Alors que les grands groupes ont fait depuis quelques années de l'agilité le nouveau mantra de leurs projets, la présentation que donne Meng Liu (Forrester) du modèle opérationnel d'une des néo-banques les plus performantes de Hong Kong me conduit à questionner ses limitations face à quelques angles morts de l'expérience client.
Bien qu'il n'en soit pas explicitement question dans le billet, l'autonomie quasi totale qu'accorde la jeune pousse à ses « propriétaires de produit » (« product owners » ou « PO ») et dont il est fait mention pour justifier de son excellence constitue bien un des piliers des méthodes agiles. Chacun de ces individus devient de fait l'équivalent d'un directeur général possédant tout pouvoir sur son périmètre, dans une approche de responsabilité distribuée destinée à démultiplier l'efficacité de l'organisation.
Or, derrière cette vision apparemment idyllique, surgit immédiatement le danger de (re)créer des silos fonctionnels qui nuisent à la qualité de la solution globale mise en œuvre. Ou, pour prendre un peu de recul et de perspective sur le sujet, n'existe-t-il pas une contradiction intrinsèque à simultanément promouvoir une démarche de conception et développement centrée sur un produit et essayer de répondre aux exigences plus profondes de focalisation sur les besoins et les attentes des clients de l'entreprise ?
Même sans évoquer les cas où l'objet du projet est tourné vers l'interne et le « PO » n'est qu'un autre nom pour un chef de projet classique, la prise en compte du point de vue de l'utilisateur final, quand elle n'embrasse que le champ du produit considéré par chaque équipe, est singulièrement étroite. À quelle étape se préoccupera-t-on sincèrement – c'est-à-dire indépendamment du contexte d'une offre – des moments de vie du client, qui représentent pourtant le point d'ancrage incontournable de leurs parcours ?
Ce défaut presque universel fournit probablement une des principales raisons pour lesquelles, par exemple, les applications mobiles des institutions financières, y compris celles qui ont été actualisées très récemment, certainement en déployant les meilleures pratiques de l'agilité, restent désespérément structurées par service bancaire et non par catégorie de besoins et de situations, ce qui semblerait pourtant être l'option de bon sens si elles visaient un alignement optimal avec les attentes de leurs usagers.
Comme avec n'importe quelle méthodologie qui veut apporter une réponse à une problématique spécifique, il faut toujours se méfier de ses inconvénients collatéraux et trouver le meilleur moyen de les résorber. En l'occurrence, la logique voudrait qu'un équilibre soit systématiquement trouvé entre l'exécution, en toute autonomie, des projets élémentaires et une sorte de pilotage transverse de l'expérience, élaboré à travers le regard du client, afin d'assurer leur cohérence et leur intégration dans son univers.
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