Comme nombre de ses consœurs à travers le monde – dont aucune ne s'est, à ma connaissance, vantée à ce jour d'un quelconque succès –, CommBank annonce l'introduction de fonctions étrangères à ses métiers fondamentaux au sein de son application mobile. Elle justifie ce lancement avec les mauvais arguments déjà maintes fois brandis.
Fidèle à sa rationalité habituelle, la démarche de développement adoptée par l'établissement commençait pourtant par une analyse préliminaire apparemment raisonnable. Ainsi c'est sur la base du constat (objectif) des projets pour lesquels ses clients mettent le plus fréquemment en œuvre un programme d'épargne, via les outils mis à leur disposition dans ce but, qu'ont été sélectionnés les deux domaines retenus pour l'extension de périmètre : l'acquisition d'une voiture et le voyage.
Voilà comment, grâce à des partenariats ad hoc, débarquent dans la plate-forme mobile de la banque une place de marché automobile et un module de réservation de voyages. Les deux offrent bien sûr des capacités à l'état de l'art – comprenant, par exemple, des avantages spécifiques pour les véhicules électriques ou un module prédictif qui détermine la période pour obtenir le meilleur prix sur un vol – et intègrent de manière transparente le paiement et les options de financement pertinentes.
À votre avis, qu'est-ce qui laisse croire à CommBank qu'elle a la moindre chance de convaincre ses clients de la préférer aux plates-formes et autres commerces (y compris physiques) spécialisés dans ce genre de services ? En premier lieu, c'est évidemment le mirage de l'engagement, tel que matérialisé, censément, par une statistique certes impressionnante : chaque utilisateur se connecte désormais à la banque mobile 42 fois par mois en moyenne (soit presque 3 fois plus qu'il y a 10 ans).
Le raisonnement est un peu court… car il manque désespérément de profondeur ! Un minimum de sérieux dans l'étude révèlerait certainement les raisons de cette croissance, qui ne témoigne en rien d'un plus grand désir d'interactions avec la banque. L'oubli est particulièrement cocasse quand on prend conscience qu'une partie de la réponse se trouve dans la communication officielle elle-même : la multiplication des outils disponibles dans l'application engendre automatiquement plus d'usages.
Or ce qui capte le plus l'attention des consommateurs, ce sont d'abord les mécanismes qui les aident à se débrouiller avec leur budget, que ce soit par le biais de la gestion de finances personnelles ou à travers le moteur de recherche d'aides et de subventions. Ajoutez la tentation permanente de consulter le solde du compte courant ou des cartes de crédit, surtout en période de fortes tensions sur le pouvoir d'achat, et vous avez probablement expliqué la fébrilité observée sur les smartphones.
Naturellement, ces situations ne sont pas les plus propices à l'achat d'une voiture ou la préparation d'un voyage de rêve… Et, finalement, les 42 connexions par mois se traduisent peut-être par une ou deux opportunités de rebond (lors des rentrées d'argent ?) et une minuscule fenêtre de tir pour entamer un parcours qui demandera toujours une longue réflexion. À l'inverse, l'introduction de ces fonctions « parasites » va encore augmenter la complexité du logiciel et produire confusion et irritation.
Et si, au lieu de chercher sans cesse des moyens directs de créer des revenus – en l'occurrence sur des dépenses parmi les plus importantes des ménages – qui s'avéreront vains, les banques essayaient plutôt de capitaliser sur le stress qui suscite la consultation incessante de leurs apps… en offrant des solutions qui le soulagent ?
Merci Patrice, complètement en phase. Ce travers de l'extra-bancaire n'est hélas pas nouveau, je l'ai connu (avec le même échec à la clef) chez Banque Casino (devenu Floa Bank et successful avec le BNPL) dans ce que l'on appelait alors "les captives de la distribution"...
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