Prise dans une tourmente sans fin, qui entraîne sa dépréciation sur les marchés, Société Générale semble désormais à la merci d'un prédateur et ses récentes annonces stratégiques n'y changent rien. Pourtant, derrière les apparences, celles-ci recèlent peut-être les fondations d'une véritable révolution de son modèle, dans une vision à long terme.
Si je parle de cygne noir, en référence à la théorie élaborée par Nassim Taleb, c'est que rien n'indique à ce stade que l'hypothèse que je formule fait effectivement partie des plans de la banque et que, en outre, ses chances réelles de succès, si elle était mise en œuvre, seraient extrêmement faibles. En revanche, elle possède un extraordinaire potentiel de renversement des positions dans le secteur financier en France (voire en Europe), qui vaudrait à la Société Générale d'être beaucoup mieux valorisée.
Revenons donc sur le fameux programme proposé par le groupe rouge et noir à l'horizon 2025. Il comporte, d'une part, une vaste opération de fusion de ses deux grands réseaux existants (Crédit du Nord et Société Générale), qui concerne à la fois son empreinte physique (le nombre d'agences devant passer de 2 100 à environ 1 500) et ses systèmes d'information. Remarquons au passage que ce dernier aspect rappelle funestement l'ancien projet Convergence abandonné en 2015 (pour cause d'excès de complexité ?).
Le deuxième volet, quant à lui, porte sur Boursorama et plus spécifiquement, bien entendu, sur ses activités de banque « digitale ». Déjà leader sur son segment, elle se voit assigner un objectif ambitieux de conquérir 2 millions de clients supplémentaires sur la période, quitte à reporter l'atteinte de la rentabilité (dorénavant fixée à l'exercice 2024), en considérant que, une fois le point d'équilibre franchi, son efficacité opérationnelle exceptionnelle lui permettra de dégager une forte profitabilité.
En résumé, et en combinant les deux informations plutôt que de les analyser séparément, le schéma qui se dessine met en correspondance une tentative de réduction massive des coûts dans la banque traditionnelle avec un investissement conséquent, d'un niveau équivalent, en faveur du développement des services en ligne. Un autre facteur à souligner est l'évolution des nombres de clients : 10 millions aujourd'hui pour les réseaux (en baisse ?) face à 4,5 millions (espérés) en 2025 du côté de Boursorama.
Si le cap est maintenu, notamment en termes d'efforts consentis, l'orientation devient claire : en perspective, une inversion finira par se produire entre les deux modèles, accompagnant l'inévitable transition d'une majorité de clients vers une relation à distance, actuellement stimulée par la crise sanitaire. L'aboutissement final de cette évolution consisterait alors à faire disparaître les enseignes historiques au profit de Boursorama, dans une démarche d'auto-cannibalisation digne des plus grands innovateurs.
Pour (hautement) improbable qu'il soit, le scénario est d'autant plus intéressant à explorer qu'il n'est raisonnablement applicable, dans l'hexagone, qu'à Société Générale, seule à disposer d'une filiale « digitale » à l'offre aussi étoffée et à la dimension suffisante pour imaginer en faire en quelques années le socle d'un « nouveau départ ». Cette situation unique pourrait aisément contribuer à en faire une championne dans les décennies à venir. Mais ses dirigeants auront-ils l'audace d'organiser une telle révolution ?
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