Elle est (était ?) une de mes startups préférées dans l'hexagone, avec sa vision originale et rafraîchissante du rôle de la banque dans la vie des entrepreneurs. Hélas, après son acquisition par Société Générale et en dépit des promesses qui l'accompagnent, je crains fort que Shine ne sombre bientôt dans l'inertie contagieuse de sa propriétaire.
En apparence, et comme l'explique Nicolas Reboud, co-fondateur et DG de la néo-banque, le mariage est idyllique. Tandis que sa partenaire bénéficie désormais d'une porte d'entrée innovante et dynamique dans le secteur des freelances (et, dans une moindre mesure, des TPE), universellement mal servi par l'industrie, Shine s'assure un accès aux ressources dont elle a besoin pour poursuivre son développement. Son indépendance lui étant garantie, que pourrait-il donc arriver pour rompre le charme ?
En réalité, il se produira probablement le phénomène qui a frappé quasiment toutes les transactions similaires depuis la naissance de la FinTech, quand les belles paroles du contrat initial se matérialisent dans le quotidien de l'absorption. Car le mot indépendance possède un sens différent pour la proie et pour son prédateur. C'est d'ailleurs faire preuve d'une certaine naïveté que de prendre cet engagement pour argent comptant, même si les deux parties sont absolument sincères quand elles le présentent.
Après tout, quand une entreprise en rachète une autre, plutôt que de se contenter d'un investissement, c'est bien parce qu'elle recherche des synergies et qu'elle envisage un degré d'intégration minimal. En l'occurrence, Société Générale affiche clairement la couleur : l'offre de Shine a vocation à entrer dans son catalogue, en articulation avec ses propres produits à destination des professionnels. De toute évidence, cette première étape vers une fusion aura un impact sur la feuille de route de la jeune pousse.
Le scénario, connu, suit un script invariable. La première phase est celle de la conformité : quelle que soit la qualité des processus instaurés, ils ne correspondent pas aux « standards » du grand groupe et aux habitudes de ses armées administratives. S'ensuivent alors des mois d'ajustements, de pertes d'énergie et, au pire, de dégradation de l'expérience client, victime collatérale oubliée. Puis le schéma se reproduit à l'identique, par exemple sur les systèmes informatiques, accentuant les déperditions.
Après 18 à 24 mois consacrés exclusivement à ces efforts d'alignement improductifs, le rythme de l'innovation, qui constitue l'essence d'une startup, est définitivement perdu et la belle pépite d'origine n'est plus qu'un caillou sans éclat. Ceux qui considèrent que je noircis le tableau n'auront qu'à parcourir le tableau de chasse des banques françaises au cours des dernières années, y compris celui qu'affiche fièrement Société Générale, pour constater que la flamme de la créativité s'est plus ou moins éteinte partout.
J'aimerais tellement me tromper sur le destin de Shine… Malheureusement, quand l'annonce officielle de son acquisition la positionne comme une offre à l'adresse des professionnels qui « préfèrent une gestion 100% ligne et des services à moindre coût », démontrant une incompréhension profonde de sa véritable proposition de valeur, ou quand elle s'émoustille déjà des produits « de crédit, d'assurance, de paiement » qu'elle pourra commercialiser à ces clients additionnels, je suis résolument pessimiste.
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