La nouveauté est tellement anodine qu'elle n'a eu les honneurs d'aucune annonce officielle, ni même du moindre entrefilet, et que sa découverte est due aux journalistes passionnés de 9to5Mac. J'estime pourtant qu'il s'agit de la fonction la plus importante qui ait jamais été imaginée depuis la naissance des premiers porte-monnaie électroniques.
À une époque lointaine, qui, incidemment, est encore la réalité quotidienne de toutes les populations non bancarisées, quand les achats se réglaient en espèces sonnantes et trébuchantes, la gestion de budget était triviale, bien que parfois cruelle : au moment de passer à la caisse, soit vous aviez l'argent nécessaire dans votre portefeuille pour payer votre panier et vous emportiez vos emplettes, soit vous n'en aviez pas suffisamment et vous deviez vous résigner à abandonner tout ou partie de vos courses.
Depuis que la dématérialisation a relégué les pièces et les billets à un rôle secondaire, il subsiste certes, en guise d'équivalent, la possibilité de vérifier que le compte auquel votre carte est liée est provisionné avant de la présenter au terminal d'encaissement, mais c'est un effort (surtout psychologique, au vu des outils disponibles aujourd'hui) que beaucoup d'individus évitent de faire. En clair, dans le monde consumériste contemporain, les dépenses se font généralement à l'aveugle, au détriment d'un pilotage rationnel.
Heureusement, Apple, qui promet depuis longtemps de développer une approche d'accompagnement des finances personnelles, profite des services financiers modernes pour rectifier le tir. Ainsi, grâce à une connexion aux comptes bancaires de l'utilisateur – via les mécanismes classiques de l'« open banking » –, son « wallet » affiche désormais le solde disponible dès l'ouverture, de manière à l'éclairer sur l'opportunité de finaliser la transaction en cours (sans le blocage du porte-monnaie vide, toutefois).
L'ajout paraît anecdotique mais il aura vraisemblablement un impact considérable sur les comportements des consommateurs. Je ne pense pas seulement aux étourdis et autres insouciants qui utilisent leur carte, physique ou virtuelle, sans réfléchir… jusqu'à être rappelés à l'ordre par leur banquier. La mise en avant systématique de la somme effectivement détenue représentera pour tout un chacun un coup de pouce (en anglais, on pourrait parler de nudge) incitant à l'attention et, potentiellement, à la retenue.
Passons aux mauvaises nouvelles. L'initiative d'Apple, repérée pour l'instant dans une version beta de son système d'exploitation, sera réservée aux britanniques clients de quelques établissements formellement supportés (dont Monzo, Starling Bank, HSBC, Lloyds, NatWest). Pourquoi cette restriction ? Sans parler des États-Unis, hors-jeu en raison de la domination des cartes de crédit, probablement parce que le Royaume-Uni possède la stratégie « open banking » la plus avancée et, surtout, la plus propice à une telle application, grâce à son haut niveau de standardisation.
Le bien-être financier commence par une information transparente et délivrée au bon moment. Les technologies modernes, entre smartphones et services en temps réel, offrent maintenant toutes les capacités nécessaires afin de la fournir, très simplement. Au-delà de l'exemple donné par Apple sur les paiements, de multiples opportunités similaires restent à explorer dans tous les domaines, qui permettraient de mieux aider les consommateurs, surtout par les temps (difficiles) qui courent. Quand les banques finiront-elles donc par s'intéresser de la sorte aux besoins profonds de leurs clients ?
Ce n'est pas tant la dématérialisation de l'argent qui a changé les habitudes de conso que la généralisation du découvert. A partir du moment où la transaction est autorisée même sans le solde disponible, on "oublie" que l'argent gratuit n'existe pas. Ceci dit, l'initiative d'Apple est intéressante !
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