Quand l'analyste vedette Mike Mayo, directeur de la recherche de Wells Fargo, prédit la disparition de milliers d'emplois en raison de l'informatisation de la banque, beaucoup parmi nous sourirons au souvenir des innombrables fausses alertes du genre entendues par le passé. Pourtant, quelques arguments soulevés méritent l'attention.
Le point de départ de la réflexion est toujours le même depuis longtemps : les progrès technologiques combinés avec la transition massive des clients vers les plates-formes en ligne et mobiles, accélérée par la crise sanitaire, exercent une pression importante sur les métiers les moins sophistiqués. En conséquence, les premières « victimes » des coupes à venir, qui devraient atteindre 100 000 personnes dans les 5 prochaines années aux États-Unis, se trouveront d'abord au sein des centres d'appels et dans les agences.
Cependant, au-delà de ces prémices classiques, qui n'ont jamais abouti aux conclusions promises, émergent de nouveaux facteurs pointant vers une transformation en profondeur. En effet, la transition « digitale » fait désormais des spécialistes informatiques les collaborateurs les plus importants dans l'entreprise, devant les banquiers traditionnels. Ils monopolisent des budgets gigantesques, ils définissent les feuilles de route, ils font l'objet de toutes les attentions dans les politiques de recrutement…
Face à la forte croissance de cette population, qui comprend non seulement des développeurs mais aussi des compétences de pilotage ou de gestion des sites web et applications toujours plus nombreux et plus complexes, c'est tout simplement un ré-équilibrage comptable qui deviendrait nécessaire. Les efforts et les ressources doivent être concentrés sur les priorités du moment et, les moyens disponibles n'étant pas infinis, il faut impérativement réduire les coûts dans les domaines jugés les moins critiques.
Le raisonnement correspond incontestablement au mode de pensée des dirigeants de grands groupes, pris dans une perpétuelle recherche d'efficacité opérationnelle, ce qui lui procure une certaine autorité. En revanche, il a de quoi inquiéter, et pas uniquement les employés qui risquent d'être concernés à court ou moyen terme. Car une telle réaction quasi-mécanique, instaurée sans discernement, est susceptible d'ignorer quelques réalités du terrain, au détriment de la qualité de service délivrée aux clients.
En théorie, les rôles qui seront éliminés devraient être remplacés par des outils accessibles en libre service, avec une performance au moins équivalente. Hélas, en pratique il n'en est rien et même si des progrès majeurs sont accomplis, il subsistera un énorme décalage entre le moment où les téléopérateurs et les conseillers seront remerciés (20% des effectifs en agence, notamment) et l'appropriation généralisée par les utilisateurs des technologies mises à leur disposition. La stratégie est hasardeuse.
Pourtant, déjà, l'étape suivante se dessine. En particulier, les fonctions de back-office, qui fournissent environ la moitié des emplois des grandes enseignes du secteur, seront rapidement menacées, surtout si les freins existants, notamment réglementaires, sont levés. Mais, là encore, le mouvement de rationalisation n'est viable que pour une banque équipée d'un système d'information et dotée d'équipes techniques de très haut niveau, ce qui relève largement de la science-fiction pour la majorité d'entre elles.
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