Pour son édition 2023, le traditionnel « Hype Cycle » des technologies émergentes concocté par le cabinet Gartner risque de surprendre, pour deux raisons distinctes : d'une part, il n'inclut que des concepts largement immatures et, d'autre part, en dehors de l'intelligence artificielle, ses propositions paraissent singulièrement austères.
Le premier point saillant de l'exercice rituel du cabinet est incontestablement la position de l'IA générative : après bientôt un an d'emballement médiatique incessant autour de ChatGPT et ses avatars, les analystes la placent – à juste titre, je pense, notamment au vu du nombre d'expérimentations sans lendemain – au sommet du pic des attentes excessives, qui devrait prochainement déboucher sur une chute – que je crains brutale – dans le puits des désillusions, pour une stabilisation productive d'ici deux à cinq ans.
Face à l'espace occupé et, probablement, aux budgets engloutis, par cette seule technologie dans les entreprises de tous secteurs, Gartner prend soin de souligner à l'intention des décideurs l'importance cruciale de ne pas se laisser aveugler et de prendre en considération les autres domaines susceptibles de produire des transformations potentiellement aussi radicales. Hélas, ceux qui figurent dans la sélection auront du mal à faire rêver et seront donc certainement difficiles à défendre.
Il est d'abord question des nombreuses autres variantes de l'intelligence artificielle, qui devraient faciliter la création d'expériences utilisateurs exceptionnelles, améliorer la prise de décision, stimuler la différenciation concurrentielle… Mais, bien sûr, leurs promesses sont pour la plupart encore plus lointaines que celles de l'IA générative (entre 5 et 10 ans). Aujourd'hui quasiment invisibles au milieu du bruit que génère leur grande sœur, elles pourraient être emportées avec la vague de déceptions menaçant cette dernière.
En ouvrant l'horizon, Gartner évoque ensuite les solutions destinées à simplifier la vie des développeurs logiciels – à moins qu'il ne s'agisse de mieux les séduire et les motiver – particulièrement bienvenues dans un contexte durable de pénurie de talents que la croissance constante des besoins rend de plus en plus douloureuse. Viennent ensuite l'infonuagique, déjà omniprésente et qui serait vouée à jouer un rôle stratégique à l'avenir, et les approches de sécurité et de confidentialité recentrées sur l'humain, profondément intégrées au cœur des organisations « digitales » et de leur culture.
Le problème de cette vision ? Aussi critiques soient les enjeux qu'elle adresse, elle est terriblement centrée sur des sujets extrêmement techniques, que les responsables informatique peuvent, normalement, appréhender, mais qu'ils ne sauront pas aisément articuler avec les attentes et les priorités de leur entreprise. Alors le danger est de prolonger les mythes de l'IA générative au-delà du raisonnable, parce que plus faciles à « vendre » tant ils sont partagés, et de rater des opportunités peut-être plus réalistes.
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