easy Read

Bien que la démarche soit conçue explicitement pour un segment spécifique de clients, elle pourrait certainement en intéresser une proportion beaucoup plus vaste, qui n'a pas de problème particulier d'éducation mais qui n'en est pas moins confuse ou, a minima, hésitante, voire méfiante, vis-à-vis d'expressions peu familières. Tout l'enjeu de la communication réside, pour les institutions financières, dans l'identification de ce qui constitue du jargon pour un quidam, quand bien même il serait question de mots du quotidien dans leur métier, qu'elles considèrent à ce titre comme basiques.

Dans un autre registre, je ne suis pas totalement convaincu par le choix (exclusif) d'une publication de fiches textuelles. D'une part, il me semble que le principal moyen d'atteindre le but recherché passerait par le premier support de la relation bancaire, les applications web et mobile. Ce sont elles qui devraient faire en priorité l'objet des efforts de clarification des contenus. D'autre part, dans le monde multimédia contemporain, ne serait-il pas approprié de développer au moins un équivalent des guides en vidéo ?

samedi 22 mars 2025

Assurance et IA : l'exemple de Generali

Generali
Sacrifiant à un exercice apparemment obligé dans les grands groupes, Generali France tente de démontrer sa maturité technologique à travers 5 exemples de mise en œuvre de l'intelligence artificielle (et de robotisation, qu'elle englobe dans le même écosystème). Et finit par mettre en évidence les déficiences qu'elle essaie de colmater.

Bien sûr, la démarche annonce la couleur dès la présentation de ses missions : il est question de l'excellence opérationnelle et de la qualité de service inscrites dans le nouveau plan stratégique « Boost 27 » de l'assureur. Sa matérialisation dans un centre d'excellence dédié à la fois à l'IA et à l'automatisation (c'est-à-dire, pour l'essentiel, le recours à la robotisation des processus, RPA) enfonce le clou et rend ses objectifs prioritaires plus explicites : il s'agit d'éliminer les frictions et défauts existants.

Prenons, pour commencer, deux initiatives touchant directement les assurés : un serveur vocal interactif en langage naturel, propulsé (évidemment) à l'intelligence artificielle générative, et un outil de routage et pré-traitement des courriels et courriers. Leur point commun ? Face à un problème universel, des solutions de ce genre sont déployées depuis au moins vingt ans, avec plus ou moins de succès. L'idée est donc ici de capitaliser sur le top de la technologie pour, enfin, obtenir un résultat probant.

Las, seulement 30% des demandes formulées par les clients au centre d'appel sont résolues directement, sans intervention d'un conseiller. Ce qui revient à dire que plus de deux requêtes sur trois passent par une étape qui fait perdre du temps à la personne… afin d'améliorer les statistiques des délais de réponse ! Quant à l'analyse de texte dans les communications écrites, je crois que des méthodes traditionnelles ont depuis longtemps fait leurs preuves, sans s'inquiéter d'IA (sauf pour le marketing).

Je passerai rapidement sur le robot de prise en charge des sinistres, qui, comme toujours avec le pseudo-miracle des RPA, revient à mettre en place un sparadrap sur une insuffisance majeure de l'entreprise, à savoir son incapacité, après environ un demi-siècle d'informatisation effrénée (et extrêmement coûteuse), à développer un système d'information flexible et cohérent grâce auquel il devient possible de définir et implémenter des parcours client de bout en bout, fluides et sans ruptures.

Vient ensuite l'agent conversationnel de La Médicale, destiné, sans surprise, à ses propres collaborateurs. Dans ce cas, le syndrome est assez similaire au précédent : c'est très clairement la diversité et la disparité des sources d'information (documentation de produits, supports de formation, guides de souscription…) et des logiciels mis entre les mains des employés qui imposent de proposer un assistant virtuel capable de naviguer dans un corpus hors de contrôle… et sans aucun espoir d'amélioration.

