Deux siècles après sa naissance, la banque mutualiste semble connaître des difficultés à trouver sa place dans le monde contemporain et ses acteurs sont nombreux à essayer d'imaginer comment lui donner un second souffle. Pour le Groupe BPCE, une réponse consiste à lancer une chaire de recherche sur le sujet avec ESCP Business School.
Sans entrer dans des considérations sociologiques vaseuses, les sociétés de crédit mutuel historiques souffrent des effets conjugués de trois tendances qui remettent en question leurs valeurs d'origine ou, à tout le moins, la manière de les orchestrer : la profonde transformation des modes de relation et d'interaction de nos congénères, la centralisation due aux exigences de performance et de rentabilité et, probablement dans une moindre mesure, la pression réglementaire qui contribue au même mouvement.
Aujourd'hui, le consommateur lambda ne perçoit plus guère la différence entre les grands groupes capitalistes tels que Société Générale ou BNP Paribas et les géants mutualistes tels que BPCE ou Crédit Agricole, dont les instances de pouvoir semblent souvent détachées du contexte local (des fonctions principales pilotées depuis Paris à la perte d'autonomie de décision à proximité du client) et dont les structures cotées en bourse induisent une confusion chez ceux qui voudraient encore croire à leur spécificité.
Les causes de ces évolutions sont inamovibles, aussi est-il inutile d'espérer un retour en arrière. Il ne reste donc qu'à inventer les nouvelles formes de mutualisme pour le XXIème siècle et, malheureusement pour quiconque rêve d'une adaptation rapide, l'exercice s'avère complexe. En ce sens, l'idée d'une chaire, mise en place pour trois ans, représente une intéressante manière de prendre du recul sur la situation, sur les défis à relever… et sur les opportunités de modernisation d'un système toujours pertinent.
La présentation officielle du dispositif évoque surtout un volet d'étude du rôle de la banque coopérative ou mutualiste (les deux notions étant proches), notamment dans son rapport avec l'économie réelle et avec la société, les deux piliers de son identité propre. Cette approche analytique constitue certes un préalable essentiel, mais j'ose en effet espérer que les travaux qui seront menés aborderont également une dimension plus exploratoire et expérimentale, susceptible d'inspirer les indispensables stratégies de relance.
En la matière, les pistes de réflexion ne manquent pas. Citons par exemple le besoin de redéfinir l'organisation de la communication, des collaborations et de la démocratie participative à l'ère « digitale », l'enjeu de remise du client-sociétaire au centre des préoccupations (qui devrait être inscrite dans les gènes des établissements mutualistes), les possibilités de fédération et d'animation de puissantes communautés d'intérêt et d'action sur les grandes problématiques de notre époque, environnement en tête…
Une autre facette de la même équation est celle de la taille des groupes mutualistes : devenus des monstres aux millions de clients, leur architecture pyramidale perd fatalement en route le contact humain qui reste un de ses atouts majeurs à l'échelle locale. Des recherches qui porteraient sur les moyens de lui redonner toute sa valeur en l'articulant intelligemment avec les impératifs d'optimisation opérationnelle d'un organisme centralisé pourraient déboucher sur des applications bien au-delà de la banque…
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