Si les monnaies « digitales » sont parfaites pour les transactions en ligne, elles restent à ce jour inadaptées aux circonstances dans lesquelles une connexion à internet est impossible. Cette lacune s'avère particulièrement gênante pour les initiatives des banques centrales, comme l'illustre une récente étude menée par la Banque du Canada.
Au fil des ans, les progrès dans l'univers des moyens de paiement ont systématiquement porté sur leur adaptation à l'ère du web tandis que les espèces, devenues progressivement le seul instrument fiable pour les échanges hors ligne, n'ont connu aucune évolution structurelle. Or, maintenant que leur survie est menacée (à court ou long terme, selon les régions) par la transition numérique, des questions cruciales se posent quant aux alternatives envisageables dans l'univers dématérialisé qui se dessine.
Bien sûr, les entités commerciales du secteur (l'industrie de la carte en tête) ne se préoccupent guère des cas, marginaux, où leurs produits ne sont pas utilisables. En revanche, les banques centrales ne peuvent les ignorer car, aussi rares soient-ils, ils représentent un enjeu critique d'équité sociale et d'inclusion financière. En conséquence, avant de s'engouffrer dans la prochaine étape de leur mutation, elles doivent anticiper toutes les hypothèses et leur apporter une solution viable et efficace.
En la matière, la Banque du Canada identifie deux scénarios distincts. Le premier correspond à une perte de connectivité intermittente (par exemple due à un incident chez un opérateur de télécommunication). La réponse la plus simple, d'ailleurs adoptée par l'e-yuan chinois, consiste alors à enregistrer les mouvements localement, en interdisant tout usage subséquent des fonds concernés jusqu'à ce que la liaison aux serveurs de compensation soit rétablie et qu'ils procèdent à leur consignation.
Le second porte sur les situations où la déconnexion est prolongée (notamment à l'occasion d'une catastrophe naturelle ou dans les zones isolées). L'option proposée reposerait là sur un dispositif physique autonome capable non seulement de stocker l'argent numérique mais également d'en gérer les transferts et d'en permettre le suivi comptable. Un inconvénient surgit immédiatement : ce porte-monnaie doit être pré-alimenté avant d'accéder à son contenu (un peu comme avec les retraits d'espèces).
Ce mode aurait aussi son importance afin de garantir l'anonymat (légitime) de certaines transactions (par discrétion dans le domaine de la santé, pour les frais de déjeuner d'un enfant…) et, plus prosaïquement, pour les personnes sans compte bancaire. Mais il faudra alors poser des limites (à déterminer) pour prévenir les risques de blanchiment et autres activités illicites, ne serait-ce que dans un but de conformité réglementaire. En outre, les précautions de sécurité à prendre sur l'appareil mis en œuvre devront être drastiques, de manière à repousser les menaces individuelles et systémiques.
Le résultat sera probablement complexe et coûteux, pour un compromis difficile à trouver entre plusieurs injonctions contradictoires. Quand, au-delà des expérimentations, l'objectif d'une institution publique est d'offrir à tous les citoyens un substitut universel et cohérent aux systèmes existants, les obstacles semblent, à ce stade, insurmontables. Il reste donc encore certainement un long chemin à parcourir avant que la vogue des MDBC (« monnaies digitales de banque centrale ») ne transforme notre quotidien.
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