Le déferlement d'expérimentations autour de la blockchain, dans les institutions financières du monde entier, atteint actuellement un paroxysme qui se traduit, hélas, par des dérives de plus en plus ahurissantes. Ainsi les exemples récents escamotent-ils entièrement le principal avantage du concept d'origine : sa nature distribuée.
En l'espace d'une semaine, entre le 15 et le 21 décembre 2016, pas moins de quatre annonces ont été publiées sur le même sujet. La première était à porter à l'actif d'ABN Amro et concernait un pilote, lancé en partenariat avec IBM, prenant en charge la gestion des transactions immobilières. Vinrent ensuite deux tests sur la dématérialisation des échanges d'or, l'un par Euroclear et l'autre par Goldmoney, avec la Monnaie Royale Canadienne. Enfin, BNP Paribas fermait le bal avec des virements bancaires.
Dans tous ces communiqués de presse triomphants, une caractéristique commune saute rapidement aux yeux : quand sont évoqués les bénéfices de la blockchain pour ces cas d'usage, jamais le principe d'une base de données ou d'un livre de comptes distribué (DLT) n'est cité. Pire encore, dans trois des mises en œuvre, la qualité majeure mise en avant est la rapidité de traitement ! S'il s'agissait vraiment d'un critère de choix, il existe pourtant bien d'autres solutions technologiques, éprouvées, fiables et plus véloces !
À peine moins ridicule, les autres avantages supposés de ces implémentations seraient, entre autres, la réduction des coûts – j'attends qu'on m'explique comment le fait de répliquer les traitements sur de multiples serveurs est plus économique qu'une infrastructure centralisée –, la capacité à synchroniser le règlement et la livraison (pour les transactions sur l'or) – comme si cela n'avait jamais été possible avant – et les fameux « smart contacts » qui automatisent les traitements – comme tout autre logiciel (ouf !)…
Un peu à part, ABN Amro vante d'abord la valeur d'un système facilitant les interactions entre une multitude d'acteurs (banques, notaires, acheteur, vendeur, agence immobilière, services du cadastre, fisc…). On s'y laisserait presque prendre… mais, là aussi, la question se pose : où est la nouveauté ? Les applications partagées entre différents intervenants, chacun ayant un rôle spécifique, n'ont évidemment pas attendu la naissance de la blockchain pour se répandre dans de multiples domaines.
Qu'on ne s'y trompe pas : toutes ces propriétés sont bien réelles et constituent effectivement l'essence du concept de blockchain, si, du moins, elles s'accompagnent d'un besoin intrinsèque de décentralisation (et qu'il est concrétisé). Quand le système a vocation à rester géré par une entité garante de son fonctionnement, les « vieilles » technologies sont toujours préférables, car elles sont connues, maîtrisées, peu coûteuses à exploiter (si elles sont correctement déployées), rapides, efficaces…
Malheureusement, dans une grande majorité des expérimentations récentes, l'utilisation d'une blockchain est justifiée par de mauvaises raisons. L'une des plus courantes consiste à s'attaquer à une difficulté (généralement ancienne) à faire collaborer des entreprises sur un projet commun. Le partage d'information permis par un registre distribué est alors perçu comme un moyen de la résoudre. Malheureusement, il faudrait un miracle pour qu'une technologie parvienne à rapprocher des intérêts divergents !
Hors circonstances exceptionnelles (comme avec Everledger, peut-être), il n'y a pas de baguette magique et la plupart de ces tentatives fondées sur des prémices faussées seront vouées à l'échec. Il est, bien sûr, possible de faire dialoguer les parties prenantes pendant un test (et ce peut déjà être un résultat positif pour certains écosystèmes), mais il restera extrêmement difficile d'aller plus loin. Les déploiements de solutions en production sont d'ailleurs rarissimes et la tendance n'a aucune chance de se démentir…
En l'espace d'une semaine, entre le 15 et le 21 décembre 2016, pas moins de quatre annonces ont été publiées sur le même sujet. La première était à porter à l'actif d'ABN Amro et concernait un pilote, lancé en partenariat avec IBM, prenant en charge la gestion des transactions immobilières. Vinrent ensuite deux tests sur la dématérialisation des échanges d'or, l'un par Euroclear et l'autre par Goldmoney, avec la Monnaie Royale Canadienne. Enfin, BNP Paribas fermait le bal avec des virements bancaires.
Dans tous ces communiqués de presse triomphants, une caractéristique commune saute rapidement aux yeux : quand sont évoqués les bénéfices de la blockchain pour ces cas d'usage, jamais le principe d'une base de données ou d'un livre de comptes distribué (DLT) n'est cité. Pire encore, dans trois des mises en œuvre, la qualité majeure mise en avant est la rapidité de traitement ! S'il s'agissait vraiment d'un critère de choix, il existe pourtant bien d'autres solutions technologiques, éprouvées, fiables et plus véloces !
À peine moins ridicule, les autres avantages supposés de ces implémentations seraient, entre autres, la réduction des coûts – j'attends qu'on m'explique comment le fait de répliquer les traitements sur de multiples serveurs est plus économique qu'une infrastructure centralisée –, la capacité à synchroniser le règlement et la livraison (pour les transactions sur l'or) – comme si cela n'avait jamais été possible avant – et les fameux « smart contacts » qui automatisent les traitements – comme tout autre logiciel (ouf !)…
Un peu à part, ABN Amro vante d'abord la valeur d'un système facilitant les interactions entre une multitude d'acteurs (banques, notaires, acheteur, vendeur, agence immobilière, services du cadastre, fisc…). On s'y laisserait presque prendre… mais, là aussi, la question se pose : où est la nouveauté ? Les applications partagées entre différents intervenants, chacun ayant un rôle spécifique, n'ont évidemment pas attendu la naissance de la blockchain pour se répandre dans de multiples domaines.
