C'est une épidémie ! À l'automne, BNP Paribas affirmait vouloir commercialiser son « cloud » interne. Après le recrutement d'un ancien d'Amazon, Goldman Sachs préparerait un plan similaire. Dans le secteur de l'énergie, EDF annonce le lancement de son offre dans quelques semaines. Toutes ces firmes poursuivent une chimère…
Le raisonnement qui les motive est toujours identique : constatant que leurs infrastructures informatiques extensives et coûteuses ne sont jamais exploitées à 100% de leurs capacités, elles sont tentées de revendre leur surplus de puissance de calcul à d'autres entreprises. Le modèle infonuagique inventé par Amazon en 2006 à partir de ce même principe – et qui reste à ce jour le leader incontesté du domaine – leur donne même l'espérance de pouvoir créer de la sorte une nouvelle activité lucrative.
Malheureusement, la comparaison souffre d'un défaut majeur. Car, contrairement au géant du e-commerce, qui a édifié un marché afin de partager son excellence technologique, le seul objectif des nouveaux aspirants à la distribution de « cloud » est économique, en cherchant à amortir les budgets pharaoniques engloutis dans leurs centres de production. Or ils n'ont pas conscience de leur terrible immaturité et de l'inadéquation de leur proposition de valeur aux attentes d'éventuels clients.
La première illusion à laquelle les grandes entreprises traditionnelles succombent tient à l'efficacité de leurs systèmes. Pour prendre un seul indicateur, il y a quelques années, il existait un facteur de l'ordre de 1 000 (oui, mille !) dans le nombre de personnes nécessaires pour assurer le fonctionnement de leurs serveurs par rapport à un géant du web. La transition vers des approches infonuagiques internes à peut-être amélioré ce ratio mais il reste extrêmement élevé et révèle un retard quasiment impossible à combler.
Deuxième erreur à souligner, les institutions financières estiment que leur expertise sectorielle leur procure un avantage concurrentiel par rapport à des acteurs généralistes tels qu'Amazon, Google ou Microsoft. Elles imaginent en particulier que le niveau de sécurité qu'elles maintiennent est sans égal. C'est un mirage. En effet, s'il subsiste des spécificités dans l'informatique bancaire, elles ne se situent plus, depuis longtemps, dans les infrastructures, donc dans les capacités dont le partage est envisagé.
Troisième faille, cette fois dans les prémices de l'argumentaire : je suggère de revisiter l'idée de départ, celle qui établit l'existence de ressources informatiques inutilisées. La réalité est que cette puissance disponible répond à un besoin de l'entreprise, issu lui-même d'une inefficacité profonde des organisations : la crainte de devoir faire face à un pic de charge inattendu conduit tous les porteurs de projets à conserver une marge de sécurité. Croire qu'ils seront prêts à céder cette police d'assurance paraît ridicule…
Cette supposition est d'ailleurs facile à vérifier. Au vu de l'échelle des groupes dont il est question ici, si la répartition des ressources était effectivement ajustée en fonction de la demande, en respectant simplement le principe de base du « cloud computing », il ne resterait plus de capacité à revendre, car le nombre et la diversité des applications déployées suffiraient largement à garantir un lissage des usages. Ce n'est que parce que personne ne veut partager « son » environnement que le gaspillage survit.
Dernier clou à enfoncer pour refermer leur cercueil, je ne crois pas qu'il existe une clientèle pour ces nuages d'entreprises. La cible visée se répartit entre des structures ayant la maturité nécessaire pour faire le choix du « cloud », qui se tournent vers les offres généralistes qu'elles considèrent optimales (confirmant par là même le côté fallacieux de l'expertise bancaire), et celles qui sont réfractaires et ne feront guère plus confiance à un concurrent qu'à un géant technologique. Entre les deux ? Personne.
En conclusion, j'aimerais rappeler aux responsables de ces initiatives que le principe en est loin d'être inédit. UniCredit en évoquait déjà la possibilité en 2013, avec le même partenaire (IBM) que certains d'entre eux. À ma connaissance, ce projet n'a jamais abouti aux résultats espérés. J'espère que ce retour d'expérience, qu'ils devraient étudier de près, contribuera à les ramener à la raison et qu'ils préfèreront enfin mettre la priorité sur la rationalisation de leurs infrastructures avant de chercher à les revendre.
