La perspective de l'ouverture généralisée des données financières telle qu'elle est concoctée par les instances européennes est encore lointaine mais les réactions des principales intéressées ne tardent pas à se faire entendre. Est-on surpris que le Crédit Mutuel, détracteur acharné de la DSP2 précurseuse, soit en pointe des critiques ?
La réglementation FIDA qui se prépare laborieusement à Bruxelles n'est finalement qu'une extension logique des exigences qui s'imposent depuis 2019 sur les seuls comptes de paiement. En l'état du projet, elle assujettira ainsi toutes les institutions financières aux mêmes contraintes de partage, avec les organisations habilitées, des informations qu'elles hébergent concernant tous les produits détenus par leurs clients. Ce que la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, par la voix de sa directrice générale Isabelle Ferrand, considère donc représenter un danger insoutenable.
Ses arguments, inchangés depuis plusieurs années, persistent à ignorer les réalités du monde « digital » contemporain… et l'expérience accumulée depuis le texte précédent. Il est toujours question de risque pour la sécurité des comptes, de perte de souveraineté, de création d'inégalités… En revanche, et c'est le premier trou béant dans le raisonnement adopté, n'est pas soulignée l'évidence factuelle qui devrait concentrer les débats : les données financières des utilisateurs de services leur appartiennent et qu'elles soient conservées par un tiers ne lui en attribue pas pour autant la propriété !
L'opposition à toute ouverture est en réalité un réflexe d'autodéfense égoïste. Quelles peuvent-en être les motivations profondes ? Il faut d'abord parler du coût de mise en œuvre, forcément élevé au vu de la situation des systèmes d'information préhistoriques qui prévalent dans le secteur. Ensuite, plus sournoisement, il existe peut-être également une inquiétude sur ses conséquences : des entreprises créatives sont susceptibles de s'emparer de l'opportunité en vue de développer les fonctions innovantes qu'attendent les clients et que s'avèrent incapables de leur fournir leur banque habituelle.
Même si cela ne plaît pas au Crédit Mutuel, ce serait une victoire pour les promoteurs de la législation, dont un objectif majeur reste la stimulation de la concurrence. En outre, elle constituerait potentiellement un facteur de maintien de la souveraineté européenne (et éventuellement hexagonale) car, à armes égales, les acteurs locaux auront autant – voire plus – de chances de concevoir et déployer des offres qui correspondent aux besoins dont ils sont proches. Alors qu'aujourd'hui, les géants américains sont en mesure de profiter de l'immobilisme de l'industrie financière traditionnelle.
Les autres justifications brandies par Mme Ferrand n'ont pas plus de matérialité. Dans le registre de la sécurité, par exemple, cinq ans de DSP2 ont démontré que les garde-fous mis en place fonctionnent correctement. Mais il s'agit bien entendu d'un épouvantail (éculé) destiné à effrayer ceux qui seront appelés à valider la proposition de la Commission Européenne sans toujours prendre le temps de rationaliser le tapage médiatique, qu'il est donc important pour ses adversaires de déclencher au plus tôt.
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