Qu'on ne s'y trompe pas : toutes ces propriétés sont bien réelles et constituent effectivement l'essence du concept de blockchain, si, du moins, elles s'accompagnent d'un besoin intrinsèque de décentralisation (et qu'il est concrétisé). Quand le système a vocation à rester géré par une entité garante de son fonctionnement, les « vieilles » technologies sont toujours préférables, car elles sont connues, maîtrisées, peu coûteuses à exploiter (si elles sont correctement déployées), rapides, efficaces…
Malheureusement, dans une grande majorité des expérimentations récentes, l'utilisation d'une blockchain est justifiée par de mauvaises raisons. L'une des plus courantes consiste à s'attaquer à une difficulté (généralement ancienne) à faire collaborer des entreprises sur un projet commun. Le partage d'information permis par un registre distribué est alors perçu comme un moyen de la résoudre. Malheureusement, il faudrait un miracle pour qu'une technologie parvienne à rapprocher des intérêts divergents !
Hors circonstances exceptionnelles (comme avec Everledger, peut-être), il n'y a pas de baguette magique et la plupart de ces tentatives fondées sur des prémices faussées seront vouées à l'échec. Il est, bien sûr, possible de faire dialoguer les parties prenantes pendant un test (et ce peut déjà être un résultat positif pour certains écosystèmes), mais il restera extrêmement difficile d'aller plus loin. Les déploiements de solutions en production sont d'ailleurs rarissimes et la tendance n'a aucune chance de se démentir…
Patrice bonjour,
RépondreSupprimerVoici une charge bien sévère contre la blockchain et ses multiples promesses...
Comme annoncé les premières expérimentations commencent à voir le jour et 2017 sera l'année des premiers déploiements.
Oublions ce focus finance et observons ce que la technologie blockchain couplée à l'IoT apporte déjà , entre autres, aux marchés de l'énergie et de l'industrie.
Merci pour vos articles.
Joyeuses fêtes de fin d'année.
Laurent Leloup
J'ai éclaté de rire à l'annonce du virement sous perfusion Blockchain de BNP Paribas... nouvel exemple de cette institution de tout mettre en oeuvre pour avoir la plus belle vitrine, le paraître, l'image. La réalité est bien loin de cette image idyllique : l'article de l'annonce spectaculaire aurait pu s'intituler "De l'Assembleur à la blockchain", cela aurait été tout aussi vrai et réaliste. Il reste quelques points en suspend quant à l'appétence et à la compétence de BNP Paribas face aux évolutions que vit aujourd'hui l'industrie mondiale des paiements : 1.- les R-messages dont la gestion actuelle est loin d'être une sinécure pour elle, mais aussi et surtout chez les confrères ; 2.- quelles ont été les recommandations de l'audit de la direction des paiements, audit commandé par la direction de la banque de détail en France ?
RépondreSupprimerEnfin, pour finir sur un ton sarcastique, étant donné que la blockchain est à usage interne, on peut logiquement en déduire que le virement émis via la blockchain a été opéré entre deux comptes internes à BNP Paribas, voire, peut-être entre comptes d'un même client... tant d'investissement, et, une si belle vitrine, quand toutes les banques confrères gèrent depuis des lustres ce genre d'opérations par un simple jeu d'écriture comptable entre OD Vs OC, quasi en temps réel.
Bonjour Patrice
RépondreSupprimerJe partage partiellement ta perception du bruit infernal, mais d’’une manière générale, la construction de la technologie Blockchain comme de l’Internet est le fruit d’une logique en rupture. On retrouve les mêmes fondamentaux, il n’y a jamais eu de « chef de projet » Internet pour la simple raison qu’il n’y a jamais eu de projet Internet, comme les projets Blockchains. Internet a été construit par un ensemble flou auto-organisé de personnes qui s’intéressaient à la construction de l’Internet, idem pour la Blockchain. La construction des Blockchains suit le même chemin.
Participer à cette construction est un nouveau challenge. Pour les personnes qui souhaitent utiliser un registre distribué, avec des acteurs autonomes, avec des avantages de réduction de coût, une collaboration opérationnelle, et une architecture DLT, ils peuvent participer au lancement de Universal Ledger of Evidence, en utilisant l’application Ledger-of-proof : www.ledgerofoproof.com
Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le. ""L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie GOETHE""
Benjamin FARAGGI
petit secret a ne pas repeter : la blockchain n'existe pas. A la fin il ne restera que Bitcoin. Mais chut, il ne faut pas le dire trop fort et laisser faire.
RépondreSupprimerLes clients sont extrêmement fébriles quand à la technologie et du coup les projects ne concernent pas une décentralisation totale. D'autre part, il s'agit de rapprocher tous les acteurs d'un même écosystème autour d'un même projet ... et là aussi c'est pas gagné.
RépondreSupprimerJe crois qu'il faut laisser le temps à des beaux projets d'émerger, le succès n'est pas forcément à la première release mais quand l'adoption sera là.
Excellente synthèse sur le thème "blockchain". Quand les marketeurs rentreront dans la danse, ces entreprises reviendront à leurs instincts de prédateur: elles ne voudront partager ni les bases de clients ni le contrôle des infrastructures. Le seul projet cohérent restera la blockchain Bitcoin: une infrastructure à haute disponibilité et haute sécurité, capable de supporter le cas d'usage fondateur de cette sécurité, le paiement.
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