Une vaste étude commanditée par le cabinet de conseil Bain & Company fournit une intéressante perspective sur l'évolution des comportements et de la fidélité des consommateurs dans le secteur bancaire. Principal enseignement, les tendances observées dans les régions émergentes devraient inquiéter dans les pays développés.
Naturellement, les nouveaux entrants enregistrent une pénétration beaucoup plus importante dans les pays tels que le Brésil et l'Inde, où leurs offres bon marché et simples d'accès conquièrent rapidement les populations écartées du système financier traditionnel. Cependant, ils commencent maintenant à prendre des parts significatives parmi les catégories plus aisées et mieux éduquées, y compris là où le niveau de bancarisation est élevé, auquel cas l'équipement multiple prévaut fréquemment.
Bien que le phénomène soit éminemment variable selon les géographies (la France semble la moins sensible… pour l'instant), il est en progression partout, en particulier en ce qui concerne l'adoption de porte-monnaie virtuels. Le mouvement, d'abord visible chez les jeunes, prend désormais de l'ampleur dans toutes les catégories d'âge, notamment pour les achats en ligne et les échanges entre pairs (P2P). Les paiements deviennent de la sorte un des premiers vecteurs de désintermédiation de l'industrie.
Or les conséquences d'un tel éclatement ne sont pas à prendre à la légère, même si, à ce jour, aucune solution ne parvient ailleurs à un succès du même ordre que ceux d'Alipay ou de WeChat Pay en Chine et si on peut rester sceptique sur la capacité de la génération montante de concurrents innovants aux catalogues restreints – néo-banques en tête, dans le monde occidental – à développer un modèle rentable à long terme et, donc, à représenter une menace sérieuse pour les établissements historiques. Et la perte d'opportunités d'interactions qu'il entraîne n'est pas la seule à considérer.
En effet, en parallèle de celui-ci, un autre changement se dessine dans les attentes des clients. L'enquête de Bain révèle ainsi que l'habitude d'obtenir des services personnalisés dans de multiples domaines de la vie courante les conduit à demander le même genre d'approche avec leur argent. Concrètement, exemples réels à l'appui (de DBS à RBC et son NOMI), ils déclarent être plus satisfaits de leur relation bancaire quand elle s'ajuste à leur contexte et ils appréci(erai)ent que leurs données soient exploitées dans le but de leur recommander des produits correspondant à leurs besoins.
Le problème est que ses paiements constituent la source d'information unique la plus riche et la plus complète disponible aujourd'hui sur un individu. Dès qu'une partie de ses transactions échappent à son fournisseur primaire, c'est un peu de la connaissance intime de son comportement qui est soustraite à ce dernier, réduisant sa faculté de le conseiller avec le maximum de pertinence. Dans ces conditions, la multiplication des instruments dans les portefeuilles représente aussi un facteur d'insatisfaction en puissance.
Dans les faits, le risque est double pour les (nombreuses) institutions financières qui ont déjà accumulé un retard conséquent dans leur prise en compte de cette exigence croissante de personnalisation. Leur insuffisance en la matière engendre un surcroît de défiance propice à la recherche de partenaires complémentaires (sinon de substitution). Le recours à des produits tiers par les clients rend alors de plus en plus difficile de résorber les déficiences constatées… et le cercle vicieux est enclenché.
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