L'intelligence artificielle s'immisce dans tous les métiers de la terre, il est donc logique que le conseil aux entreprises soit également concerné. À travers l'annonce d'un nouvel outil de support à ses consultants, IBM évoque un rôle complémentaire à l'humain… mais risque, en réalité, d'enclencher la disparition à terme de leur métier.
Reposant sur son socle Watson, en particulier pour son interface conversationnelle, la plate-forme Consulting Advantage du géant de l'informatique exploite un immense corpus d'information, issu des connaissances acquises en interne et dans l'industrie en général, afin de mettre instantanément à la portée de ses 160 000 consultants les meilleures pratiques dans le design (par exemple la création de personas), la conception (dont l'analyse métier), le développement et le test d'applications.
Inévitablement, les objectifs visés avec cette solution relèvent exclusivement de la productivité, de l'efficacité et de la rationalisation, assorties de notions de répétabilité et de cohérence dans les missions assurées par les collaborateurs. Pour leurs clients, ces bénéfices se traduiraient par des livraisons plus rapides et, peut-être, à moindre coût (cet aspect n'est évidemment pas abordé). L'IA est donc ici envisagée comme un moyen de standardiser et industrialiser l'accompagnement des projets informatiques.
Si une telle perspective paraît a priori séduisante, en suggérant notamment l'optimisation des processus de création et l'amélioration de la qualité des résultats délivrés, elle présente à mon avis deux failles critiques. D'une part, elle pointe inéluctablement vers un avenir dans lequel la maturité des technologies réduira progressivement le rôle de l'individu, jusqu'à sa disparition totale. Un jour, les robots remplaceront les sociétés de service, exigeant tout au plus un encadrement minimal pour accomplir leurs tâches.
L'autre danger, plus subtil, est celui de la normalisation des approches. Quand tous les fournisseurs et leurs employés recourent aux mêmes recettes, leurs clients obtiennent tous plus ou moins le même produit fini. Adieu alors les velléités de différenciation concurrentielle par les services « digitaux », pourtant si importante aujourd'hui, en particulier dans le secteur financier. Et, là encore, les prestataires perdront leur raison d'être face à des éditeurs de progiciels capables de livrer les mêmes capacités sur étagère, avec des délais de mise en œuvre raccourcis, à un meilleur prix.
Naturellement, un usage raisonné de l'intelligence artificielle éviterait aisément ces pièges, tout en conservant sa valeur ajoutée. Mais la pression permanente sur les collaborateurs, surtout dans les grands groupes de conseil, aura toujours tendance à favoriser les excès, par facilité et par souci de rentabilité. À l'extrême, quand la personnalisation selon le contexte du client et la créativité auront été éliminées au profit de la performance de l'automatisation, ils n'auront plus qu'à changer de métier.
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