Fournisseur privilégié des institutions financières depuis un demi-siècle, IBM est aujourd'hui pris en étau entre le poids de son histoire, notamment celle de ses fameux « mainframes », et ses sources de revenus les plus prometteuses pour demain, issues de l'acquisition de Red Hat. L'intelligence artificielle créera-t-elle un pont entre les deux ?
Sa dernière idée en date consiste en effet à proposer aux clients dont le patrimoine informatique est encombré de logiciel écrit en Cobol, le langage des années 80, un assistant destiné à les aider à convertir celui-ci en Java… le langage des années 2000 (mais non 2020, malheureusement). Dans le courant du dernier trimestre 2023, il viendra compléter une panoplie de solutions à base d'IA qui facilitent la réorganisation du code et automatisent les tests, l'ensemble couvrant toutes les phases d'une modernisation.
L'objectif visé, officiellement, est de permettre aux organisations (majoritaires) qui rechignent à engager une coûteuse migration massive de leurs applications – via une réécriture intégrale – d'adopter une démarche sélective et progressive. Selon IBM, grâce à watsonx, elles pourront gagner environ 30% du temps nécessaire à la conversion et déployer les composants générés sur les mêmes environnements que ceux d'origine, donc sans perturber leurs interactions avec ceux qui n'auront pas encore été traités.
Outre cette capacité d'adaptation en douceur, y compris avec les outils d'infrastructure CICS, IMS, DB/2…, et le maintien du bénéfice de la performance exceptionnelle de ses matériels (dixit leur constructeur), les programmes produits seront, nous garantit-on, optimisés pour le langage cible, très différent du modèle procédural de son lointain ancêtre. J'avoue avoir du mal à croire à cette promesse tant elle paraît irréalisable : bien que l'orientation objet soit une évidence en Java, elle peut être superficielle.
Avec de telles qualités, watsonx a toutes les chances de faire rêver les directeurs informatiques qui aimeraient se débarrasser du fardeau encombrant de leurs vieux coucous sans y engouffrer un budget colossal et sans prendre le risque de dérapages incontrôlés. Car le recours à l'intelligence artificielle dans cette stratégie évolutive présente l'immense avantage de réduire le besoin de compétences en Cobol, dont la rareté constitue fréquemment le facteur bloquant de toute tentative du genre.
Je ne surprendrai probablement personne en exprimant de sérieuses réserves sur l'approche suggérée par IBM. La transition vers un nouveau langage autorisera certes la maintenance et quelques ajustements mineurs sur des briques actuellement figées, mais, alors que les systèmes concernés sont en général critiques, elle ne contribuera en rien à la transformation profonde qu'exige la « digitalisation » des entreprises, par exemple en termes de flexibilité, au niveau des opérations comme de l'exploitation.
Par ailleurs, même si elle donne l'impression de pouvoir étaler la facture dans le temps, l'équation économique à long terme de cette option n'est définitivement pas favorable. La traduction un par un des logiciels obsolètes ne fait que retarder le moment où une remise à plat totale deviendra indispensable… en particulier quand IBM finira par abandonner ses « mainframes » afin de se concentrer sur ce qui lui rapporte. Les composants java hérités de l'assistant watsonx se retrouveront alors orphelins et sans aucune utilité.
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