La banque sera-t-elle le prochain secteur à adopter un modèle de revenus à base de publicité ? C'est en tous cas ce que laisse entrevoir le lancement par l'australienne CommBank d'une régie interne chargée de commercialiser auprès de partenaires et autres annonceurs les espaces disponibles sur ses propriétés en ligne… et physiques.
Bien sûr, le terrain n'est pas entièrement vierge. Depuis déjà longtemps, et sans même parler des avantages historiques qui accompagnent les cartes de crédit, les programmes marketing de type « offres liées aux cartes » (ou aux comptes) permettent à des entreprises d'atteindre avec précision les clients des institutions financières dans un environnement qu'ils fréquentent régulièrement et où ils se sentent en confiance. Mais ceux-là ont au moins le mérite d'afficher un bénéfice direct aux utilisateurs.
Avec CommBank Connect, nous franchissons désormais une nouvelle étape puisqu'il n'est plus question de compensation d'aucune sorte… si ce n'est pour vanter avec un optimisme ridicule l'hypothétique valeur pour les visiteurs des publicités dont ils se feront abreuver dans leurs applications en ligne et mobile… ainsi que sur les écrans des agences et des guichets automatiques. L'unique argument avancé en guise de justification est évidemment l'exploitation – dans le respect de l'anonymat, heureusement – des informations détenues sur chaque individu à des fins de personnalisation.
D'emblée, la promesse paraît extrêmement attractive pour les annonceurs, avec un accès à plus de 15 millions de consommateurs et d'entreprises, plus ou moins captifs, à travers des plates-formes « digitales » adoptées par deux tiers d'entre eux ou bien au sein de la première présence bancaire de proximité du pays (qui comptera plus de 2 000 écrans à l'horizon 2025). En ajoutant à la dimension importante du dispositif sa capacité de ciblage à une échelle relativement fine et la garantie implicite de sérieux, propice à l'engagement des utilisateurs, que constitue la marque qui l'abrite, CommBank espère certainement en tirer un chiffre d'affaires conséquent.
Mais s'est-elle sincèrement posée la question de l'intérêt des clients, ou, a minima, de leurs possibles réactions ? Est-il encore raisonnable en 2024 de croire qu'ils vont se laisser séduire par ce matraquage supplémentaire sous prétexte que les messages transmis sont adaptés à leur situation (ce qui représente toujours en soi un risque de perception d'intrusion injustifiée dans la vie privée) ? Les technologies autorisent aujourd'hui un degré de personnalisation inédit : il serait plus pertinent de le mettre au service de l'accompagnement des besoins financiers plutôt que dans une initiative purement commerciale susceptible d'en tuer pour longtemps l'image publique.