Comme tant d'autres startups de la FinTech (et quelques établissements traditionnels, d'ailleurs), Robinhood insère des éléments ludiques au sein de son application mobile, afin d'encourager ses clients à plus et mieux utiliser ses services. Malheureusement (?), ils se trouvent aujourd'hui remis en question, à la suite d'une alerte réglementaire.
Une pluie de confettis sur l'écran à l'occasion d'un dépôt, des premières transactions, d'un parrainage… Il s'agissait d'une véritable marque de fabrique de Robinhood, depuis 2016. Derrière la (petite) gratification que représente l'animation graphique, l'objectif consiste, bien sûr, à renforcer la fidélité, en incitant le récipiendaire à réaliser plus d'opérations, plus fréquemment. Mais elle a une autre vertu, au moins aussi importante, d'aider les néophytes des marchés à surmonter leur appréhension, bien naturelle.
Or parmi les procédures engagées par divers régulateurs américaines à l'encontre de l'entreprise, en raison de ses multiples défaillances de ces derniers mois, une plainte déposée au Massachusetts met en exergue cette pratique, en des termes peu flatteurs, comme un exemple des stratégies déployées afin d'attirer les investisseurs novices. Face à la menace sous-jacente à peine voilée, Robinhood préfère adopter des mécanismes plus discrets avant d'être explicitement accusée de stimuler l'addiction au boursicotage.
Indépendamment du cas d'espèce, dont il faut se garder de le considérer avec un angélisme déplacé, la caractérisation de la démarche de ludification telle qu'elle est formulée par les autorités soulève une grave question sur la légitimité de l'éducation financière. En effet, en pointant du doigt, directement et précisément, un moyen relativement efficace de faciliter l'entrée dans le monde de l'investissement au citoyen lambda, ne risque-t-elle pas de nuire aux efforts nécessaires de démocratisation ?
Pourtant l'enjeu de littératie est généralement inscrit dans les missions des régulateurs aux côtés de leur rôle (souvent plus visible) de contrôle et de sanction. Par ailleurs, les décideurs politiques qui les installent à leurs postes désirent développer et populariser l'accès à l'épargne sur les marchés. Sachant que les méthodes de formation les plus performantes sont celles qui accompagnent l'« étudiant » dans l'action, comment serait-il donc possible de concilier ces exigences si les récompenses (virtuelles) – outil de motivation aussi anodin que classique – sont vues d'un mauvais œil ?
De toute évidence (du moins je l'espère), il n'est pas question, à travers l'initiative d'un législateur, de contrarier les bonnes volontés en matière pédagogique. Hélas, le doute installé par une remarque de ce genre a potentiellement des conséquences délétères : si Robinhood renonce à ses confettis, qu'en serait-il d'une institution historique, logiquement plus timorée ? Toute velléité d'ajouter un peu d'amusement dans l'investissement, pour vaincre les réticences, stimuler le passage à l'acte, valoriser les choix judicieux… serait écartée par anticipation d'une possible interprétation erronée. Et tant pis pour les personnes qui n'oseraient affronter un domaine austère et rébarbatif !
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