La perspective est encore lointaine et la transition ne surviendra pas du jour au lendemain, mais l'émergence des « Monnaies Digitales de Banque Centrale » (MDBC) pointe vers un avenir inéluctable dans lequel les échanges d'argent s'effectueront nativement sous forme électronique. Que deviendra alors un réseau tel que celui de Visa ?
Comme ses concurrentes (Mastercard en tête), l'entreprise a en effet bâti sa prospérité sur sa capacité à dématérialiser les transactions conclues avec les monnaies fiduciaires, auparavant manipulées essentiellement sous leurs attributs physiques, de pièces et de billets. Depuis plus d'un demi-siècle, elle fournit l'un des principaux moyens de connexion permettant aux consommateurs, aux commerçants et aux établissements qui gèrent l'argent des uns et des autres de déplacer celui-ci plus facilement.
Le déferlement prochain des monnaies virtuelles, qu'elles émanent des états ou d'acteurs privés, d'ailleurs, risque de mettre fin à cette situation de rente, puisqu'elles sont conçues pour n'exister que dans un univers numérique. Selon les options, les comptes sont détenus par les banques centrales elles-mêmes ou par des institutions délégataires. Dans tous les cas, les mouvements sont exécutés directement par ces entités, auxquelles toutes les parties prenantes sont reliées, et tout réseau tiers devient donc superflu.
Cependant, cette vision n'exclut pas la persistance de diverses difficultés et autres frictions. Celle qui intéresse particulièrement Visa concerne les transferts entre systèmes distincts. Il s'agit en premier lieu des opérations transfrontalières, impliquant des devises et, par conséquent, des infrastructures différentes. Il faut aussi considérer les interactions avec les « stablecoins » indépendants que certains états pourraient agréer, voire avec les cryptomonnaies vedettes (bitcoin et autre) qui n'ont pas dit leur dernier mot.
Anticipant un environnement cosmopolite où cohabiteraient de la sorte une multitude d'instruments, y compris dans un marché homogène, Visa envisage le besoin pressant de mécanismes d'interopérabilité, autorisant des échanges sans entraves, sans jamais avoir à se préoccuper des détails techniques d'implémentation des monnaies utilisées. Dans cette optique, elle propose le principe d'un canal de paiement universel (UPC) dont, bien évidemment, elle s'imagine, sans trop le dire, devenir l'opérateur privilégié.
Le dispositif en question fonctionnerait par l'interconnexion, nécessairement à une échelle internationale, des monnaies « digitales » déployées aux quatre coins de la planète, en intégrant, naturellement, les règles associées (en termes de change de devise, par exemple). Il faut immédiatement noter que, bien que sa description fasse exclusivement référence à des modèles de MDBC à base de blockchain, aucun argument ne justifierait de limiter le concept présenté à une quelconque technologie spécifique.
La « beauté » de l'approche, au moins du point de vue de Visa, est la feuille de route qu'elle dessine pour son réseau existant. D'une certaine manière, ces interfaces avec les futurs systèmes représentent une simple extension de son métier actuel. Mais, dans ces conditions, l'exercice de projection est-il pour elle une tentative maladroite de se rassurer sur sa pérennité ou reflète-t-il une véritable opportunité digne d'être explorée ?
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