Le troisième palmarès FinTech100 élaboré par le Pôle Finance Innovation et Trufle Capital nous fournit aujourd'hui une excellente opportunité d'analyser l'état de l'écosystème en 2024… au-delà des constats évidents, entre raréfaction des capitaux et mouvement de consolidation, qui affectent profondément le nouveau classement.
Parmi les points forts relevés notamment par BPCE, partenaire de l'étude, je retiendrai ici les trois qui me paraissent les plus marquants, surtout dans la mesure où ils déterminent les spécificités du paysage hexagonal en comparaison d'autres régions (et je pense plus particulièrement au Royaume-Uni et aux États-Unis) : le positionnement dans la chaîne de valeur, les préoccupations vis-à-vis de la réglementation et… l'adoption massive de l'intelligence artificielle (quelle surprise 😀).
Sur le premier volet, c'est une tendance historique qui continue à s'affermir : désormais plus de sept jeunes pousses de la liste sur dix (72% exactement) opèrent en « B2B » et distribuent leurs produits auprès des acteurs financiers. La FinTech des origines, qui visait à se substituer à ces derniers en offrant une expérience « digitale » directement aux clients déçus par les institutions traditionnelles, laisse ainsi de plus en plus la place à un modèle d'éditeur de logiciel ciblant le secteur bancaire ou de l'assurance.
Il ne faut hélas pas s'étonner de cette évolution vers ce qui fut un temps nommé « TechFin » quand on voit combien les tentatives de lancement de solutions « B2C », qu'elles soient à l'intention du grand public ou des entreprises, sont découragées. Évoquez un tel projet et tout le monde vous dira que c'est irréalisable tandis que les bailleurs de fonds se détourneront de vous. L'audace et la persévérance nécessaires ne sont pas suffisamment développées dans ce pays pour ce genre d'aventure difficile.
La réticence généralisée est d'autant plus regrettable que les plus grands succès de la FinTech tricolore – dont, par exemple, ses licornes : Lydia, Younited, Qonto, Alan, Swile, Pennylane, Payfit, Pigment… – ont presque tous une approche directe, ce qui est parfaitement logique car celle-ci est beaucoup plus propice à l'hypercroissance que l'édition de logiciel. Incidemment, elle ouvre la porte aux startups étrangères (pensez à Revolut, N26, Wise…) qui jouissent alors d'un marché sans concurrence locale.
Dans ce contexte, il est en revanche incompréhensible que la réglementation soit présentée comme un défi par la plupart de ces organisations, qui, n'étant que des fournisseurs de technologie, ne sont donc pas soumises aux exigences les plus sévères, propres à la finance. Celles qui les affectent, par exemple autour de la protection des données et l'IA, pourraient pourtant être appréhendées comme des moyens de gagner la confiance de leurs clients avec l'avantage d'une intégration « native ».
Enfin, après un démarrage timide en 2022, l'intelligence artificielle fait paraît-il une entrée en force dans la moitié des entreprises citées. Malheureusement, elle est essentiellement mise en œuvre dans l'univers du marketing, où elle ne contribuera guère à améliorer les offres. Là encore, l'audience visée explique probablement ces progrès modestes, quand on sait à quel point les grands groupes restent méfiants envers ces technologies et s'en tiennent pour l'instant à l'observation et l'expérimentation.
En conclusion, la FinTech française se répartit aujourd'hui entre une petite poignée d'acteurs cherchant réellement à rompre le statu quo et une vaste quantité d'éditeurs de logiciels s'adressant à des établissements classiques peu enclins aux transformations radicales. Entre un effet de volume minimal pour les premiers et l'immobilisme des seconds, notre secteur financier risque de peu évoluer à moyen terme.
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