Les grandes entreprises ont désormais toutes (?) déployé des outils d'intelligence artificielle auprès de leurs employés, assortis d'obligations d'usage plus ou moins affirmées, dans le but d'accroître leur productivité. Or une équipe de recherche révèle, après enquête, que le travail accompli ainsi est souvent source de pertes d'efficacité…
En quelques mois, l'IA – générative, en particulier – est devenue l'arme numéro un des firmes du monde entier pour réduire leur coûts, assurent-elles. Pourtant, dans les faits, une immense majorité d'entre elles admettent (selon une étude du MIT Media Lab) que leurs initiatives ne produisent aucun retour sur investissement mesurable.
En guise d'illustration, prenons le cas de J.P. Morgan Chase, dont l'emblématique directeur général, Jamie Dimon, se vantait récemment lors d'une interview pour Bloomberg des économies de deux milliards d'euros générées par ses deux milliards d'investissement annuel dans des technologies qui englobent, selon sa définition, la science de données plus classique. Y a-t-il vraiment là de quoi s'enthousiasmer (d'autant que le doute plane sur l'exhaustivité des coûts intégrés dans l'équation) ?
Pour nos chercheurs, une partie des déperditions observées provient de ce qu'ils qualifient de « workslop » – le travail bâclé – dérivé du recours à l'intelligence artificielle. Concrètement, une bonne partie des salariés qui sont encouragés à exploiter les plates-formes mises à leur disposition confient à celles-ci leurs tâches sans maîtriser parfaitement leur fonctionnement. Ils obtiennent alors des résultats approximatifs qu'ils considèrent néanmoins suffisamment convaincants pour s'en contenter.
La conséquence de cette négligence est le report de la charge de travail vers le destinataire du livrable et non, comme promis par l'automatisation, vers la machine. En effet, qu'il s'agisse d'une présentation, d'un document de synthèse, d'un développement informatique…, celui qui le reçoit – collègue ou supérieur hiérarchique – va perdre du temps et de l'énergie à identifier ses faiblesses et, éventuellement, les corriger lui-même. Au bout du compte, l'intelligence artificielle n'aura procuré aucun gain notable.
Le phénomène mérite l'attention des départements des ressources humaines car, au-delà de son impact sur la productivité, il a également une incidence sur les relations entre collaborateurs. Le sondage réalisé montre clairement que les victimes (c'est-à-dire ceux qui doivent passer derrière l'IA) ont une opinion dégradée de leurs fournisseurs de « workslop ». Elles les perçoivent fréquemment comme moins créatifs, moins capables, moins fiables… et leur confiance s'érodent sensiblement, un tiers d'entre elles déclarent être moins enclines à travailler à nouveau avec ces personnes à l'avenir.
Il est possible d'éviter ce syndrome. Une de ses sources réside dans les politiques des entreprises, spécifiquement quand l'incitation à interroger l'intelligence artificielle est formulée de manière indiscriminée, engendrant des usages eux-mêmes indiscriminés. Le réflexe d'une partie des employés est d'appliquer le mandat sans réfléchir, dans des circonstances inappropriées ou avec des directives imprécises, pour un résultat médiocre. La solution passerait donc par une formation approfondie… qui devrait intégrer l'impératif de collaboration, avec les machines comme avec les collègues.



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