En dehors de quelques timides tentatives, rapidement avortées, Visa ne s'est jamais véritablement intéressée au segment des paiements entre pairs (P2P), qui a pourtant vu éclore une génération entière de géants (Venmo en tête). Dans l'espoir de reprendre la main, elle présente aujourd'hui une initiative visant à l'interopérabilité des outils existants.
Le résultat de la course qui s'est jouée il y a une décennie est un marché aux innombrables solutions, plus ou moins saturé, qu'il peut paraître vain de chercher à pénétrer maintenant mais qui offre une opportunité formidable en raison même de sa diversité. En effet, avec la croissance massive des usages, les adeptes sont confrontés à une friction récurrente lorsqu'ils souhaitent échanger de l'argent avec un correspondant recourant à un fournisseur de porte-monnaie « digital » différent de leur favori.
La seule réponse envisageable à ce jour consiste à créer un compte dans chacune des applications proposant ce genre de services, de manière à toujours trouver un terrain d'entente au moment d'exécuter un versement. Hélas ces systèmes requièrent souvent un dépôt et, surtout, conservent les encaissements dans leurs propres livres. Se pose alors le problème de la dispersion des sommes ainsi accumulées : comment les gérer, comment en utiliser la totalité librement sans avoir à jongler entre les logiciels…?
Avec le concept Visa+, la vie du consommateur redevient simple. Chaque individu conserve uniquement son (ou ses) moyen(s) de paiement préféré(s), dans le(s)quel(s) il lui suffit de définir un identifiant dédié à ses transactions externes. Par la suite, au sein de toutes les solutions compatibles, celui-ci peut être sélectionné comme destinataire d'un règlement, la plate-forme du réseau de cartes – qui réplique de la sorte son métier historique – se chargeant de réaliser le transfert entre les deux systèmes.
Dans un premier temps, celui d'une expérience pilote qui s'étalera sur l'année 2023, seuls deux acteurs (étroitement liés) sont engagés, mais de taille : PayPal et Venmo. En parallèle, une poignée de partenaires de Visa rejoignent le navire, sur un autre scénario de mise en œuvre puisqu'il s'agit de déployer sur des sites commerciaux (de l'avance de salaire de DailyPay aux transferts internationaux de Western Union) une option unique de paiement intégrant automatiquement les principaux porte-monnaie virtuels.
Le lancement officiel de Visa+ est planifié pour la fin de cette année et une généralisation (au reste du monde ?) interviendrait dans le courant de 2024. Il restera tout de même à voir si les acteurs concernés – il en faudra beaucoup pour espérer le succès – suivront les deux mastodontes embarqués dans l'aventure : les gros pourraient se satisfaire de leur audience captive, les petits risquent de craindre une marginalisation et tous voudront évaluer au préalable les bénéfices potentiels de leur participation.
Au fil des annonces, se dessine la stratégie de Visa dans un univers des paiements qui promet de changer radicalement. Oubliées, apparemment, les velléités passées de prendre pied en bout de chaîne, dans les interactions entre utilisateurs finaux, la cible consiste maintenant plutôt à décliner le principe du réseau d'infrastructure (de ses origines) dans les domaines d'avenir – là les monnaies « digitales » de banque centrale (MDBC) ou, ici, les applications P2P – en profitant de l'explosion des besoins d'interopérabilité entre une myriade d'outils génériques ou de niche.
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