L'attribution d'un prix de l'innovation bancaire par Qorus (et Accenture) à BNP Paribas Fortis pour son initiative HappyNest me fournit une excellente occasion de m'attarder sur cette incursion d'une banque dans le domaine de la location-vente immobilière, jusqu'à maintenant occupé exclusivement, à ma connaissance, par des jeunes pousses.
Issue d'une collaboration avec le promoteur local Matexi, la plate-forme, inaugurée au cours du printemps 2023, reprend, apparemment avec succès, le principe précédemment exploré par OwnHome en Australie ou Kettel au Royaume-Uni, pour ne citer que ces deux références. Elle propose donc aux belges d'emménager dans la résidence de leurs rêves en tant que locataires, en bénéficiant d'une option garantie d'acquisition, à des conditions prédéterminées et avantageuses, après quatre ans d'occupation.
Concrètement, la structure HappyNest assume le rôle de propriétaire-bailleur du logement (à vocation d'habitation principale, faut-il préciser) et établit un montant de loyer dans les normes du marché. À partir du cinquième anniversaire de l'opération, elle va revendre le bien, soit à un tiers et le contrat de location peut être prolongé dans le cadre légal d'une cession, soit, s'il le souhaite, à l'occupant, qui bénéficie alors d'une réduction sur le prix équivalente à la moitié des sommes versées au cours des quatre ans précédents.
Si, en comparaison des exemples cités plus haut, HappyNest n'autorise pas une recherche libre à ses clients et restreint au contraire leur choix à un parc, toujours dans le neuf, qu'elle achète en amont (parmi l'offre de Matexi ?), cette limitation lui procure l'opportunité d'appliquer ses propres critères de sélection. En l'occurrence, elle ne retient que des propriétés recueillant le meilleur coefficient d'efficacité énergétique, ajoutant ainsi à sa mission celle d'apporter un coup de pouce à la transition écologique.
L'initiative représente, naturellement, une réponse aux défis de la conjoncture actuelle. En effet, sans même parler de la flambée des coûts dans l'immobilier, entre la hausse brutale des taux d'intérêt, la crise du pouvoir d'achat et, entre les deux, le resserrement des exigences pour l'obtention d'un crédit, les consommateurs, et en particulier les primo-accédants, éprouvent d'énormes difficultés à devenir propriétaires, à tel point que les nouveaux crédits hypothécaires sont en chute de plus d'un tiers en un an.
Dans ce contexte, la démarche de BNP Paribas Fortis n'a pas pour seule vocation d'alléger les obstacles des candidats à l'achat. Elle constitue aussi une mesure d'amortissement du choc sur un segment d'activité important. Avec HappyNest, non seulement dispose-t-elle d'un nouveau modèle d'affaires, complémentaire, mais, grâce à son positionnement très en amont des projets d'acquisition, elle peut également espérer que les utilisateurs de la solution se tourneront en priorité vers ses offres de prêts à la fin de la phase de location, même s'ils sont libres d'emprunter où bon leur semble.
Dans un paysage assez terne pour l'innovation dans les institutions financières depuis plusieurs mois, que reflète d'ailleurs largement le palmarès de Qorus, la filiale belge de BNP Paribas fait preuve de résilience, pas nécessairement en termes de créativité mais, à tout le moins, dans sa capacité (rare) à adopter et adapter rapidement une idée d'abord développée par des startups, qui lui permet d'affirmer sa présence aux côtés de ses clients dans une période qui reste compliquée pour leur porte-monnaie.
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