Le monde entier bruisse des promesses de l'intelligence artificielle et les institutions financières ne sont pas en reste quand il s'agit de vanter les expérimentations (en attendant les « vraies » applications) que concoctent leurs équipes de pointe. À la Banque Postale, en revanche, une campagne de recrutement porte sur un tout autre domaine.
En pleine période de rentrée scolaire et tandis que les offres de formation en alternance se multiplient dans l'industrie (et ailleurs), l'établissement public met en avant sa collaboration avec Bordeaux Ynov Campus, notamment auprès des recalés et autres déçus de Parcours Sup, victimes idéales pour une opération plutôt discutable, afin de leur proposer un cursus (dont le tarif, s'il est aligné avec les pratiques de l'école, serait de l'ordre de 8 500 euros par an) leur permettant de devenir… « experts mainframe ».
Avec un peu de chance, mais la description en deux tweets n'est pas très claire sur ce point, le programme, de niveau mastère 2 (bac+5) comprendra également l'apprentissage du développement web et mobile. Cependant, connaissant la situation des départements informatiques des grands groupes bancaires, en pénurie sur quasiment tous leurs métiers mais en tension extrême sur les vieux systèmes hébergeant des fonctions critiques, dont les spécialistes historiques sont désormais à la retraite, le message est parfaitement clair : c'est sur les dinosaures que portent les besoins prioritaires et que l'appel est lancé.
Je m'interroge : les responsables chargés d'accueillir les futures recrues auront-ils l'honnêteté de leur expliquer que, sous les atours d'une entrée dans le monde de l'informatique d'un secteur pour lequel elle est stratégique, elles seront essentiellement reléguées à des rôles de maintenance de logiciels en fin de vie et que leurs acquis dans ces fonctions ne leur seront guère utiles ailleurs ? Quant aux opportunités d'évoluer vers des technologies plus « excitantes », qui leur seront peut-être vantées, il ne faudra pas être naïf : la compétence « mainframe » agira comme un élastique ramenant leurs détenteurs vers les mêmes postes tant que son objet restera d’actualité.
Quand les entreprises en sont réduites à de telles extrémités, jouant, dans une certaine mesure, avec l’avenir de jeunes étudiants sans expérience, l'heure est probablement venue de reprendre le problème à sa source et, enfin, envisager une modernisation qui n’a que trop tardé. Car même si la tactique employée ici parvient à soulager la pression, le répit sera de courte durée, le temps que les nouveaux arrivants comprennent le piège dans lequel ils sont tombés. Pour ceux qui s’en souviennent, le passage à l’an 2000 a déjà démontré ce phénomène et aucune amélioration n’a été enregistrée depuis.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Afin de lutter contre le spam, les commentaires ne sont ouverts qu'aux personnes identifiées et sont soumis à modération (je suis sincèrement désolé pour le désagrément causé…)