Cette initiative de Standard Chartered ouvre une vaste perspective sur une approche originale de la gestion des compétences, pour plus d'engagement des salariés, plus d'opportunités d'évolution, plus de flexibilité… et elle m'interpelle particulièrement car elle résonne avec un projet que je portais il y a quelques années (sans concrétisation).
Les départements de ressources humaines des grands groupes font aujourd'hui face à de multiples défis, entre la rareté des talents disponibles dans les métiers les plus recherchés, la loyauté en baisse des collaborateurs, leur quête de sens, l'impératif d'anticiper leurs parcours de carrière (dans un contexte d'évolution rapide des qualifications requises, en raison notamment de l'impact des technologies), les transformations profondes qui affectent la manière dont les activités sont organisées…
Le nouveau dispositif de Standard Chartered n'apportera certainement pas une réponse définitive à toutes ces problématiques mais il contribuera incontestablement à les atténuer. Comment ? L'idée de base consiste à inviter les employés à proposer leurs savoir-faire, y compris ceux qui ne figurent pas formellement dans leur curriculum vitæ, sur une place de marché où des offreurs, en général des responsables de projets, expriment leurs besoins de renfort pour des missions plus ou moins ponctuelles.
Les interventions réalisées dans ce cadre viennent automatiquement compléter le passeport de compétences du salarié, qui accumule ainsi progressivement des connaissances et de l'expérience dans des domaines qui l'intéressent mais où son historique ne le rend pas immédiatement légitime. En pratique, afin de ne pas perturber le fonctionnement « normal » de l'entreprise, ni froisser les supérieurs hiérarchiques un peu rigides, les « escapades » sont plafonnées à huit heures par semaine.
Inévitablement (?), Standard Chartered affirme exploiter des modèles d'intelligence artificielle dans le but de rapprocher les demandeurs et les missions sur sa plate-forme. Or je crois qu'une telle automatisation est non seulement inutile mais aussi potentiellement contre-productive. Dans mon esprit, les choix doivent rester entièrement à l'initiative des individus, qu'il s'agisse des postes dans lesquels les uns ont envie de s'impliquer ou des personnes auxquelles un manager confiera une tâche. Un puissant moteur de recherche devrait largement suffire à optimiser les correspondances.
Toujours est-il que les bénéfices de la démarche devraient être considérables. Outre la faculté pour les uns de se frotter à des sujets ou métiers qui les sortent de leur ordinaire et pour les autres de combler plus facilement des trous dans leur casting, on soulignera entre autres l'enrichissement de la fibre collaborative des effectifs et son impact sur la propagation d'une culture commune, l'opportunité de formation, plus efficace, par des moyens (immersifs) alternatifs et de découverte « à l'essai » d'un nouveau poste, la capacité à mieux occuper les salariés désœuvrés (il y en a toujours)…
Standard Chartered indique que 39 000 de ses collaborateurs (pas loin d'un sur deux) sont inscrits sur la place de marché et ont contribué à plus de 2 700 missions depuis son lancement, pour un gain de productivité estimé à 8,5 millions de dollars. Le modèle n'est évidemment pas pour tout le monde, et il ne doit en aucun cas se transformer en obligation (y compris implicite), mais l'ouverture d'un tel système procure d'extraordinaires possibilités de développement personnel pour les plus impliqués.
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