Sa ronde de financement de 6 millions de dollars conclue il y a quelques jours nous procure une occasion de nous pencher sur le cas de Pula, une jeune pousse helvético-kényane, fondée en 2014, qui veut développer l'assurance agricole sur le continent africain, grâce à des produits et une stratégie de distribution adaptés à leur contexte.
Côté solutions, d'abord, l'approche retenue consiste, de manière relativement classique, à capitaliser sur les technologies modernes, en particulier l'analyse de données, afin de proposer des couvertures efficaces et économiquement viables pour des exploitations de petite taille et à faible productivité. Il n'est donc pas question de procéder à des visites d'estimation des risques lors de la souscription ni d'organiser une inspection systématique pour l'évaluation des dommages à indemniser quand survient un sinistre.
Concrètement, les experts de Pula divisent leurs régions de présence en zones homogènes du point de vue agro-écologique et déterminent des niveaux de référence pour chacune. Dans le cas de son assurance des récoltes, par exemple, la startup sélectionne un échantillon de fermes, dans lesquelles ses représentants se rendent le moment venu et participent eux-mêmes à la moisson afin de mesurer la situation réelle et calculer, par comparaison avec l'indice de base, les compensations à verser à tous.
Pula est cependant confrontée à un autre immense défi, commun, celui-ci, à toutes les compagnies d'assurance du monde : comment convaincre sa clientèle cible de l'intérêt de souscrire une police ? Pétri d'une multitude de biais cognitifs quasiment imparables, l'être humain est ainsi fait qu'il est naturellement réticent à se projeter dans l'avenir, notamment quand il s'agit d'envisager le pire. Dans ces conditions, il s'avère toujours difficile de faire valoir l'importance de se protéger contre un aléa futur.
Afin de surmonter l'obstacle, Pula commercialise ses contrats par l'intermédiaire de partenaires qui, eux, comprennent et souhaitent maîtriser les enjeux des incertitudes de l'avenir (voire cherchent à en profiter). Ce sont les institutions financières qui désirent garantir le remboursement des prêts qu'elles consentent, ce sont les organismes gouvernementaux qui souhaitent maximiser le rendement de leurs subventions, ce sont les fournisseurs de panneaux solaires qui veulent éviter les impayés de loyers…
Ce sont encore les producteurs de semences et d'engrais qui non seulement préfèreront que leurs clients restent en activité et solvables mais, surtout, bénéficieront directement de la couverture météo à court terme (moins d'un mois), qui dédommage les défauts de germination et permet de relancer une plantation immédiatement, sans perdre une saison complète. À chaque fois, l'assurance est incluse automatiquement avec le produit sous-jacent, évitant de la sorte de devoir persuader chaque fermier de signer.
Au-delà de ses objectifs de croissance profitable, Pula s'investit d'une mission critique en faveur de l'agriculture africaine, alors que le changement climatique promet d'accroître l'imprévisibilité des conditions environnementales et menace la survie de millions de personnes dépendantes de l'agriculture locale. Mais sa démarche peut aussi se décliner dans des applications moins dramatiques, partout où l'assurance peine à séduire sa clientèle potentielle alors qu'il existe peut-être des bénéficiaires indirects…
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