La dernière application citée, enfin, possède au moins le mérite de l'originalité puisqu'elle consiste en une exploration des réseaux relationnels des assurés, dans un but de lutte contre la déshérence des contrats (devenue une obligation réglementaire… qui a probablement son rôle dans le projet). Pourtant, l'intelligence artificielle est-elle vraiment indispensable pour un tel usage ou bien peut-on se satisfaire d'analyse de données traditionnelle, la difficulté résidant surtout dans la localisation des référentiels ?

En résumé, Generali – comme la plupart de ses consœurs dans le secteur de l'assurance – compte sur l'IA non pour transformer ses métiers, concevoir de nouveaux produits, s'adapter aux révolutions en cours, offrir des services à valeur ajoutée à ses clients… mais avant tout dans l'optique de combler les faiblesses accumulées au fil des années, tant au niveau organisationnel qu'informatique. Ce ne serait pas grave si ces efforts cosmétiques ne remplaçait pas toute réflexion stratégique sur le profond besoin de remettre à plat les fondations de l'entreprise afin de garantir son avenir.

Generali – IA et Automates

vendredi 21 mars 2025

SaveAway enrichit son offre d'épargne ciblée

SaveAway
Bien que beaucoup moins visible que le paiement fractionné dont elle joue sur le nom familier en anglais (caché derrière l'acronyme BNPL), la tendance du « save now buy later » (économisez d'abord, achetez plus tard) n'en progresse pas moins. SaveAway, une de ses représentantes aux États-Unis, lui ajoute ainsi de nouvelles options.

Au tout début, quand on ne parlait encore que d'épargne ciblée, il s'agissait simplement de proposer au consommateur de définir un projet (voyage, achat important…) auquel il affecte une réserve d'argent dédiée, alimentée au fil du temps, manuellement ou via un programme périodique prédéfini. Avec le temps, le principe a évolué et, dans le cas de SaveAway, par exemple, le service est combiné avec une plate-forme e-commerce, qui permet de sélectionner précisément l'objet à acquérir… et de déclencher automatiquement sa commande quand le montant nécessaire est atteint.

Le premier changement que vient d'annoncer la jeune pousse concerne son catalogue. Son intégration au cœur de l'application apporte évidemment une transparence incomparable à l'expérience utilisateur, autant à la mise en place qu'à la conclusion du plan, mais au prix d'une offre forcément limitée. Il devient donc désormais possible de sélectionner un produit en dehors de la gamme disponible – il suffit d'en fournir les détails –, grâce à un réseau étendu de distributeurs et de marques partenaires.

L'autre nouveauté, plus originale… même si elle reprend une idée ancienne, consiste à introduire une dimension sociale dans son modèle. S'il le souhaite, l'épargnant peut inviter des proches – amis et/ou parents, à sa convenance – en priorité dans le but qu'ils émettent un avis, un commentaire ou une recommandation sur son projet. Naturellement, une fois inscrits dans son cercle de confiance, ils auront également l'opportunité de contribuer financièrement… à un objectif clairement identifié.

Accueil SaveAway

L'ambition de SaveAway, qui veut s'inscrire dans une démarche de responsabilité sociale, est de promouvoir la consommation réfléchie, par opposition aux dépenses impulsives qu'encouragent les multiples solutions de crédit, toutes plus alléchantes les unes que les autres. Elle s'appuie pour ce faire sur une approche de renforcement positif autour de l'épargne, qui passe par des mécanismes classiques mais toujours efficaces : association de la cagnotte à une cible précise, pression implicite de l'entourage…

Face aux mastodontes du BNPL qui, en dehors de quelques rares exceptions, se contentent, au mieux, d'une prise en compte superficielle des risques induits pour leurs clients (en attendant les grandes manœuvres réglementaires), le SNBL a pour lui de s'ancrer fondamentalement dans une perspective de bien-être financier. D'autant plus que les pratiques qu'il met en avant sont susceptibles de constituer un tremplin vers l'adoption de comportements sains dans d'autres catégories de projets.