Emirates NBD a pris conscience dès 2017 des limitations de son socle informatique face à la mutation de ses métiers et des attentes de ses clients. Elle a alors engagé une transformation de fond en comble dont un des piliers est une architecture à base d'API. Une interview de deux de ses responsables nous en apprend un peu plus sur cette épopée.
Le constat initial est celui qu'ont fait (ou auraient dû faire) les banques du monde entier depuis des années : les exigences de la « digitalisation » des interactions deviennent de plus en plus complexes à intégrer et les délais de déploiement des nouvelles fonctions s'allongent, rendant l'entreprise vulnérable à une concurrence extrêmement dynamique. La principale cause de cette paralysie se trouve dans l'infrastructure technologique, sa rigidité, son hétérogénéité, son inextricabilité… accumulée au fil des générations.
Afin de corriger la dérive, Emirates NBD a fait le choix courageux, considéré comme le seul permettant d'atteindre un résultat durable, de procéder à une modernisation de l'ensemble de son patrimoine et de ses pratiques, depuis les cœurs de système jusqu'aux outils analytiques, en passant par les applications destinées aux clients, l'implémentation d'un nuage privé et le recours aux méthodes agiles. Pour faciliter la transition à une telle échelle, une logique de modularité et de découplage, par API, a été adoptée très tôt.
Un enseignement intéressant du projet est l'affirmation que le plus grand défi qu'il a fallu relever n'est pas tant d'ordre technique qu'humain. En effet, aucun changement d'importance ne peut être envisagé sans remettre à plat les méthodes de travail des équipes informatiques. Avant de lancer la moindre action, l'établissement a donc engagé un vaste chantier de montée en compétences, combinant une campagne de recrutement de nouveaux talents et un programme de formation des collaborateurs en place.
À l'arrivée, les bénéfices espérés sont concrétisés. Grâce à la flexibilité de son architecture rénovée, Emirates NBD a conquis une réactivité sans égale, qui autorise la création rapide de services entièrement automatisés, notamment pour les canaux numériques (dont une déclinaison sur WhatsApp comptant 150 000 utilisateurs). La stratégie de remplacement complet a également rendu possible une homogénéisation à travers ses différents pays de présence (les Émirats, mais aussi l'Égypte, L'Arabie Saoudite, Singapour, le Royaume-Uni…) qui ajoute encore a sa capacité d'accélération.
Naturellement, la situation actuelle, dans laquelle tout est neuf, est un moment particulier d'équilibre quasiment parfait. Malheureusement, l'entropie (la dette technique) reprend rapidement ses droits, emportant les idéaux. En l'occurrence, les plus de 800 interfaces exposées à ce stade m'inspirent quelques inquiétudes, car elles tendent à dénoter le début d'une spirale de perte de contrôle. Selon mon expérience, la totalité des activités d'une banque devrait se satisfaire de la moitié de ce nombre. L'excédent est probablement dû à des erreurs de conception, souvent provoquées par un défaut d'expertise et un relâchement de la gouvernance, qui ne peuvent qu'empirer.
La décision d'entamer une démarche de transformation radicale est certes difficile à prendre mais elle ne doit pas être abordée comme une fin en soi. Il est tout aussi critique d'en appréhender soigneusement toutes les étapes de préparation indispensables, comme l'illustre le cas d'Emirates NBD : la formalisation des orientations technologiques, la constitution d'une équipe d'élite, la définition d'une feuille de route cohérente… et l'anticipation de la vie d'après, quand les évolutions du quotidien reprennent le dessus.
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