Les nouvelles techniques d'analyse de données suscitent parfois des sueurs froides, tant leurs usages semblent rapidement dépasser les cauchemars les plus fous de George Orwell. Le lancement d'une véritable agence de scoring par le géant chinois du commerce électronique – et, de plus en plus, des services financiers – Alibaba soulève une question angoissante : n'aurons-nous bientôt plus aucune vie privée ?
La tendance est esquissée depuis longtemps, avec des startups telles que Kabbage, OnDeck, Kreditech ou Lenddo, qui étudient à la loupe les comportements en ligne des consommateurs et des entrepreneurs pour déterminer leur fiabilité potentielle d'emprunteurs. Des solutions plus récentes, à l'image de Hello Soda, ont depuis commencé à aborder d'autres domaines que le crédit afin, notamment, de lutter contre la fraude dans les jeux en ligne ou l'assurance. Et, visiblement, ce n'est qu'un début.
Fort des plus de 300 millions d'utilisateurs de ses services de e-commerce et des 37 millions de PME qui achètent et vendent leurs produits sur ses différentes plates-formes, Alibaba dispose d'un trésor d'informations (de « big data », ou mégadonnées) qui en fait un candidat naturel à pénétrer ce marché. Sa nouvelle solution Sesame Credit va donc exploiter cette masse de données – en complément d'instruments plus classiques – pour fournir un service de scoring particulièrement riche à toute entreprise intéressée.
Les premières applications envisagées concernent le secteur financier et les millions de personnes et d'entreprises qui, faute d'historique bancaire n'ont pas aujourd'hui accès au crédit. Grâce à l'analyse de leurs achats et ventes sur le web, de leur utilisation de leur porte-monnaie virtuel (Alipay), de leurs habitudes de paiement, de l'évolution de leur profil personnel (stabilité de l'adresse et du numéro de téléphone mobile enregistrés, par exemple), de leurs interactions avec leurs amis et relations…, les algorithmes de la société vont pouvoir suppléer à cette carence et établir un score de crédit fiable.
Cependant, la vision de Sesame Credit va bien au-delà. Le service pourrait être mis à la disposition non seulement d'établissements financiers mais également d'entreprises en tout genre (surtout dans le commerce B2B) qui souhaitent s'assurer de la solidité d'un fournisseur ou d'un client. Pire, ce qui peut réellement inquiéter, ce sont les quelques scénarios d'usage suggérés : contrôle du locataire par le propriétaire d'un logement, vérification des candidats au recrutement… Un test est même en cours sur un site de rencontres, dont l'objectif est de permettre de filtrer les prétendants selon leur score !
Certes, Alibaba insiste sur sa préoccupation constante en matière de protection de la vie privée. Ainsi, les données collectées ne le sont qu'avec l'accord explicite de l'utilisateur, elles sont chiffrées, isolées et soigneusement sécurisées. Surtout, le score de crédit ne peut être partagé avec un tiers qu'après autorisation de la personne ou de l'organisation concernée. Hélas, que vaudra cette garantie lorsque les propriétaires, les employeurs, les entreprises… en exigeront l'accès avant de conclure une transaction ?
Qu'un acteur comme Alibaba développe une activité de scoring est parfaitement logique, car son hégémonie – sur le marché chinois – et sa double activité – dans le commerce de détail et dans les services financiers – lui offrent un avantage exclusif. En revanche, sans même entrer dans le débat de la protection de la vie privée, cette domination écrasante est également ce qui rend la vision de Sesame Credit dangereuse, susceptible de faire de sa solution un instrument obligatoire d'inclusion sociale (plus que financière), générateur de nouvelles formes d'inégalités.
La tendance est esquissée depuis longtemps, avec des startups telles que Kabbage, OnDeck, Kreditech ou Lenddo, qui étudient à la loupe les comportements en ligne des consommateurs et des entrepreneurs pour déterminer leur fiabilité potentielle d'emprunteurs. Des solutions plus récentes, à l'image de Hello Soda, ont depuis commencé à aborder d'autres domaines que le crédit afin, notamment, de lutter contre la fraude dans les jeux en ligne ou l'assurance. Et, visiblement, ce n'est qu'un début.
Fort des plus de 300 millions d'utilisateurs de ses services de e-commerce et des 37 millions de PME qui achètent et vendent leurs produits sur ses différentes plates-formes, Alibaba dispose d'un trésor d'informations (de « big data », ou mégadonnées) qui en fait un candidat naturel à pénétrer ce marché. Sa nouvelle solution Sesame Credit va donc exploiter cette masse de données – en complément d'instruments plus classiques – pour fournir un service de scoring particulièrement riche à toute entreprise intéressée.
Les premières applications envisagées concernent le secteur financier et les millions de personnes et d'entreprises qui, faute d'historique bancaire n'ont pas aujourd'hui accès au crédit. Grâce à l'analyse de leurs achats et ventes sur le web, de leur utilisation de leur porte-monnaie virtuel (Alipay), de leurs habitudes de paiement, de l'évolution de leur profil personnel (stabilité de l'adresse et du numéro de téléphone mobile enregistrés, par exemple), de leurs interactions avec leurs amis et relations…, les algorithmes de la société vont pouvoir suppléer à cette carence et établir un score de crédit fiable.
Cependant, la vision de Sesame Credit va bien au-delà. Le service pourrait être mis à la disposition non seulement d'établissements financiers mais également d'entreprises en tout genre (surtout dans le commerce B2B) qui souhaitent s'assurer de la solidité d'un fournisseur ou d'un client. Pire, ce qui peut réellement inquiéter, ce sont les quelques scénarios d'usage suggérés : contrôle du locataire par le propriétaire d'un logement, vérification des candidats au recrutement… Un test est même en cours sur un site de rencontres, dont l'objectif est de permettre de filtrer les prétendants selon leur score !
Certes, Alibaba insiste sur sa préoccupation constante en matière de protection de la vie privée. Ainsi, les données collectées ne le sont qu'avec l'accord explicite de l'utilisateur, elles sont chiffrées, isolées et soigneusement sécurisées. Surtout, le score de crédit ne peut être partagé avec un tiers qu'après autorisation de la personne ou de l'organisation concernée. Hélas, que vaudra cette garantie lorsque les propriétaires, les employeurs, les entreprises… en exigeront l'accès avant de conclure une transaction ?
Qu'un acteur comme Alibaba développe une activité de scoring est parfaitement logique, car son hégémonie – sur le marché chinois – et sa double activité – dans le commerce de détail et dans les services financiers – lui offrent un avantage exclusif. En revanche, sans même entrer dans le débat de la protection de la vie privée, cette domination écrasante est également ce qui rend la vision de Sesame Credit dangereuse, susceptible de faire de sa solution un instrument obligatoire d'inclusion sociale (plus que financière), générateur de nouvelles formes d'inégalités.
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