Comme chaque année, le cabinet Gartner présente ces jours-ci sa sélection des technologies émergentes les plus transformatives pour l'avenir. Cette édition 2022 se concentre sur deux tendances majeures, radicalement différentes : les expériences immersives et les outils dédiés à la production de solutions, d'intelligence artificielle ou autres.
Le premier constat que suscite ce nouveau « hype cycle » générique, destiné à synthétiser l'analyse de plus de 2 000 domaines détaillés, est la poursuite d'un mouvement engagé depuis plusieurs années vers l'amont de la courbe, c'est-à-dire sur sa partie la plus sensible au battage publicitaire et la plus lointaine dans le temps, à l'exclusion totale des technologies susceptibles de se rapprocher de la maturité et d'une éventuelle généralisation (en entreprises) à un horizon visible, sinon certain.
Selon ce point de vue, le positionnement proéminent des expériences immersives ne constitue guère une surprise, puisqu'il s'agit de la grande mode du moment, qu'elle soient abordées comme un tout ou par l'intermédiaire de leurs composantes individuelles (NFT, identité décentralisée, web3, métavers, jumeau numérique…). Le choix interroge toutefois sur les arguments objectifs sous-jacents des analystes, par exemple avec les NFT, dont il est difficile de percevoir la valeur technologique, quoi qu'on en pense par ailleurs.
La combinaison proposée donne tout de même du grain à moudre, entre, par exemple, la perspective lointaine, à plus de 10 ans, sur les métavers (ce qui devrait laisser le temps de préparer leur éventuel avènement) et les opportunités indépendantes non précisées sur certaines technologies (l'identité décentralisée, notamment), en passant par le rattachement des super-apps à cette notion d'expérience immersive, qui leur ouvre un vaste potentiel face aux polémiques dont leur viabilité fait l'objet aujourd'hui.
La deuxième thématique retenue par Gartner est plus étonnante… mais elle répond à une logique indiscutable, puisqu'elle intervient à l'intersection entre la complexité croissante de l'informatique, des besoins en progression constante et une pénurie de talents de plus en plus critique. Faute de professionnels capables de concevoir et programmer les applications nécessaires au fonctionnement du monde contemporain, les technologies qui facilitent ou accélèrent ces tâches sont appelées à devenir stratégiques.
L'intelligence artificielle, omniprésente dans le « hype cycle » depuis des années, offre une illustration exacerbée de cette évolution, puisque, dorénavant, elle ressort exclusivement par des approches qu'on pourrait qualifier de « méta-IA », ou l'utilisation de l'IA pour le développement, la mise au point et le déploiement automatiques des modèles requis dans d'innombrables produits (plutôt semi-automatiques, dans les faits, l'humain étant cependant assigné à un autre rôle que celui, central, qu'il assume à ce jour).
La même dynamique affecte toutes les disciplines, telles que l'infonuagique, où elle est aussi particulièrement à l'œuvre. D'une certaine manière, elle me semble inquiétante pour les organisations traditionnelles, où l'isolation, déjà dangereusement forte, entre métier et informatique risque de s'accroître encore, au détriment de la prise en compte du client et de ses attentes dans l'ensemble des activités, ce qui pourrait s'avérer dramatique dans l'hypothèse de la transition annoncée vers les environnements immersifs…
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