En dépit de sa sa présentation positive, la révélation par UniCredit des (seulement) 410 000 clients conquis par son offre 100% « digitale » BuddyBank en cinq ans d'existence est vraisemblablement à l'origine de sa décision de transformer son modèle. Hélas, comme beaucoup d'autres dans la même situation, elle se replie sur ses habitudes ancestrales au lieu de tirer les enseignements de ses erreurs.
C'est une tendance qui semble s'installer dans tous les établissements historiques, un peu partout dans le monde, qui n'ont pas réussi à imposer leur marque de banque mobile sur le marché… en particulier face à des acteurs natifs (« pure players »). Étrangement convaincus que les consommateurs attendent une autre dimension de la relation, ils prétendent révolutionner le concept… en y introduisant, sous prétexte de flexibilité, des capacités d'interactions humaines, notamment dans leurs agences.
Dans le cas d'UniCredit, le lancement de Buddy R-Evolution – qui s'offre donc un nouveau nom afin de mieux marquer sa transition – comporte deux spécificités. D'une part, la plate-forme conserve un canal de tchat qui permettait déjà d'échanger (plutôt pour des urgences) avec une personne en quasi temps réel, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. D'autre part, elle ajoute une option de visite à domicile, ou autre lieu à la demande, pour du conseil à valeur ajoutée (par exemple, l'accompagnement de projet immobilier), dont, malheureusement, les précédents laissent entrevoir une faible adhésion du public.
Ces caractéristiques ne justifieraient évidemment pas de consacrer un article à l'annonce. En revanche, cette dernière m'interpelle singulièrement par sa lourde insistance à légitimer la démarche comme une réponse à une demande explicite des clients, dont la banque martèle à répétition qu'ils sont au centre de ses préoccupations et qu'elle les écoute attentivement. Mais, s'il s'avère qu'ils expriment une frustration avec le fonctionnement actuel de BuddyBank, la solution apportée est-elle pertinente ?
En prenant comme références les grandes néo-banques européennes (N26, Revolut…), dont tout porte à croire que leurs millions d'adeptes se satisfont largement de leurs applications en ligne et de leurs centres d'appel sans réclamer qu'elles ouvrent des implantations physiques, il reste à supposer soit que le concurrent concocté par UniCredit est mal conçu au point de requérir un complément d'assistance de proximité contraire à sa philosophie, soit qu'il ne séduit que des individus qui n'adhèrent pas à sa promesse principale, dans une erreur de ciblage qui paraîtrait alors catastrophique.
Quelle que soit la vérité, probablement une combinaison des deux facteurs, le choix de faire évoluer le modèle en vue de le rapprocher de la banque traditionnelle, avec laquelle il devient redondant, reflète une extraordinaire paresse intellectuelle qui conduit à l'abandon des velléités de changement en profondeur et la disparition de toute vraie stratégie « digitale », en dehors d'un retour en terrain connu et (supposément) sans risque. En guise de recommandation, je conclurai sur cette assertion : écouter la voix du client ne vaut que si on cherche ensuite à comprendre ce qu'elle traduit réellement.
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