Qui se souvient des « offres liées à la carte » (CLO pour l'acronyme en anglais), ces promotions ciblées intégrées dans les relevés bancaires ? En une quinzaine d'années, elles se sont discrètement imposées dans le paysage, généralement par l'intermédiaire de jeunes pousses spécialisées. Jusqu'à ce que Chase saisisse l'opportunité…
Le principe de fonctionnement n'a guère changé depuis les origines et la filiale de J.P. Morgan n'y introduit aucune nouveauté marquante. Ses clients disposent ainsi d'un espace dédié au sein de leurs applications web et mobile, où ils se voient proposer des remises (sous forme de « cashback ») sélectionnées à partir d'une analyse de leurs habitudes de dépenses. Il leur suffit alors de valider celles qui les intéressent pour en bénéficier dès qu'ils règlent un achat éligible avec leur carte de paiement.
Naturellement, ce qui fait la valeur du système est son exploitation des données détenues par l'institution financière, susceptibles de lui procurer une connaissance intime de chaque individu et, de la sorte, de choisir précisément à qui les campagnes sont adressées. Le commerçant qui la finance a alors l'assurance d'optimiser l'efficacité de son opération et la rentabilité de son budget, tandis que le client ne reçoit, normalement, que des sollicitations qui correspondent à son contexte et à ses habitudes.
Incidemment, dans l'implémentation de Chase, les critères mis en œuvre – et exposés aux marchands, donc – ne se réduisent pas à quelques préférences de marques ou à des catégories spécifiques de produits et services de prédilection (comme dans l'exemple classique d'un cadeau BurgerKing aux fans de McDonald's). Il est également possible, entre autres, d'identifier les nouveaux clients potentiels, les fidèles de longue date… ou encore les « lâcheurs » qui ne sont pas revenus depuis un certain temps.
Si l'accès aux informations constitue la clé de voûte d'un programme de CLO, les banques qui les conservent ont jusqu'à maintenant recouru à des partenariats, avec des acteurs ayant bâti une expertise spécifique, pour leur développement et leur déploiement (dans leur environnement). Il est vrai qu'il s'agit d'un métier qu'elles ne maîtrisent pas a priori, non pas tant sur le plan technique que sur le volet des relations avec les entreprises, relevant d'un véritable accompagnement marketing.
Cependant, entre les velléités de prendre pied dans des domaines extra-financiers et les désirs récurrents de monétiser le trésor qui gît au fond des centres informatiques, la tentation est grande de reprendre la main. C'est ce que fait aujourd'hui Chase avec le lancement de sa division « Media Solutions », issue de l'acquisition d'une startup (Figg), il y a presque deux ans. Avec ses 80 millions de clients, qui sont autant de cibles potentielles, elle prend instantanément l'avantage dans le cœur des commerçants.
La logique est implacable. Non seulement l'institution trouve-t-elle dans cet ajout un moyen de fidéliser les consommateurs, argument principal du concept de CLO, son appropriation lui permet dorénavant d'en engranger intégralement les revenus… tout en offrant un service attractif et différenciateur aux entreprises, qui deviennent par la même occasion des prospects prêts à conquérir. Le tout dans un contexte américain de plafonnement à venir des commissions d'interchange, qui promet de sérieusement handicaper les programmes marketing traditionnels sur les cartes de crédit…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Afin de lutter contre le spam, les commentaires ne sont ouverts qu'aux personnes identifiées et sont soumis à modération (je suis sincèrement désolé pour le désagrément causé…)