À tous ceux qui persistent à croire que le design ne consiste qu'à satisfaire une exigence esthétique, notamment dans les logiciels, Andrew Hogan (Forrester) montre, à travers l'exemple de Citibank, comment une carence en la matière peut conduire à une erreur majeure, susceptible de coûter 500 millions de dollars à l'établissement.
L'affaire a commencé le 11 août dernier lors d'une réorganisation d'un prêt (litigieux) au géant des cosmétiques Revlon, géré administrativement par la banque. La transaction, qui devait impliquer uniquement un versement d'intérêt, a abouti à un remboursement complet, à hauteur de 900 millions de dollars. Une fois la bévue détectée, la demande de restitution des versements indus s'est heurtée à un refus de certains des acteurs impliqués. Un juge vient de valider leur position, laissant Citi avec la dette sur les bras.
Or, si la responsabilité humaine figure au cœur des motivations de la décision judiciaire, Andrew suggère de prendre un peu de recul et d'analyser en profondeur ce qui a pu amener trois personnes différentes (puisqu'un mécanisme de vérification « à 6 yeux » est en vigueur sur les processus mis en cause) à ignorer les instructions pourtant explicites de l'éditeur du logiciel utilisé pour réaliser l'opération souhaitée (FlexCube d'Oracle, en l'occurrence)… et suivre leur propre intuition, qui s'est donc avérée catastrophique.
La réponse ressort d'une expérience utilisateur désastreuse. Concrètement, il ne s'agit pas de mettre en cause l'interface graphique horriblement datée (cf. illustration ci-dessous) mais plutôt les actions contre-intuitives – à savoir remplir tous les champs et cocher toutes les cases pour que l'instruction soit prise en compte – que doit effectuer l'agent pour accomplir sa tâche, dont il a peu l'habitude. Une mauvaise manipulation devait fatalement survenir, surtout sous le contrôle d'un sous-traitant, en fin de journée.
En principe, la prévention des erreurs constitue une des incitations importantes à investir dans le design. Car, même si les exemples aussi dramatiques que celui de Citi sont rares, toutes les entreprises regorgent d'applications qui laissent à désirer de ce point de vue. Entre descriptions ambigües des éléments et exceptions requérant le recours à un artifice alambiqué, il suffit d'un moment d'inattention ou l'arrivée d'un collaborateur débutant pour enregistrer des maladresses dont les coûts finissent par s'accumuler.
Hélas, les équipes dédiées au design sont généralement assignées à exercer leurs talents sur les solutions destinées aux clients et elles n'ont que peu de temps à consacrer aux outils placés à la disposition des employés, d'autant que ces derniers, n'ayant pas voix au chapitre, ont tendance à s'accommoder des pires expériences déployées sur leur poste de travail. Hormis quelques récriminations ponctuelles vite écartées, les problèmes sont passés sous silence et des opportunités d'optimisation sont manquées.
En synthèse, les organisations doivent cesser de considérer le design comme une discipline secondaire dans la conception et le développement de leurs logiciels et processus. Si, historiquement, les limitations techniques imposaient parfois des compromis hasardeux, ceux-ci ne sont plus acceptables aujourd'hui. Il faut les traquer et les éradiquer impitoyablement dans les systèmes existants et les repérer et les écarter, préventivement, dans les nouveaux projets, y compris quand ils proviennent de tiers.
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