Quand Revolut a commencé à commercialiser sa solution propriétaire de gestion des ressources humaines (sur un marché encombré), j'y voyais une simple excentricité. Or j'ai appris hier, à l'occasion d'une session de FinTech R:evolution 2025, que Checkout.com a aussi créé sa propre plate-forme. Serait-ce une tendance ? Est-elle justifiée ?
Historiquement, il s'agit probablement d'un des premiers domaines de l'entreprise dans lesquels l'externalisation informatique s'est imposée, sans être fondamentalement remise en cause pendant plusieurs décennies. Le raisonnement, apparemment logique, consiste à considérer que la gestion des effectifs est la même dans toutes les organisations et qu'un même logiciel est parfaitement à même de couvrir tous les besoins qu'elles ont en commun, en profitant ainsi d'économies d'échelle.
Mais pourquoi alors, deux FinTech (au moins) consacrent-elles une partie de leurs efforts à construire un système sur mesure ? Leurs fondateurs et directeurs généraux ont la même réponse, bien que formulée un peu différemment : pour Nik Storonsky, les produits du marché ne correspondent pas aux modes de fonctionnement de Revolut, tandis que, pour Guillaume Pousaz, l'objectif est d'aligner l'outil sur les valeurs de Checkout. Leur préoccupation est de prolonger le succès dans l'hyper-croissance.
Ces visions révèlent deux clés essentielles de la réussite, susceptibles d'inspirer toutes sortes de structure (d'une certaine taille). D'une part, les employés constituent le capital le plus précieux de l'entreprise, qui doit donc être appréhendé comme un actif stratégique (ce qui vaut d'être rappelé dans un moment où l'IA pourrait prendre leur place). D'autre part, la plate-forme RH peut devenir un facteur d'ancrage de la culture, critique partout mais encore plus dans une transition de 10 à 1 000 salariés.
Dans une large mesure, cette approche revient à renverser l'a priori classique qui définit la gestion du personnel comme une fonction de support, sans caractère distinctif, perçue exclusivement comme un centre de coût. Au contraire, si on considère que les individus qui viennent travailler chaque matin sont une composante majeure de la performance, ils doivent évidemment bénéficier d'un modèle de suivi qui reconnaît celle-ci et, à l'extrême, par ricochet, se transforme lui-même en avantage concurrentiel.
Selon toute vraisemblance, l'appétence technologique des jeunes pousses en question influence leur choix de méthode. Il n'en reste pas moins que le déploiement d'un outil qui, en quelque sorte, fixe – sans obligatoirement les figer – les principes et les règles peut contribuer à éviter les écarts ponctuels puis les dérives à long terme par rapport aux valeurs internes. En revanche, la démarche est plus facile à mettre en œuvre dans un contexte de croissance, où ces orientations se diffusent d'abord par immersion dans une petite équipe, que dans un grand groupe partant d'une situation hétérogène.