Le mois dernier, le Crédit Agricole déployait une version entièrement rénovée de son application mobile pour les particuliers. En dehors de tout jugement sur ses qualités, les commentaires accumulés depuis sa publication illustrent de manière très éloquente comment une entreprise perd parfois totalement de vue les attentes basiques de ses clients.
Les faits. Parmi les réactions visibles à date sur la vidéo YouTube annonçant la mise à jour le 16 juin (et le constat est identique sur les App Stores, où les notes semblent en baisse), une forte majorité concernent la disparition des fonctions de gestion de budget, de pointage et de catégorisation des opérations, dans une gamme d'émotions qui oscille entre regrets et (surtout) colère. Il peut certes être argué que ces récriminations ne sont pas représentatives des 7 millions de clients de l'établissement… mais pour une initiative qui s'affirme co-construite avec 22 000 d'entre eux, le couac est notable.
Que les concepteurs aient décidé, peut-être (probablement) au vu de statistiques d'utilisation trop faibles, que ces options n'étaient finalement pas indispensables n'a évidemment rien de critiquable. Le maintien de l'équilibre entre la richesse et la simplicité exige souvent de faire des sacrifices. En revanche, plus condamnable est le choix de ne pas communiquer clairement à ce sujet en amont, au moins aux adeptes de ces capacités abandonnées, qui se sentent désormais méprisés. Quel que soit leur nombre.
Autre incohérence manifeste, quand les responsables expliquent que la catégorisation des transactions sera rétablie… à la fin de l'année, ils ne se contentent pas de perturber les habitudes des mobinautes pendant quelques mois, ils introduisent une rupture dans leurs bonnes pratiques de maîtrise de leur santé financière et les découragent de poursuivre leurs efforts (ne serait-ce qu'en raison du rattrapage conséquent à prévoir). Une telle ignorance des besoins de ces personnes représente une véritable faute.
Je soupçonne que ces oublis sont dus, pour partie, à une volonté plus ou moins délibérée de passer sous silence tout changement qui n'est pas un ajout, au risque de déclencher une rébellion bien plus dommageable, et, pour une autre partie, à une perception de la clientèle comme d'une masse homogène, au sein de laquelle l'individu (ou un petit groupe) et ses préférences spécifiques n'ont aucune place. Ce n'est pas ainsi que la banque fera croire qu'elle a remis ses usagers au centre de ses préoccupations.
Il n'aurait pourtant pas été difficile ni coûteux de prévenir les consommateurs impactés par les modifications à venir ou bien de permettre à ceux qui dépendent des outils encore en chantier de continuer à utiliser l'ancienne version de l'application – qui, dans tous les cas reste active pour tous ceux qui ne procèdent pas immédiatement aux mises à jour disponibles sur leur téléphone – en attendant qu'ils y retrouvent ce qu'ils demandent (et quid de cette précipitation incongrue à distribuer une itération incomplète ?).
Soulignons que, incidemment, le Crédit Agricole n'est pas un cas unique. Lors de la migration de ses systèmes vers le socle d'Arkéa, AXA Banque a agi avec la même désinvolture vis-à-vis de ses clients, évacuant sans vergogne et sans avertissement des services importants (dont l'assistant intelligent de Personetics) ou retardant, sans plus de précautions, la mise en œuvre d'autres (dont le pilotage des cartes). Que peu de personnes soient touchées n'est certainement pas une excuse à tant de discourtoisie.
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