Dans une économie où les produits et services sont identiques d'un fournisseur à un autre, les entreprises prennent conscience que leur avantage commercial dépend désormais de leur capacité à offrir une expérience client d'exception. Mais savent-elles exactement de quoi il retourne et sont-elles bien armées dans cette nouvelle bataille ?
Le sujet est à la mode. Il suscite d'innombrables initiatives, et encore plus de communication, dans les startups comme dans les grands groupes, dans le secteur financier comme dans les autres. Avec son livre « Homo-sapiens, 300 000 ans d'expérience client », Marc Van Rymenant nous entraîne au-delà des mythes, des fantasmes et des pures absurdités que génère fréquemment cet engouement massif, afin de comprendre que le premier enjeu consiste à recentrer l'organisation sur l'humain.
Le point de départ du voyage auquel l'ouvrage nous convie est notre cerveau, le siège de nos sens, de nos émotions, de nos besoins, de nos envies, de nos décisions. Organe extraordinaire, il n'en est pas moins relativement primitif puisqu'il n'a guère évolué depuis le règne du chasseur-cueilleur, il y a 44 000 ans. Conséquence directe de ce fait, nos comportements restent guidés par les mêmes principes que nos lointains ancêtres, bien que notre environnement ait considérablement changé depuis leur époque.
Et que nous apprend l'étude, de plus en plus profonde et précise, de son fonctionnement millénaire ? En résumé, nous découvrons que l'évolution darwinienne a « conçu » le cerveau pour la rapidité plutôt que la justesse. Il est par exemple « programmé » pour réagir le plus vite possible à une menace potentielle, de manière qu'on pourrait qualifier d'« instinctive », quitte à s'apercevoir plus tard, une fois à l'abri et grâce à des mécanismes plus lents de réflexion consciente, que le risque perçu était imaginaire.
Connaître cette sorte de « conditionnement » devient alors essentiel pour proposer une expérience client (ou collaborateur) optimale. Quand nous exécutons une action ou quand nous nous engageons dans une interaction (en ligne ou autre), nous en appréhendons le contenu et les épisodes avec notre cerveau limbique, piloté exclusivement par des mécanismes de fuite du danger (ressenti) et de recherche de récompense (en exigeant le minimum d'efforts), matérialisée par la production chimique de dopamine.
La rationalité n'a qu'un bien maigre rôle dans le paysage ! Surtout quand on sait que le cortex, qui en est le maître, ne reçoit de la part de son collègue qu'une infime partie des informations disponibles, sélectionnée selon ses critères de détection de prédateur et de poursuite des proies : entre les impulsions urgentes et les raisonnements faussés à leur base, les biais psychologiques sont évidemment toujours aux commandes de nos faits et gestes et il est donc vain de bâtir une expérience sur la seule logique !
C'est justement sur ce plan que Marc poursuit sa démonstration, en exposant l'incohérence dont font preuve les entreprises quand elles affirment leurs désirs d'« enchanter » le client ou de stimuler le « bonheur au travail ». Serait-ce une autre manifestation du cerveau irrationnel de leurs responsables quand ils croient qu'il suffit de partager de l'information pour éduquer les consommateurs (cf. la gestion de finances personnelles) ou que la création d'une équipe d'UX est la réponse à leurs carences ?
Élaborer un site web, une application mobile, un processus de back-office ou une brochure commerciale en supposant qu'il suffit d'en appeler à la raison de son destinataire pour qu'il remplisse son office est une pure illusion. Tout comme il est aberrant de penser que la possession des outils les plus en vogue – qu'il s'agisse de technologies, d'approches de management, de formations aux titres pompeux, de gadgets d'organisation… – donne automatiquement les clés d'une expérience parfaite.
Je n'adhère pas entièrement à son rejet des méthodes telles que le « design thinking », qui, à mon avis, peuvent aider à appliquer les recommandations qu'il formule lui-même. Mais il est certain que leurs mises en œuvre trahissent trop souvent ces principes élémentaires. Je serai également moins catégorique que lui sur les dangers de l'intelligence artificielle, dont j'imagine la valeur pour, d'une part, maîtriser les biais cognitifs présents dans l'entreprise et, d'autre part, mieux appréhender ceux du client.
S'il n'est qu'un enseignement à retenir de cette lecture, ce sera l'impératif pour quiconque veut proposer une expérience remarquable de savoir évacuer ses a-priori et ses idées préconçues et de leur substituer une vraie connaissance de l'utilisateur cible, qui prenne aussi en compte ses « défauts ». Si vous n'en êtes pas encore convaincu, si vous souhaitez approfondir cette synthèse superficielle, si vous recherchez des conseils concrets…, n'hésitez plus : lisez « Homo-sapiens, 300 000 ans d'expérience client ».
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