À l'écart des établissements destinés au commun des mortels, installées dans leurs habitudes de relation individuelle entre client et conseiller, les banques privées n'en sont pas moins aujourd'hui rattrapées par la révolution numérique. Un débat organisé par Euromoney nous donne l'occasion de sonder leur état d'esprit face à ce défi…
Afin de garantir une certaine diversité des positions prises, les représentants des branches de banque privée de 4 grandes institutions étaient invités à témoigner lors de cet événement, début juillet : BNP Paribas, La Caixa, Citi et Société Générale. Par ailleurs, les discussions étaient pimentées par les interventions de 2 startups : Flip, une banque mobile de nouvelle génération, et Nutmeg, l'une de ces entreprises qui veulent réinventer l'investissement avec une solution de gestion de portefeuille automatisée.
D'une manière générale, les préoccupations exprimées sont finalement très proches de celle de la banque de détail classique, même si elles sont peut-être prises en compte avec un peu de retard. Ainsi, la mise en avant des attentes du client, l'émergence de nouveaux besoins d'outils numériques, l'accélération des évolutions du métier (y compris les contraintes réglementaires), l'impératif d'interactions « cross-canal » (permettant un passage transparent et instantané d'un canal à un autre)… figurent en tête des sujets d'actualité listés par les participants.
Face à leur inquiétude, les deux startups invitées exposent leur sérénité, avec des discours ne suscitant cependant pas plus de surprises. En particulier, Nutmeg se satisfait d'un statut de non concurrente, visant une clientèle moins fortunée que celle des banques privées, pour laquelle l'automatisation du conseil suffit et génère un modèle rentable. Elle note tout de même une tendance au rejet des établissements traditionnels et à la désillusion de la part d'une frange de la population, qui lui donne un avantage certain chez les consommateurs qui recherchent plus de transparence.
Pourtant, la suite des discussions laisse entrevoir les premières craquelures dans le vernis de modernité affichée… Premier exemple, tout en reconnaissant que leurs clients ont désormais accès à une quantité colossale d'information grâce à Internet, nos banquiers estiment que leur rôle reste essentiel pour lui appliquer les « bons » filtres, en extraire l'essence et restituer ce qui est nécessaire afin d'en comprendre et maîtriser les implications sur un portefeuille financier.
Sur cette lancée, le raisonnement est prolongé dans une direction étonnante : la mission des outils numériques – distribuant cette information personnalisée – serait alors principalement de ramener le client vers son conseiller dédié, seul capable d'interpréter les données disponibles pour atteindre les objectifs fixés. En arrière-plan de ce point de vue, les banquiers affirment même leur conviction qu'exprimer une demande spécifique est inconcevable sur le web et que seules des solutions standardisées peuvent être délivrées à travers les canaux à distance.
Forts de cette conviction, les intervenants considèrent – à des degrés variés, toutefois – que la banque privée ne peut exister sans relation directe avec un conseiller humain. Les services numériques ne resteront que des moyens de support. Le représentant de Nutmeg est seul à souligner qu'il serait dangereux de sous-estimer le risque d'une révolution des comportements, notant au passage que l'exigence d'un conseiller personnel répond souvent à un désir de réassurance plus que de réelle expertise.
Au milieu d'autres perceptions décalées, justifiées par une difficulté à s'extraire de leurs habitudes séculaires, je pense que ces banquiers commettent une grossière erreur d'analyse lorsqu'ils ne voient la pertinence du « digital » que pour une distribution de masse. C'est ignorer totalement la tendance à l'hyper-personnalisation, rendue possible par les nouvelles technologies de traitement des données, et qui, rapidement, touchera le secteur financier, particulièrement propice à son application.
Enfin, le débat entre Nutmeg et les banques privées pourraient également être analysé sous l'angle de l'ironie (à venir). Certes les clients de la première n'intéressent pas les secondes. Aujourd'hui. Mais que feront ces consommateurs aisés (surtout les plus jeunes, avançant dans la vie) quand ils se seront enrichis ? Se tourneront-ils vers les acteurs historiques, ressentant soudain le besoin d'un conseiller humain ? Ou bien continueront-ils à faire confiance aux plates-formes en ligne qu'ils connaissent depuis toujours ?
