Quelque chose vient de changer dans l'industrie bancaire américaine. En un demi-siècle, l'informatique est devenue critique pour son fonctionnement, mais elle est pourtant restée perçue comme un service de support. Or une série d'annonces laisse aujourd'hui entrevoir une prise de conscience de son caractère éminemment stratégique.
Bien sûr, les discours officiels des institutions financières accordent depuis longtemps une importance conséquente aux technologies, allant parfois jusqu'à prétendre qu'elles se sont muées en entreprises de logiciel. La réalité est cependant souvent beaucoup moins catégorique, comme chacun peut le constater, dans la plupart des établissements, à la faible présence de spécialistes dans les instances dirigeantes ou aux politiques d'allocation budgétaire à l'intention des directions des systèmes d'information.
C'est justement sur ce dernier plan qu'une inflexion semble se produire ces derniers mois. En effet, les banques nous ont habitués au fil des années à présenter des plans à long terme assortis d'engagements faramineux en milliards d'euros ou de dollars, qu'elles coupent sans vergogne à la moindre alerte sur les résultats ou au premier hoquet des analystes et des actionnaires, démontrant ainsi par les faits, à l'opposé de leurs grandes déclarations, le peu de considération qu'elles portent en vérité à leur informatique.
Mais que se passe-t-il donc actuellement ? Alors que la situation économique globale se dégrade, qu'une récession se profile à l'horizon, que des mesures d'économies se préparent, que certains métiers connaissent des difficultés et que leurs profits sont menacés, plusieurs acteurs majeurs – Citizens, U.S. Bank, Bank of America, JPMorgan Chase, cette dernière ayant déjà subi l'ire du marché face à ses ambitions initiales – maintiennent le cap et poursuivent leurs investissements dans la technologie.
Il faudra voir dans les mois à venir si la tendance perdure et résiste à une crise durable mais il s'agit peut-être d'une évolution sensible dans les attitudes, poussée par la reconnaissance du retard pris dans la modernisation des applications historiques et la nécessité d'accélérer la « digitalisation » afin d'éviter l'obsolescence. Incidemment, les performances enregistrées par les initiatives les plus avancées (par exemple chez Bank of America) contribuent à convaincre les décideurs de la valeur de ces orientations.
Naturellement, il ne suffit pas d'injecter de l'argent pour transformer une institution financière en leader « digital » mais, outre que cela représente un pré-requis essentiel, le signal donné en interne par le positionnement résolument stratégique de l'informatique est également critique pour le succès. Maintenant, je suis curieux de découvrir si les établissements européens (français, en particulier) adopteront une stratégie similaire ou s'ils s'entêteront à rogner sur leurs investissements en période difficile, au risque de laisser se creuser l'écart concurrentiel et d'hypothéquer leur avenir.
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