Un an et demi après son annonce aux États-Unis et quelques mois après sa première introduction dans l'Union Européenne (aux Pays-Bas), la solution d'encaissement sur iPhone 100% logicielle d'Apple débarque maintenant en France. Que faut-il penser de ce lancement relativement rapide et quelles conséquences peut-on en attendre ?
Rappelons que la fonction « Tap to Pay » propose aux commerçants, artisans et autres professionnels d'utiliser leur téléphone comme un terminal de paiement, acceptant toutes les transactions sans contact grâce à une application ad hoc, sans requérir le moindre accessoire matériel, comme c'était le cas jusqu'à présent et depuis les premiers pas de Square… en 2010, à tout le moins sur iPhone, puisque le système Android dispose de longue date de capacités de ce genre, offertes par différents prestataires.
Parce que, comme avec son porte-monnaie mobile, Apple se contente de fournir des fonctions techniques, laissant aux acteurs spécialisés le soin de les exploiter dans leurs infrastructures de paiement, ce sont des enseignes connues qui distribuent l'option auprès de leur clientèle : Banque Populaire et Caisse d'Épargne, Revolut, Worldline, Adyen, SumUp…, dont les déclinaisons respectives sont d'ores et déjà disponibles dans l'AppStore, qui seront bientôt rejointes par BNP Paribas, Stripe… et quelques autres.
Le choix de l'hexagone pour un déploiement précoce n'est finalement pas une surprise. Entre une part de marché significative de l'iPhone, qu'il est crucial de défendre face à une concurrence plus avancée dans le domaine de l'encaissement, et un taux d'équipement en cartes sans contact dépassant les 90%, dans un des pays les plus peuplés de la région, la décision est logique. La seule limitation est probablement l'enrôlement des banques, qui semble pour l'instant timide et laisse le champ libre à la FinTech.
Les établissements historiques ont quelques raisons d'être réticents. Tout d'abord, ils ont certainement des difficultés à accepter l'intermédiation obligatoire d'Apple du côté de l'encaissement, après avoir subi le « hold-up » qu'a réussi la marque dans le paiement, d'autant plus qu'elle est vraisemblablement assortie de commissions qui vont ponctionner leurs marges (naturellement, la communication officielle n'évoque pas le sujet).
Notons que ce verrouillage, qui relève d'une forme de monopole, devrait, attirer l'attention du régulateur, déjà préoccupé par les mêmes restrictions existantes sur le porte-monnaie mobile de la firme. Incidemment, les velléités de l'Europe de créer son propre mécanisme de paiement (EPI ou autre) risquent de se heurter à cet obstacle, ce qui pourrait accélérer le déclenchement d'une offensive par les autorités.
D'autre part, la plate-forme ne supporte aujourd'hui que les schémas des réseaux Visa, Mastercard, Discover et American Express, tandis que des négociations seraient en cours afin d'inclure aussi celui du GIE Cartes Bancaires. Au vu des débats qui agitent l'organisme ces derniers temps, plus ou moins lâché par certaines banques (hasard ? les premières citées sont celles de BPCE, à l'occasion des jeux olympiques parisiens de 2024), les enjeux de souveraineté joueraient-ils donc un rôle majeur dans la partie ?
En synthèse, Apple arrive cette fois dans une bataille bien engagée, sans arguments de différenciation, mais toujours en force. Son entrée en lice, en particulier en France, répond à une menace, notamment dans les grandes boutiques de plus en plus fréquemment adeptes de l'encaissement en rayon, mais elle ne changera pas la donne.
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