Afin de garantir une certaine diversité des positions prises, les représentants des branches de banque privée de 4 grandes institutions étaient invités à témoigner lors de cet événement, début juillet : BNP Paribas, La Caixa, Citi et Société Générale. Par ailleurs, les discussions étaient pimentées par les interventions de 2 startups : Flip, une banque mobile de nouvelle génération, et Nutmeg, l'une de ces entreprises qui veulent réinventer l'investissement avec une solution de gestion de portefeuille automatisée.
D'une manière générale, les préoccupations exprimées sont finalement très proches de celle de la banque de détail classique, même si elles sont peut-être prises en compte avec un peu de retard. Ainsi, la mise en avant des attentes du client, l'émergence de nouveaux besoins d'outils numériques, l'accélération des évolutions du métier (y compris les contraintes réglementaires), l'impératif d'interactions « cross-canal » (permettant un passage transparent et instantané d'un canal à un autre)… figurent en tête des sujets d'actualité listés par les participants.
Face à leur inquiétude, les deux startups invitées exposent leur sérénité, avec des discours ne suscitant cependant pas plus de surprises. En particulier, Nutmeg se satisfait d'un statut de non concurrente, visant une clientèle moins fortunée que celle des banques privées, pour laquelle l'automatisation du conseil suffit et génère un modèle rentable. Elle note tout de même une tendance au rejet des établissements traditionnels et à la désillusion de la part d'une frange de la population, qui lui donne un avantage certain chez les consommateurs qui recherchent plus de transparence.
Pourtant, la suite des discussions laisse entrevoir les premières craquelures dans le vernis de modernité affichée… Premier exemple, tout en reconnaissant que leurs clients ont désormais accès à une quantité colossale d'information grâce à Internet, nos banquiers estiment que leur rôle reste essentiel pour lui appliquer les « bons » filtres, en extraire l'essence et restituer ce qui est nécessaire afin d'en comprendre et maîtriser les implications sur un portefeuille financier.
Sur cette lancée, le raisonnement est prolongé dans une direction étonnante : la mission des outils numériques – distribuant cette information personnalisée – serait alors principalement de ramener le client vers son conseiller dédié, seul capable d'interpréter les données disponibles pour atteindre les objectifs fixés. En arrière-plan de ce point de vue, les banquiers affirment même leur conviction qu'exprimer une demande spécifique est inconcevable sur le web et que seules des solutions standardisées peuvent être délivrées à travers les canaux à distance.
Forts de cette conviction, les intervenants considèrent – à des degrés variés, toutefois – que la banque privée ne peut exister sans relation directe avec un conseiller humain. Les services numériques ne resteront que des moyens de support. Le représentant de Nutmeg est seul à souligner qu'il serait dangereux de sous-estimer le risque d'une révolution des comportements, notant au passage que l'exigence d'un conseiller personnel répond souvent à un désir de réassurance plus que de réelle expertise.
Au milieu d'autres perceptions décalées, justifiées par une difficulté à s'extraire de leurs habitudes séculaires, je pense que ces banquiers commettent une grossière erreur d'analyse lorsqu'ils ne voient la pertinence du « digital » que pour une distribution de masse. C'est ignorer totalement la tendance à l'hyper-personnalisation, rendue possible par les nouvelles technologies de traitement des données, et qui, rapidement, touchera le secteur financier, particulièrement propice à son application.
Enfin, le débat entre Nutmeg et les banques privées pourraient également être analysé sous l'angle de l'ironie (à venir). Certes les clients de la première n'intéressent pas les secondes. Aujourd'hui. Mais que feront ces consommateurs aisés (surtout les plus jeunes, avançant dans la vie) quand ils se seront enrichis ? Se tourneront-ils vers les acteurs historiques, ressentant soudain le besoin d'un conseiller humain ? Ou bien continueront-ils à faire confiance aux plates-formes en ligne qu'ils connaissent depuis toujours ?
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