L'affaire GameStop, le mois dernier, a engendré des dommages collatéraux pour Robinhood, la plate-forme de trading à laquelle ont recouru de (trop) nombreux participants à l'opération boursière. Voilà une occasion d'éveiller les consciences sur une pratique généralisée qui reste souvent très opaque : le modèle économique de la gratuité.
Naturellement, celui-ci constitue une caractéristique particulièrement attractive du service de Robinhood, depuis sa naissance, largement répliquée ensuite, y compris par les plus grands groupes du secteur. Cependant, quand le raid déclenché par quelques personnes a pris de l'ampleur et que la société a interrompu les transactions sur le titre GameStop (et quelques autres), elle s'est immédiatement trouvée soupçonnée d'un conflit d'intérêt (non avéré) entre sa principale source de revenus et les cibles de l'attaque.
Le cœur du problème ? À l'instar de tellement d'entreprises technologiques de nos jours, après avoir expérimenté quelques options, Robinhood a choisi d'asseoir sa recherche de rentabilité sur une forme de commercialisation des données de ses utilisateurs. En l'occurrence, sa déclinaison de l'adage (à mon avis approximatif) « si c'est gratuit, c'est vous le produit » consiste à router – moyennant rémunération – les ordres qui lui sont soumis auprès d'intermédiaires de marché qui les exécutent pour leur propre compte.
Sans surprise, comme le démontrent régulièrement les géants du web, une telle méthode a toujours son revers, même si les reproches du moment à l'encontre de Robinhood se révélaient sans fondements. Car, à partir du moment où un tiers contribue à la proposition de valeur, dans un rôle essentiel de sponsor économique, le client n'est automatiquement plus seul au centre des préoccupations de son fournisseur. Faiblesse d'autant plus rédhibitoire qu'elle n'est pas exposée avec toute la transparence requise.
Profitant de la mauvaise presse qui touche sa concurrente, une autre startup du domaine, Public, signale son intention de renoncer au système mis en cause (répondant au nom de PFOF, pour « Payment for Order Flow »), qu'elle exploitait aussi jusqu'à maintenant, sans toutefois qu'il représente une part importante de ses rentrées d'argent. Mais elle doit compenser le manque à gagner, auxquels s'ajouteront les frais d'accès aux marchés officiels, et elle espère y parvenir en instaurant un principe de pourboire.
Les fondateurs de la jeune pousse soulignent au passage les dérives inhérentes à l'adoption d'un modèle gratuit. Fréquemment retenu au démarrage d'une activité, dans une optique de conquête rapide, il risque de devenir une fin en soi alors qu'il fait rarement partie de l'équation à résoudre. Ainsi, le principal frein à l'entrée dans l'univers de l'investissement pour les consommateurs est leur éducation financière, lacunaire. Celle-ci, et non le coût, doit donc être la priorité pour qui souhaite élargir sa base de clients.
Toujours est-il que la gratuité est désormais profondément ancrée dans les habitudes, avec toutes celles – bonnes et mauvaises – qui se sont développées à travers les usages « digitaux » courants. Afin de changer la donne, il faudra mieux expliquer les obscurs compromis impliqués et défendre les bénéfices d'une transparence absolue. Et il s'agit également de trouver l'approche alternative qui concilie acceptabilité et perspective de profits. Un mécanisme de pourboire satisfera-t-il la seconde condition ?
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