J'avoue que ce n'est pas mon idée, mais je souhaite profiter du jour des morts 2023 pour un hommage à trois jeunes pousses de la FinTech, disparues depuis longtemps mais qui auraient pu – et dû – transformer l'industrie. Un point commun dans cette sélection subjective : il reste encore à tirer les enseignements de leurs aventures respectives.
Commençons par la seule française de ma liste, FriendsClear qui fut non seulement une pionnière du crédit entre pairs dans l'hexagone mais aussi, plus généralement, une des premières startups françaises à tenter de secouer l'immobilisme des banques. Inspirée des anglo-saxonnes Zopa et Prosper, qui, elles, subsistent grâce à leur re-positionnement de néo-banque (et en reniant ses origines, pour la première), elle a hélas subi la même réalité d'un modèle qui, vraisemblablement, ne pouvait devenir viable.
Le constat vaut plus largement pour l'ensemble de la finance participative, au sein de laquelle les succès sont, sauf rare exception, telles que (peut-être) celle de CrowdCube au Royaume-Uni, modestes. Au mieux, il reste quelques solutions, souvent spécialisées sur un domaine plus ou moins restreint, qui recourent à une approche hybride du financement, combinant investisseurs individuels et institutionnels, soit sous forme autonome, soit par l'intermédiaire d'une acquisition par un établissement traditionnel.
Poursuivons avec une de mes favorites de tous les temps, dont l'avis de décès fut le premier article que j'ai publié dans ces colonnes. Alors qu'existaient auparavant des solutions de suivi de comptes bancaires, Wesabe esquissait les prémices d'une véritable gestion de finances personnelles (PFM). Une de ses particularités consistait à proposer à ses utilisateurs de comparer leur situation avec celle de leurs pairs, selon différents critères, de manière à les encourager à optimiser leurs comportements.
Comme tant d'autres au fil des années, elle n'a pas résisté à la difficulté d'identifier et implémenter un moyen de monétiser son produit. Si elle avait survécu, je me prends à imaginer qu'elle aurait pu développer le concept de conseil proactif qui constituait la suite logique de son évolution. Au lieu de quoi, les outils de PFM, désormais présents dans (presque) toutes les applications bancaires, restent désespérément cantonnés à un rôle passif de surveillance, et sont finalement peu utiles et donc faiblement utilisés.
Dernière star incontournable de mon cimetière, je ne peux oublier Fidor et son ambition d'inventer une autre relation à l'argent : réminiscence du mutualisme des origines (qui s'est aujourd'hui quasiment perdu dans le capitalisme), elle abordait la banque par une vision communautaire qui visait à rapprocher ses « clients » sur des objectifs partagés, qu'il s'agisse de faire progresser ensemble le taux d'intérêt de rémunération des dépôts ou de co-créer les produits et services répondant aux attentes de la majorité.
Celle-là a succombé, selon la version officielle, à des errements de gestion… mais je soupçonne que, de toutes manières, elle se serait épuisée à trouver une voie vers la rentabilité. Toujours est-il que ses innovations ont été enterrées avec elle, alors que, depuis une décennie, plusieurs institutions financières ont cherché à créer des sortes de réseaux d'échanges entre leurs clients… sans jamais parvenir à un résultat convaincant. Certaines leçons auraient pourtant pu être apprises du parcours original de Fidor.
Passé le moment de nostalgie, rien ne sert de regretter ce qui aurait pu être et ne sera jamais. En revanche, les échecs d'hier représentent une formidable matière pédagogique à la fois pour éviter de reproduire des erreurs fatales et pour reprendre des idées qui ne demandent qu'à s'épanouir. Au-delà de FriendsClear, Wesabe et Fidor – dont je réalise qu'elles ont aussi en partage leur orientation vers le client et le collectif – d'autres victimes des aléas de l'entrepreneuriat méritent d'être remémorées.
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