Il y a un quart de siècle, PayPal créait un système de paiement pour la première génération de l'internet marchand. Aujourd'hui rattrapé, voire dépassé, par la concurrence, le pionnier tente de se projeter vers ce qui est annoncé comme la prochaine révolution des expériences en ligne. Mais que peut-il apporter de nouveau ou d'original dans le web3 ?
Tandis que l'étau réglementaire se resserre aux États-Unis sur les initiatives relevant de cryptomonnaies sous toutes leurs formes, PayPal surprend un peu en choisissant de lancer la sienne. En l'occurrence, comme il se doit, d'une certaine manière, pour une entreprise désormais bien établie de la finance (presque une institution !), il s'agira d'un « stablecoin » adossé au dollar, c'est-à-dire un instrument à la valeur alignée sur celle du billet vert et garanti par des dépôts liquides équivalents au volume en circulation.
Mais à quoi pourra donc servir ce PayPal USD et, surtout, quels bénéfices peut-il offrir aux utilisateurs de la plate-forme qui a pour ainsi dire inventé le porte-monnaie virtuel et a construit son succès sur les mouvements électroniques de fonds ? De ce point de vue, la communication officielle résonne d'une façon étrange : réaliser des échanges directs entre individus y compris à l'étranger, régler des achats sur les e-boutiques dans n'importe quelle devise, acquérir des cryptomonnaies parmi celles qui sont prises en charge…
Voilà exactement la promesse historique de PayPal, qui n'avait jamais, jusqu'à maintenant, nécessité l'introduction d'un support spécifique, les dollars, euros, livres sterling et autres fonctionnant parfaitement pour ce genre d'opérations. La principale différence est le surcroît de complexité – entre autres par les exigences de conversion qu'il entraîne – et les risques de confusion – pour les millions de consommateurs qui n'ont aucune connaissance des principes sous-jacents – que représente le crypto-dollar.
Dans le registre des vraies spécificités, il restera tout au plus une vague possibilité supplémentaire et l'opportunité qui l'accompagne. Présentée comme la faculté de transférer librement les PayPal USD vers tout portefeuille externe compatible (pour autant qu'elle soit plus performante qu'avec une monnaie fiduciaire classique), elle constituerait notamment le point d'entrée de l'ex-trublion dans l'univers « crypto-digital » du web3.
La réalisation d'une telle ambition se heurtera cependant à un obstacle de taille : il faudra d'abord que ces écosystèmes émergents acceptent d'intégrer l'instrument proposé par PayPal et, surtout, que ce dernier se démarque parmi les innombrables options qui se développent actuellement afin de conquérir un territoire vierge perçu comme un eldorado. Je ne suis pas sûr que son positionnement joue en sa faveur dans cette course.
Naturellement, il est indispensable pour PayPal de penser à son avenir, en particulier dans le paysage en pleine évolution du web, des paiements et, plus généralement, de l'argent. Incidemment, les banques traditionnelles devraient en faire de même. En revanche, l'approche retenue, finalement assez conventionnelle et dépourvue d'imagination, montre combien les mutations en cours sont difficiles à appréhender pour les héritiers du siècle précédent, même lorsqu'ils ont été les disrupteurs de leur époque.
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