En cette période estivale pendant laquelle l'actualité s'essouffle, on peut toujours compter sur des annonces insolites, voire absurdes. Dans ce registre, l'année 2020 promet déjà un cru exceptionnel avec cette annonce [PDF] à travers laquelle les cinq plus grandes banques espagnoles se ridiculisent… sur la blockchain (évidemment).
C'est en collaboration avec Iberpay, l'organisme en charge du système de paiement national, que Sabadell, Santander, Bankia, BBVA et La Caixa révèlent le succès de leur mise en œuvre expérimentale d'une application de transfert d'argent automatisé, élaborée avec un contrat intelligent (« smart contract »). Un peu comme si une association de comptables s'était félicitée en 2000, une décennie après sa naissance, d'avoir validé la faculté d'Excel à additionner des colonnes de nombres sans erreur.
Car s'ébahir devant le supposé exploit revient à oublier les centaines (milliers ?) de mises en œuvre opérationnelles, parfois anciennes, des capacités programmatiques des blockchains publiques que sont, entre autres, Bitcoin et Ethereum, et dont plusieurs impliquent des mouvements de fonds. Rappelons notamment l'existence de plates-formes de financement participatif robotisées ou encore, pour prendre un exemple plus « institutionnel », les premiers déploiements d'assurances paramétriques.
Puis il faudrait également rappeler que les fameux « smart contracts » sont, en réalité, extraordinairement bêtes. Après tout, il ne s'agit que d'algorithmes, pour la plupart triviaux, qui se contentent de déclencher une action prédéterminée quand sont réunies quelques conditions prédéfinies. Imaginez un outil qui détecterait le versement de votre salaire sur votre compte courant et en virerait automatiquement 10% sur un livret d'épargne si cela ne déclenche pas un découvert. Y aurait-il là de quoi s'émerveiller ?
Nos stars du jour, elles, se sont penchées sur une application de gestion de caution, depuis l'émission et l'enregistrement d'une garantie financière jusqu'à son déblocage ou son annulation. Comble de la plaisanterie, elles ont cru bon d'ajouter à la recette une notion d'agent notarial, qui impliquerait, dans la vraie vie, l'intervention d'une autorité administrative ou judiciaire pour valider le paiement, alors qu'un des principaux avantages de la blockchain est d'éliminer le recours à un intermédiaire de confiance !
J'ignore quelles ressources ont été consacrées à ce projet, mais il constitue une démonstration flagrante de la propension des grands groupes à gaspiller leur énergie, leurs budgets et leur temps dans des démarches sans intérêt ni valeur. Pire encore, celle-ci illustre aussi très spécifiquement les dérives consternantes auxquelles conduit le mythe de la blockchain – qui la dépeint comme le remède miracle à tous les maux de la terre – quand les décideurs renoncent à vouloir comprendre ce dans quoi ils investissent.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Afin de lutter contre le spam, les commentaires ne sont ouverts qu'aux personnes identifiées et sont soumis à modération (je suis sincèrement désolé pour le désagrément causé…)