Le raisonnement qui les motive est toujours identique : constatant que leurs infrastructures informatiques extensives et coûteuses ne sont jamais exploitées à 100% de leurs capacités, elles sont tentées de revendre leur surplus de puissance de calcul à d'autres entreprises. Le modèle infonuagique inventé par Amazon en 2006 à partir de ce même principe – et qui reste à ce jour le leader incontesté du domaine – leur donne même l'espérance de pouvoir créer de la sorte une nouvelle activité lucrative.
Malheureusement, la comparaison souffre d'un défaut majeur. Car, contrairement au géant du e-commerce, qui a édifié un marché afin de partager son excellence technologique, le seul objectif des nouveaux aspirants à la distribution de « cloud » est économique, en cherchant à amortir les budgets pharaoniques engloutis dans leurs centres de production. Or ils n'ont pas conscience de leur terrible immaturité et de l'inadéquation de leur proposition de valeur aux attentes d'éventuels clients.
La première illusion à laquelle les grandes entreprises traditionnelles succombent tient à l'efficacité de leurs systèmes. Pour prendre un seul indicateur, il y a quelques années, il existait un facteur de l'ordre de 1 000 (oui, mille !) dans le nombre de personnes nécessaires pour assurer le fonctionnement de leurs serveurs par rapport à un géant du web. La transition vers des approches infonuagiques internes à peut-être amélioré ce ratio mais il reste extrêmement élevé et révèle un retard quasiment impossible à combler.
Deuxième erreur à souligner, les institutions financières estiment que leur expertise sectorielle leur procure un avantage concurrentiel par rapport à des acteurs généralistes tels qu'Amazon, Google ou Microsoft. Elles imaginent en particulier que le niveau de sécurité qu'elles maintiennent est sans égal. C'est un mirage. En effet, s'il subsiste des spécificités dans l'informatique bancaire, elles ne se situent plus, depuis longtemps, dans les infrastructures, donc dans les capacités dont le partage est envisagé.
Troisième faille, cette fois dans les prémices de l'argumentaire : je suggère de revisiter l'idée de départ, celle qui établit l'existence de ressources informatiques inutilisées. La réalité est que cette puissance disponible répond à un besoin de l'entreprise, issu lui-même d'une inefficacité profonde des organisations : la crainte de devoir faire face à un pic de charge inattendu conduit tous les porteurs de projets à conserver une marge de sécurité. Croire qu'ils seront prêts à céder cette police d'assurance paraît ridicule…
Cette supposition est d'ailleurs facile à vérifier. Au vu de l'échelle des groupes dont il est question ici, si la répartition des ressources était effectivement ajustée en fonction de la demande, en respectant simplement le principe de base du « cloud computing », il ne resterait plus de capacité à revendre, car le nombre et la diversité des applications déployées suffiraient largement à garantir un lissage des usages. Ce n'est que parce que personne ne veut partager « son » environnement que le gaspillage survit.
Dernier clou à enfoncer pour refermer leur cercueil, je ne crois pas qu'il existe une clientèle pour ces nuages d'entreprises. La cible visée se répartit entre des structures ayant la maturité nécessaire pour faire le choix du « cloud », qui se tournent vers les offres généralistes qu'elles considèrent optimales (confirmant par là même le côté fallacieux de l'expertise bancaire), et celles qui sont réfractaires et ne feront guère plus confiance à un concurrent qu'à un géant technologique. Entre les deux ? Personne.
En conclusion, j'aimerais rappeler aux responsables de ces initiatives que le principe en est loin d'être inédit. UniCredit en évoquait déjà la possibilité en 2013, avec le même partenaire (IBM) que certains d'entre eux. À ma connaissance, ce projet n'a jamais abouti aux résultats espérés. J'espère que ce retour d'expérience, qu'ils devraient étudier de près, contribuera à les ramener à la raison et qu'ils préfèreront enfin mettre la priorité sur la rationalisation de leurs infrastructures avant de chercher à les revendre.
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