La tendance ressemble à une vraie chasse au trésor mythique : bien que les incertitudes économiques pèsent sur les projections du second semestre, Gartner anticipe tout de même une croissance de presque 8% des dépenses informatiques des entreprises sur l'année 2025, principalement consacrée à des objectifs sans aucune matérialité.
Le coupable d'une situation qui devient rapidement ubuesque ? L'intelligence artificielle, bien sûr ! De tout temps, et parfois jusqu'à l'absurde, les directions des systèmes d'information ont été tenues de justifier leurs budgets par leur contribution aux résultats de l'entreprise. Avec cette nouvelle lubie technologique, qui, décidément, prend des proportions dangereuses, il n'est plus question d'explication autre que l'acquisition des derniers gadgets à la mode… pour préparer un avenir plein d'inconnu.
Comment interpréter autrement les estimations que nous proposent les analystes de Gartner ? L'augmentation totale (de 7,9% précisément) est déjà élevée, il s'avère qu'elle prend en compte un certain ralentissement conjoncturel sur les domaines des services et des logiciels, tandis que les infrastructures devraient progresser de plus de 40%. Pourquoi ? Parce que les dirigeants des grands groupes estiment que l'IA définira leur compétitivité future et qu'il leur faut donc s'équiper en conséquence, maintenant.
L'erreur est aussi incompréhensible que dramatique. En dehors de quelques rares exceptions, déployer aujourd'hui des centres de production spécialisés pour l'intelligence artificielle n'a aucun intérêt : les organisations en sont principalement au stade expérimental, sans avoir identifié des cas d'usage présentant un modèle économique global positif, donc sans savoir quels seront leurs besoins réels à moyen terme. Et les matériels qu'elles achètent actuellement seront obsolètes dans quelques mois.
Pire, la perception qu'a Gartner du marché de l'IA générative (celle qui focalise l'attention pour l'instant) suggère sa descente dans ce que le cabinet qualifie de puits des désillusions, quand les promesses initiales commencent à être mises en doute en raison de résultats peu concluants sur le terrain. Cette évolution naturelle des innovations technologiques s'accompagne (logiquement) d'une réduction plus ou brutale des mises en œuvre, risquant de laisser ainsi les nouveaux serveurs sous-exploités.
La dérive paraît d'autant plus irritante que d'autres domaines auraient grand besoin d'argent frais. Sans même parler de la modernisation indispensable des systèmes historiques, il serait judicieux, même pour faciliter l'adoption de l'IA, d'éliminer les obstacles à l'accès aux données hébergées dans les « data centers » et verrouillées dans des silos étanches. Il serait certainement plus facile de calculer un retour sur investissement pour de tels projets que pour une infrastructure dont nul ne peut dire à quoi elle servira. À moins que la notion de RoI soit devenue soudain caduque ?
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